Les enfants de la rue ont plus tendance à travailler comme cireurs de chaussures. Ils sont légion à Casablanca. Un coffret leur permet de gagner au moins de quoi se nourrir. Au centre-ville, dans les places de taxis et les arrêts de bus, à la gare routière Ouled Ziane, devant les gares de train, les enfants de la rue, forcés de travailler comme des cireurs de chaussures, attirent l'attention des passants. Assis sur des tabourets, leurs coffrets devant eux, ces cireurs avec des habits déchirés, les yeux enfoncés, mais aux sourires immaculés, tentent, tant bien que mal, de gagner au moins de quoi se nourrir. D'autres sillonnent les boulevards de la ville, leurs boîtes, contenant tous les accessoires, en bandoulière, et visent, notamment les clients installés dans les cafés. Partout, les rues sont hospitalières pour cette frange marginalisée de la société. Le phénomène prend de plus en plus de l'ampleur. Dès que le cireur arrive devant une personne attablée à la terrasse d'un café en discussion avec un ami, il lui propose son service de cireur. «Je vous cire les chaussures», lui dit-il. «Non merci», répond la personne. Quelques minutes, un autre se présente. «Je vous cire les chaussures et vous me donnez uniquement avec quoi se procurer un petit morceau de pain», lui demande-t-il. «Non merci», réplique la personne, ne cachant plus sa colère à propos des dérangements provoqués par cet état de choses. Juste après un autre cireur arrive. «Vos chaussures sont dégueulasses. Voulez-vous que je les cire», lui fait entendre. «Non merci», répond toujours la personne qui se sent gênée par ce comportement. Ainsi, la même discussion se répète entre les deux parties à plusieurs reprises. L'un cherche à prendre un café tranquillement alors que l'autre est en quête de quelques sous lui permettant de subvenir à ses besoins et dans certains cas aux besoins de sa famille. «Trois à quatre dirhams par cirage et des fois plus, selon la générosité des clients. Ce misérable métier me permet ainsi de gagner jusqu'à quatre-vingts dirhams pendant le vendredi et le samedi soir. Je sais que je dérange parfois les clients, mais je n'ai pas le choix. Il faut que je procède de la sorte», affirme, Ismaîl, quatorze ans, natif de Aït Ourir, dans la région de Marrakech, cireur depuis trois ans, en précisant qu'il partage une petite chambre avec quatre autres cireurs, à l'ancienne médina. Les cas comme Ismaïl sont légion, un peu partout dans la capitale économique du pays et dans les autres grandes villes du Royaume. Le soir, ces enfants cireurs rangent leurs coffrets et se dirigent vers la gare routière de Ouled Ziane. Dans cet espace caractérisé la nuit par l'anarchie, ils travaillent encore comme des aides-courtiers. Cette tâche est généralement effectuée gratuitement pour que les courtiers leur permettent pendant la journée de travailler en toute quiétude ou, pour les sans domiciles fixes, de passer le reste de la nuit dans les parages de la gare. C'est un petit métier précaire, et pourtant il n'échappe pas à l'exploitation des arnaqueurs dans ces lieux. Il faut dire que ce fléau qui ne date pas d'aujourd'hui porte préjudice à notre société. Cirer les chaussures est un travail dégradant. Et lorsque c'est l'enfant qui pratique cette tâche, la question interpelle à plus d'un titre.