Lundi, jour férié en Afghanistan, le pays devra commémorer la mort du commandant Massoud, symbole de la résistance nationale, assassiné le 9 septembre 2001. Lorsque le «Lion du Panchir» a été tué, le régime Taliban s'était félicité de cette élimination de taille, celle du dernier chef de la résistance afghane. L'attentat-suicide avait été commis par deux hommes qui s'étaient fait passer ce jour-là pour des journalistes marocains. Une victoire pour les fondamentalistes qui n'imaginaient pas que les troupes de l'Alliance du Nord orphelines de leur leader, puissent garder le contrôle de cette petite partie nord-est du pays, à peine 10%, encore longtemps. Si pour certains, il ne fait nul doute que les Taliban ont été à l'origine de ce meurtre, pour d'autres, comme l'ami de Massoud, les kamikazes auraient agi sur ordre direct de Ben Laden. Aujourd'hui ambassadeur d'Afghanistan à New Delhi, Massoud Khalili a en effet déclaré que le chef du réseau Al-Qaïda, anticipant sur les conséquences des attentats du 11 septembre, avait voulu tuer un allié potentiel des Etats-Unis et «faire plaisir au mollah Omar», chef suprême des Taliban. Un coup dur pour la future coalition américaine et un cadeau pour le régime protecteur et hôte du réseau terroriste. Selon le ministre afghan des affaires étrangères, Abdullah Abdullah, à l'époque secrétaire de Massoud, s'il n'y avait pas eu le 11 septembre, cet assassinat n'aurait pas seulement signifié la fin de la résistance en Afghanistan, mais aurait aussi permis l'extension du fondamentalisme dans toute la région centrale de l'Asie. Acte destiné à parachever la domination des Taliban dans le pays ? Prélude aux attaques du 11 septembre ? Si personne ne peut aujourd'hui certifier les motivations comme les auteurs de cet attentat, il est en tout cas sûr que Massoud avait été la cible des Taliban pendant de nombreuses années. Depuis le retrait de ses forces de Kaboul en 1996 et la prise de pouvoir des fondamentalistes, le commandant s'était retranché dans les montagnes du Panchir. Cette enclave était sa place forte, celle-là même qu'il avait utilisée contre les Russes 15 ans auparavant. Car Massoud, grand chef militaire, avait d'abord résisté à l'invasion soviétique avant de combattre ses opposants qui ont assiégé Kaboul pendant quatre ans. Et de devoir freiner la montée des Taliban. De ces combats, lui sont venus ce surnom de «Lion du Panchir» et cette réputation d'éternel résistant. Un héros national. «Massoud, notre frère martyr, est l'un des fils de ce pays dont le nom restera en lettres d'or dans l'histoire de l'Afghanistan», a déclaré samedi Hamid Karzaï lorsqu'il est venu se recueillir sur la tombe du commandant. «Sans ce qu'il a fait, même avec les évènements du 11 septembre, nous aurions dû partir de zéro et je ne sais pas si nous aurions réussi» à chasser les Taliban, a ajouté le président. Selon le Dr Abdullah, l'idée de Massoud «était que, parallèlement à une résistance nationale, devait se développer un processus politique national. Au delà de la résistance militaire, il voulait mobiliser le peuple en vue d'un avenir politique». «Il avait dit clairement qu'il y aurait des étapes, il parlait de Loya Jirga (assemblée traditionnelle), de gouvernement intérimaire, d'élections», a rappelé le ministre. Héros naturel, le commandant Massoud avait surtout été le seul capable de réaliser une unité nationale qui fait aujourd'hui défaut à l'Afghanistan. Il avait rassemblé les Ouzbeks, les Tadjik et les Pachtounes, ces mêmes «seigneurs de la guerre» qui se disputent encore aujourd'hui des portions du territoire.