Youssef Fikri a qualifié le président de la cour d'«orgueilleux». Une arrogance qui n'a pas empêché la chambre criminelle près la Cour d'appel de Casablanca de terminer l'interrogatoire des prévenus. L'«émir de sang», Youssef Fikri, ne veut plus répondre, a conclu la cour qui lui a accordé, lors de l'audience de lundi soir, une dernière chance. «Je veux que tu me laisses librement parler et sans lignes rouges durant dix minutes…Sinon, nous ne parviendrons à aucune solution…», s'est adressé l'émir de sang, avec arrogance, au président de la cour qu'il n'a pas hésité à qualifier d'«orgueilleux». Calmement, ce dernier a décidé de ne plus l'interroger. Fikri est alors retourné à sa place en maugréant qu'«il ne s'agit pas d'un tribunal, mais d'une pièce de théâtre». Son disciple, Mostafa Karimi, alias «Abderrahmane», âgé de 29 ans, sans profession, père de 2 enfants, portant une longue barbe noire, une gandoura blanche et un bonnet de la même couleur, s'est écrié devant la cour: «d'abord nous ne sommes pas des criminels… Nous sommes des Croyants qui luttent contre la dépravation…». Il a affirmé que la Chariâ oblige chaque Musulman à lutter contre le vice. «J'ai perpétré cinq opérations en compagnie de Youssef Fikri, Abdelmalek Bouzgarne et Youssef Âddade (les deux derniers sont encore en fuite)…». Chaque opération a consisté à attaquer les couples qui font l'amour à bord de leurs voitures. Ils les malmènent, les délestent de leur argent et bijoux, avant de voler la voiture, à bord de laquelle ils commettent ensuite d'autres crimes. «Je purge actuellement une lourde peine pour ces cinq opérations…», a-t-il affirmé à la cour. Il a en effet été arrêté, en 2000, à Nador et, jugé coupable, il a été condamné à 30 ans de réclusion criminelle. Pour ces cinq crimes ou pour d'autres ? Son avocat a déjà soulevé lors d'une précédente audience qu'un prévenu ne doit pas être jugé à deux reprises pour les mêmes crimes. Mais il n'a pas présenté le dossier jugé par la chambre criminelle de Nador, pour justifier sa requête. Quant à Mourad Sarouf, alias «Abou Massâb», 28 ans, marchand ambulant, père d'un enfant, membre du réseau de Youssef Fikri, il a précisé avoir rallié dans un premier temps les rangs de Islah Wa Tajdid, puis d'Al Adl Wal Ihssane avant de rejoindre le courant de la Salafia Jihadia. Depuis, il a commencé à s'intéresser aux sujets portant sur le Jihad en Afghanistan, en Tchétchénie et en Bosnie, en assistant aux cours de Abou Kitada le Palestinien, Abdellah Âzzam et Mohamed Makdessi. Sa relation avec Abdelkrim Mejatti, encore en état de fuite, lui a permis de connaître le Libyen, Ibrahim Khalifa, alias «Hadj Brahim», qui lui a donné sa caution auprès d'une organisation qui se fait appeler «Groupe Islamique Guerrier Libyen». Un mouvement qui l'a aidé à rejoindre ses «frères» en Afghanistan, via l'Iran. En revanche, il a nié être membre de la Salafiya Jihadia, ni avoir encadré et entraîné 60 personnes de ce courant dans la forêt de la Maâmora. Bouchaïb Maghdar, qui a séjourné en Suède avant d'être refoulé et d'avoir séjourné en Espagne, a été arrêté pour avoir ramené des objets volés en Europe et les avoir remis à l'avocat Ahmed Filali, en détention préventive, pour les écouler et envoyer l'argent en Algérie pour financer le GIA. Toutefois, il a nié ces accusations devant la cour. Les autres prévenus, qui ont été interrogés par la chambre criminelle tout au long des audiences d'avant-hier soir et d'hier matin, ont rejeté également les charges retenues contre eux. Omar Maârouf, Abderrazak Faouzi, Larbi Dakik, Abderrahmane Jadoubi, Rachid Amrine, Nouredine Gharbawi, Ahmed Akhref, Mohamed Chadli, Abderrahmane Haddadi, Mohamed Badaoui, Bouchaïb Maghdar, Barghachi L'Husseïne, Omar Nadef, Khalid Semmak, Yazid Ajraf Mohamed Jock, et Rachid Saâdouni ont semblé être surpris d'entendre l'appellation «Salafia Jihadia». Niant avoir participé à l'une des opérations de lutte contre la dépravation, ils confirment cependant avoir une relation entre eux. Ils ont tous, en outre, nié avoir discuté de l'idée de s'attaquer à des intérêts juifs au Maroc, affirmant avoir appelé au boycott des produits américains. Le procès devait se poursuivre dans l'après-midi. L'audience des 31 prévenus du dossier Fikri c'est terminé hier.