Une rixe sympathique devant une boîte de nuit, un accrochage avec un taximan gourmand, une négociation qui n'aboutit pas avec une demoiselle qui a une très haute idée de la valeur de ses charmes, etc. Ce qui arrive à nos amis Saoudiens résidant au Maroc ou juste en villégiature touristique n'est pas banal. Voilà une catégorie de touristes qui a bénéficié, sans compter, depuis près de 25 ans de notre tendresse et de notre affection. Tout ce qui pouvait concourir à leur bien-être, à leur confort et même à leurs plaisirs, les plus intimes d'ailleurs, leur était fourni avec entrain, résolution et souvent avec zèle. Maintenant les choses changent. Oussama ben Laden est passé par là. La démocratie marocaine ne peut pas faire la danse du ventre-mou devant le terrorisme. Voilà une population saoudienne amie, proche du cœur, qui dans le pire des cas alimentait, chez nous, la rubrique des faits divers: une soirée qui se termine mal, tapage nocturne de joyeux drilles dans une villa louée à la semaine, une rixe sympathique devant une boîte de nuit, un accrochage avec un taximan gourmand, une négociation qui n'aboutit pas avec une demoiselle qui a une très haute idée de la valeur de ses charmes, etc. Mais maintenant rien ne va plus. On parle des Saoudiens dans le grand chapitre du terrorisme international, dans le sillage morbide des attentats du 11 septembre. Nos joyeux fêtards ne font plus rire personne. On parle, au Maroc justement, leur deuxième patrie, de zodiacs bourrés d'explosifs, de bâtiments de l'OTAN à couler, d'attentats à Jemaâ el Fna, de cars à faire sauter et le reste est à l'avenant. La liste fait froid dans le dos. L'image des Saoudiens au Maroc en a pris un sacré coup. Leur perception a changé radicalement en peu de mois. De l'image du Saoudien un peu noceur, un peu jouisseur, toujours auprès de ses désirs avec une bourse bien fournie, à l'image du tueur froid, spécialiste des signes du zodiac, planqué dans un réseau dormant, du sommeil du juste, prêt une fois le signal donné, à tout mettre à feu et à sang. Il y a comme une maldonne. On refuse. Si on consulte les Marocains par voie de sondage sur la base d'un échantillon représentatif : 500 filles de joie, 200 taxis rouges de nuit, 100 videurs, 10 maîtres d'hôtel, 10 délégués médicaux de Protex et 20 représentants de commerce de Bourchanin ou de Ebertec, la réponse sera claire, édifiante et sans appel. «Rendez-nous nos bons vieux Saoudiens. Ceux qui sans eux nos soirées seraient mornes, nos meilleurs établissements seraient ternes et nos meilleurs chanteurs seraient sans voix. Nous voulons la joie des filles, le bonheur des tauliers, l'éternité pour les verres de la vie et l'enchantement de nos sens nocturnes. Et gardez vos barbus fraîchement rasés, vos barbouzes illuminées et si peu mariées, vos amateurs de zodiacs dégonflés et vos poseurs de bombes benladeniennes.» Vous voyez bien qu'à chaque fois que l'on sonde les Marocains, il y a un problème. Je suis sûr que quelqu'un va encore une fois discuter cet échantillon malgré sa valeur scientifique indéniable. Même s'il est fondé sur une expérience de 25 ans de java. De là à ce qu'on nous dénonce à Al Jazeera, il y a un pas qui va être vite franchi à la vitesse d'un Mollah Omar quittant sa planque en vélomoteur à la barbe des Américains. C'est sûr.