La relation syndicats-patronat, à force de tergiversations réciproques, envenime les rapports bilatéraux. Les deux protagonistes campent sur leurs positions. La nouvelle culture bute encore sur des résistances et des intérêts mal compris. La contestation et la revendication sont toujours la raison d'être des partenaires sociaux. Sans lesquelles ils pensent, à tort, qu'ils seraient condamnés à la mort lente. Or, c'est le cramponnement aux idées du passé qui leur fait courir plus de risques. La culture syndicale, c'est connu, reste attachée à des valeurs, dont certaines ont fait leur temps. La revendication maximaliste est érigée, à tout prétexte, pour prouver une présence et justifier une vocation. Souvent, des considérations politiques, voire personnelles, priment pour engager une action syndicale, sectorielle ou nationale. Bien des dégâts ont été causés par l'aristrocratie ouvrière et des «marionnettes» qui se rendent compte, sur le tard, des méfaits de la manipulation ou de la démagogie syndicale. S.M. le Roi Mohammed VI, dans le discours du 20 août 2002, a mis les pendules à l'heure et appelé notamment les centrales syndicales à une adaptation aux impératifs de l'heure. Les syndicats des travailleurs «sont appelés à s'imprégner d'une nouvelle culture sociale, où la sauvegarde de l'emploi et le renforcement de la productivité et de la compétitivité de l'entreprise relèvent de l'essence même de la nouvelle citoyenneté. En effet, cet engagement est tout aussi important que la lutte nationale menée par la classe laborieuse contre le colonialisme». Le combat syndical devra changer d'objectif. Avec la même fougue et enthousiasme connu à la classe ouvrière et aux travailleurs, l'action doit porter sur la pérennité de l'emploi, l'augmentation de la cadence productive et l'émulation entre les travailleurs. Des qualités dont les travailleurs marocains de la génération du Maroc indépendant ont fait preuve. Un syndicaliste exemplaire est d'abord un travailleur productif, compétitif. Une question d'honnêteté professionnelle d'abord. Mais bien des déviations ont été constatées depuis quelques décennies. Le syndicalisme est devenu un moyen qui encourage la paresse et cache les incompétences. Les droits syndicaux sont dévoyés pour exercer chantages et pressions. Les heures de gloire et de succès du syndicalisme ont été ainsi entachées d'anomalies qui nuisent à l'action revendicative. Les soubassements serviles ne sont pas toujours étrangers aux conflits sociaux, occupation d'usines et autres grèves «sauvages». Le mouvement syndical doit repenser sa situation, faire sa propre mutation et fédérer les idées et actions nouvelles basées sur l'entraide mutuelle avec le patronat, la primauté de l'emploi, par le progrès de la production et l'avancée sociale des créateurs de richesses et de services. La période que traverse le Maroc, à l'image de ce qui se passe un peu partout dans le monde, se caractérise par un affaiblissement progressif du syndicalisme de lutte de classe. On est loin des grandes mobilisations de la décennie soixante-dix… Cela n'est pas sans dangers contre les travailleurs. Surtout si l'on a en face un patronat qui veut tout avoir (allègement des charges sociales, exonérations fiscales, révision du droit de grève, flexibilité de l'emploi, gel du SMIG voire l'abaisser pour certains secteurs, etc.), sans contre-parie significative. Ni investissement dans la formation des salariés. Le monde du travail doit se pencher sérieusement sur sa situation et son devenir. Le Maroc a besoin d'une force de production humaine qui soit à l'aise dans son travail et jalouse de son gagne-pain, qui est aussi un outil du développement national. Respectée, encouragée et hautement formée. Avec des droits et des devoirs clairement définis. Ce sont des conditions indispensables pour la continuité de l'activité et de l'emploi et intéressent au même niveau l'employeur et le salarié. Il faudra également bannir la mentalité «sous-développée», qui veut que l'entreprise se positionne toujours en assistée. Il n'y a pas mieux qu'une politique de management qui encourage la productivité et stimule les compétences. Contrairement à la vision prépondérante qui croit que le travailleur, par les temps qui courent, demeure corvéable et congédiable à merci. Le temps est venu, en cette veille de la globalisation, qui n'épargnera point les retardataires et les lenteurs, de songer à construire, de part et d'autre, un avenir plus sûr. Il ne saurait tolérer l'égoïsme ni la destruction de l'outil du travail.