J'ai plongé instinctivement dans sa lecture sans me rendre compte que je m'exposais à une sorte d'insolence créatrice assez salutaire par les temps qui courent. «J'ai ouvert mon cœur à l'amitié de la nuit.» Cette belle phrase, recueillie avec délicatesse, du non moins délicat recueil de poème, Etreintes Creuses, du jeune artiste-peintre Youssef Ouahboun est saisissante. Un jeune r'bati de trente-quatre ans qui parle de la tyrannique générosité du poème, qui peint et qui a eu le temps de soutenir une thèse sur Baudelaire et la création artistique, doit foncièrement nous intriguer. Je suis d'autant plus à l'aise pour parler de lui que je ne connais pas ce jeune homme et que je n'étais pas le destinataire de son livre. Usant d'un privilège peut-être indu , j'ai emprunté ce livre à l'insu du service culturel du journal. J'ai plongé instinctivement dans sa lecture sans me rendre compte que je m'exposais à une sorte d'insolence créatrice assez salutaire par les temps qui courent. «Et mon soupir qui gronde l'évidence du remords.» Où il veut en venir ? Que cache-t-il de tragique ? «J'y entends ton nom qui à mon insu gratte les cordes des secondes». Mystère. «J'y vois la radieuse aquarelle de ton sommeil dans l'avenir de mon vertige». Nous sommes peut-être face à une sorte de peinture des mots. Trop évident. Il force le trait. «En pleine course, la main s'arrête, multipliant ses caresses raturées sur des fronts angoissés.» Et puis finalement il exagère : «Le vert frisson des chairs impressionnistes t'émerveillait. Tu préférais le linge et la ligne impurs des déshérités au cramoisi sacré des déesses.» Là, il livre heureusement son secret des images, des couleurs et des traits. Quand tout cela recoupe parfaitement la vie de ce jeune marocain, on croit avoir deviné ce qu'il cache. Un désir immense. Que ni la toile, ni l'écriture ne peuvent assouvir. Une vanité de l'âge. Et un appétit de lumière insatiable. « Les mots volent les mots fuient victorieux, des étoiles dans une nuit d'adieux, insensibles aux pleurs et à la déchirure. Tu chantes le front fermé. Dans les yeux ce gris du silence qui monte à l'heure où la douleur est tiraillée entre le soupir et le poème ». Voilà, il n'y a plus rien à dire. Youssef Ouahboun se dévoile totalement pour notre plaisir. C'est un texte à la recherche de cimaises. Il les a par un pur hasard trouvées ici. Donné à lire dans une chronique journalistique des mots de cette fragrance est un plaisir que nous nous offrons rarement. La bonne fortune y est pour beaucoup, aidée en cela par une actualité qui dévore tous nos désirs. Elle attendra. Youssef Ouahboun Étreintes creuses Ed. L'Harmattan.