Hicham El Guerrouj a vaincu en l'espace de quatre jours une malédiction qui le pousuivait depuis huit ans. Après une première médaille d'or sur le 1.500 m, le Marocain a arraché une seconde, cette fois-ci, sur le 5.000 m, en venant à bout de l'Ethiopien Kenenisa Bekele, recordman du monde de la distance. «En 1997, Athènes a vu naître un prince. En 2004, elle a salué un roi». La réflexion n'est pas de Hicham El Guerrouj, mais celle «d'un ami de Toulouse qui m'a envoyé un message après la médaille d'or remportée sur le 1.500 m». Cet ami a vu juste. Samedi soir, le stade olympique d'Athènes, qui vivait alors ses dernières épreuves d'athlétisme avant la cérémonie de clôture qui devait avoir lieu le lendemain soir, était en fièvre. Et pour cause, une finale tant attendue entre deux champions olympiques, l'Ethiopien Kenenisa Bekele, sacré majestueusement sur le 10.000 m et Hicham El Guerrouj, brillant vainqueur d'un autre duel qui l'a opposé au Kenyan Bernard Lagat sur le 1.500 m. 20h55 locales (17h55 GMT). Les athlètes ont fait leur entrée sur la piste. Dix minutes plus tard, la course pouvait commencer. Dès le début, la méfiance était de mise, de part et d'autre, le miler ne voulant en aucun cas lâcher sa surveillance du fondeur. Et c'est ainsi que sont passées les onze premiers tours de piste. Au coup de cloche, annonçant le dernier tour, Hicham et Kenenisa ont accéléré la cadence. L'Ethiopien, grand favori, était jusque-là toujours en tête. Mais vers les 100 derniers mètres, le roi du demi-fond allait appuyer sur le champignon, cherchant un second souffle pour passer la ligne d'arrivée le premier, avec un chrono de 13 :14 :39, soit une vingtaine de centièmes de seconde du détenteur du record du monde de la distance, qui a dû se contenter de la seconde place. Le Kenyan Eliud Kipchoge s'est classé troisième (13:15 :10). Les deux Marocains qui ont participé également au départ de cette finale, Hicham Bellani et Abderrahim Goumri en l'occurrence, sont entrés respectivement à la 9ème et 13ème places. «J'étais conscient de me retrouver dans une course où la concurrence devait être rude. Leur force était leur capacité à contrôler le rythme. La mienne était le finish. J'ai ainsi pu mener la course à mon rythme. Elle était assez lente et j'ai pu la conclure sur les derniers mètres», a déclaré le double médaillé d'or lord de la conférence de presse qui a suivi la cérémonie de remise des médailles. Au finish donc, le Marocain a signé une nouvelle page de l'athlétisme national et mondial, un exploit que la scène olympique n'a pas connu depuis 1924. En effet, depuis les J.O. de Paris, édition lors de laquelle l'illustre Finlandais Paavo Nurmi a réalisé le doublé 1.500m-5.000m, aucun autre athlète n'a réussi cet exploit. Il fallait attendre un certain samedi soir pour qu'un Marocain puisse le rééditer. «C'était une belle course que j'ai courue très à l'aise, relax et que j'ai finalement très bien gérée. Une double médaille olympique qui vient couronner une saison très difficile dans ma carrière. En juillet, je ne savais même pas si j'allais courir à Athènes ou pas. Finalement, je ne regrette pas du tout d'avoir fait le déplacement». Et d'ajouter : «Quelques heures avant la course, en faisant ma sieste, je me suis dit, Hicham, tu détiens une occasion en or d'inscrire ton nom dans le panthéon de l'athlétisme mondial. Tu as l'occasion de courir une course très spectaculaire, qu'énormément de gens attendent. Il ne faut pas la rater». «C'est la course la plus spectaculaire de ces Jeux Olympiques. La finale du 1.500m a été celle qui a connu le plus d'émotion», disait Marc Ventouillac, célèbre spécialiste de l'athlétisme au quotidien français «L'Equipe». Le journaliste n'avait pas tort. Ce soir-là, plusieurs finales étaient au programme, dont le prestigieux relais 4x100 messieurs, qui a, d'ailleurs, connu une nouvelle déconfiture du quatuor Américain, avec les champions olympiques du 100m, Justin Gatlin et du 200m Shawn Crawford en tête, arrivé en seconde position derrière les Britanniques. Mais aucune n'a fait vibré les dizaines de milliers de spectateurs comme l'a fait la paire El Guerrouj-Bekele. Finalement, durant cette ultime soirée athlétique qu'a abritée le stade olympique d'Athènes, Hicham a su leur ravir la vedette. • DNES à Athènes Fadoua Ghannam