Budget d'investissement record, création d'un Fonds de restructuration des PME-PMI, d'un Fonds de promotion de l'investissement dans le domaine du textile, baisse ciblée du prix de l'électricité… le gouvernement décline ses priorités. Le Premier ministre, Driss Jettou, s'est réuni lundi soir à Rabat avec les représentants de la presse nationale afin de leurs présenter les grandes lignes de la Loi de Finances 2005, la troisième du genre depuis sa nomination. C'est ainsi qu'il a commencé par soulever la question des principales contraintes auxquelles le gouvernement s'est heurté lors de l'exécution du budget 2004, ainsi qu'au moment de la préparation du projet de la Loi de Finances pour l'exercice 2005. Pour rappel, il s'agit du séisme d'Al Hoceïma, une ville sinistrée dont le plan de restructuration nécessite 2,7 milliards de DH dont les deux tiers supportés par le budget de l'Etat sur une période de trois ans. Autre contrainte: l'invasion des criquets pèlerins. D'ailleurs, le Maroc est menacé par une nouvelle attaque, considérée comme plus féroce que la première. Après avoir dépensé environ 380 millions de DH en cette même année, le gouvernement a déjà débloqué pas moins de 500 millions de DH pour constituer un important stock de pesticides et de matériels de lutte anti-acridienne. L'augmentation du prix du baril de pétrole (référencé à 35 dollars pour 2005) est également considérée comme un handicap. De même, à titre d'exemple, la bouteille de 12 kg de gaz butane, vendue à 42 DH sur le marché, coûte en réalité 72 DH. Même constat pour le gasoil. Alors que le gouvernement vient d'opérer une hausse du prix à la pompe de l'ordre de 20 centimes, Driss Jettou précise que cette augmentation devrait être, aujourd'hui, de l'ordre de 1,2 DH. A chaque fois, la différence étant supportée par la Caisse de compensation. "Mais cela ne durera pas éternellement", assure Driss Jettou. En clair, le consommateur final doit mettre la main à la poche. Pour ce qui est des revendications salariales dans le secteur public, le Premier ministre a estimé que la boucle est pratiquement bouclée. Reste quelques foyers de tensions, comme dans le secteur de la santé. A titre d'exemple, Jettou a souligné que "le calcul des indemnités dans la retraite des professionnels de la médecine aura un impact de 160 à 180 millions de DH pour la Caisse de retraite". En tout cas, le gouvernement ne considère pas une grève comme une catastrophe. "Nous négocions durement sans jamais provoquer les Centrales", indique Jettou. Malgré toutes ces contraintes, le Premier ministre considère le projet de la Loi de Finances 2005 comme "volontariste". Il avance plusieurs arguments. Tout d'abord, le niveau de l'investissement public va battre le record absolu en termes d'enveloppes allouées et du rythme des réalisations: 70 milliards de DH au lieu de 65 milliards en 2004. Cette somme est composée des dépenses du budget général (19 milliards), des fonds spéciaux comme celui de l'habitat (plus de 1 milliard de DH), les entreprises publiques, les collectivités locales… Par ailleurs, "le budget 2005 a un caractère social très prononcé", ajoute le Premier ministre. C'est ainsi que l'accent sera mis sur les projets ayant trait aux secteurs de l'enseignement, la formation, la jeunesse et le sport, l'habitat, la santé ainsi que les programmes d'électrification, l'eau et le désenclavement. Par ailleurs, la Loi de Finances 2005 apporte une excellente nouvelle pour les PME-PMI. Conscient de l'échec de la politique de mise à niveau des entreprises marocaines, le gouvernement a décidé de créer un "Fonds de restructuration" au profit justement des petites et moyennes entreprises. En fait, les outils pour financer la mise à niveau sont bien existants, le Foman en fait partie. Mais les entreprises ne pouvaient les utiliser en raison de leur surendettement. D'où l'idée de créer ce Fonds de restructuration, doté de 200 millions de DH, pour aider les PME-PMI à résoudre leurs problèmes d'endettement et, partant, pouvoir faire appel au Foman. Un autre fonds est prévu dans le cadre de la promotion de l'investissement en amont dans le secteur textile. Driss Jettou a assuré que "la filière textile a un véritable avenir". Encore faut-il qu'elle soit mieux intégrée. C'est ainsi que trois grands groupes internationaux vont opérer en amont de la filière en investissant pas moins de 2,3 milliards. Il s'agit de l'italien Legler, intéressé par le marché américain, et qui investira 90 millions d'euros dans une nouvelle unité à Témara, l'Espagnol Tavex débloquera 60 millions d'euros dans son usine à Settat, et enfin l'Américain Fruit of The Loom s'installera dans la région de Bouknadel et produira pour son usine de Rabat le tissu actuellement importé d'Irlande. Toujours dans le cadre de l'aide apportée à l'industrie marocaine, le gouvernement a décidé de procéder à une baisse sélective du prix de l'électricité. C'est ce que le Premier ministre appelle le "tarif optionnel". Il s'agit tout simplement d'accorder cette baisse qui peut aller jusqu'à 20% aux gros consommateurs comme les usines de filature, les cimenteries ou les sidérurgies. Concernant la polémique autour de la taxation des coopératives, le Premier ministre a été on ne peut plus clair: "Il n'a jamais été question de taxer les coopératives". Toutefois, dans un souci d'harmonisation fiscale, les pseudo-coopératives qui se sont transformées en véritables industries (lait, huiles…) devront se faire une raison et, au-delà d'un plafond du chiffre d'affaires, vont devoir passer à la caisse. A côté de tout cela, le Premier ministre a rappelé les grands chantiers que son gouvernement va prendre à bras-le-corps. C'est le cas du dossier des retraites. L'Etat a emprunté 11 milliards de DH (bons du Trésor) pour solder ses dettes envers la Caisse marocaine des eetraites. Cette somme sera remboursée sur 20 ans. L'autre dossier important : l'AMO. "Nous respecterons les échéances prévues par la loi", affirme Jettou. Toutefois, toutes les pathologies ne seront pas couvertes dès l'entrée en vigueur de l'AMO. "Tout se fera de manière progressive avec la priorité aux pathologies lourdes, à la santé de la femme et de l'enfant". Par ailleurs, Jettou a assuré que le CIH sera restructuré pour qu'il devienne une véritable banque capable de soutenir la politique de l'Etat en matière d'habitat social. Un programme d'envergure sera lancé en 2005 pour mettre à niveau le secteur agricole. Ce plan est doté de 4 milliards de DH qui serviront à soutenir les petits agriculteurs pour l'acquisition des semences, des engrais, la plantation des arbres fruitiers, etc. Les commerçants et les artisans n'ont pas été oubliés, puisque trois ministres (Mezouar, Talbi Alami et Douiri) se sont penchés sur une nouvelle stratégie pour cette frange socioprofessionnelle qui représente le tiers de la population nationale. Toujours en matière sociale, la lutte contre la pauvreté demeure une priorité pour l'Exécutif : 800 millions de DH sont réservés, pour l'exercice 2005, pour les départements de Harouchi et Baddou qui devront mettre en place un plan d'action qui favorisera le partenariat pour des projets générateurs de revenus. Quant à l'informatisation des écoles, la somme 1 milliard de DH sera débloquée au cours des trois prochaines années. Le but est de généraliser l'outil informatique dans les établissements scolaires du pays.