La Cour pénale internationale, premier tribunal permanent destiné à juger les auteurs de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre, est née lundi. Avec un lourd handicap : son rejet par les Etats-Unis. La justice internationale est enfin une réalité. Conçue à travers le traité de Rome de 1998, affranchie le 11 avril dernier par les 60 ratifications nécessaires à son entrée en vigueur, la CPI a fait ses premiers pas ce lundi. Pour de nombreux pays et organismes de défense des droits de l'Homme, la création de cette cour est une étape historique après des années d'efforts. Le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, a lui-même estimé lundi que la CPI «réaffirmait que l'état de droit constitue le centre des relations internationales», qu'elle «porte la promesse d'un monde où les responsables de génocide, de crimes contre l'humanité ou de crimes de guerre seront poursuivis par la justice, même si un Etat individuel ne peut ou ne veut le faire». Le monde aurait pu être – presque - parfait si l'un des signataires de Rome n'avait pas fait volte-face. L'administration Bush, particulièrement hostile à l'idée que ses ressortissants, surtout ses soldats, puissent être jugés par une instance supra-nationale, a retiré sa signature – celle de Bill Clinton plus précisément – du traité en avril. Critiqué depuis, Washington n'est pourtant pas le seul à vouloir faire capoter la CPI. Parmi les 15 membres du Conseil de sécurité de l'ONU, six seulement ont à ce jour ratifié le texte. D'autres comme la Chine, la Russie ou Israël ont refusé d'y adhérer. Liberté d'expression, dossier tchétchène pour les uns, politique de colonisation intensive, déplacements forcés, accusation de massacres de civils pour les autres… Les raisons ne manquent pas. «Il est très regrettable que la démocratie la plus puissante au monde attaque et tente de mutiler cet enfant quelques jours avant sa naissance », avait souligné la semaine dernière William Pace, directeur de la coalition (d'ONG) pour la CPI, en allusion au rejet de Washington. Il faut admettre qu'un projet international - de quelque nature qu'il soit – a peu de chance d'être viable sans le soutien des Etats-Unis. D'autant que ce pays est en état de guerre depuis le 11 septembre, non pas contre un autre Etat mais contre le terrorisme. Alors aux grands maux les grands moyens, le président américain a décrété une justice d'exception, des statuts d'exception et des prisons d'exception comme à Guantanamo. Pas de chef d'inculpation, pas d'avocat, pas d'extradition, pas de procès, ces détenus expliquent à eux seuls les raisons américaines de faire cavalier seul. Reste que l'attitude de Washington se répercute sur toutes les décisions onusiennes, à l'image de celle dimanche, de la prorogation de la mission MINUBH en Bosnie. C'est sur un compromis que son mandat a été prolongé par le Conseil de sécurité, non pas des 6 mois prévus mais de 72 heures! Les Etats-Unis exigeaient que leurs casques bleus – quel que soit leur terrain de mission - soient exempts de la justice internationale (la MINUBH est dirigée par un Américain et comprend 46 ressortissants des Etats-Unis). Certes, ne pas ratifier le traité ne signifie pas que ces Etats soient à l'abri de la juridiction qui peut être saisie à partir de ce lundi par un Etat signataire contre un ressortissant ou un Etat non-signataire. Mais quelle justice internationale peut-on espérer si tous les pays ne coopèrent pas? Si l'adhésion n'est même pas unanime au niveau du Conseil de sécurité de l'ONU ? Si les Etats-Unis font justice à part ?