L'article 8 du projet de budget 2015 ne verra pas le jour. La commission des finances et du développement économique à la première Chambre parlementaire a fait tomber l'article en question du projet de loi de Finances, examiné actuellement au niveau de la Chambre des représentants avant son vote final prévu ce dimanche. Ce sont d'ailleurs les députés de la majorité et ceux de l'opposition qui ont rejeté à l'unanimité cet article. Ce dernier avait d'ailleurs créé la polémique lors de la présentation du projet du budget. Dans le détail, l'article 8 stipule que «les créanciers porteurs de titres ou de jugements exécutoires à l'encontre de l'Etat ne peuvent se pourvoir en paiement que devant les services de l'ordonnateur de l'administration concernée. Lorsqu'une décision de justice, passée en force de chose jugée, a condamné l'Etat au paiement d'une somme déterminée, cette somme doit être ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de ladite décision; en aucun cas les biens et les fonds de l'Etat ne peuvent faire l'objet de saisie à cette fin. Si la dépense est imputable sur des crédits qui se révèlent insuffisants, l'ordonnancement est fait dans la limite des crédits disponibles, à charge pour l'ordonnateur de prendre toutes les dispositions qui s'imposent pour mettre en place les crédits nécessaires au paiement de la somme restant due. Dans ce cas, l'ordonnancement complémentaire doit intervenir dans un délai ne dépassant pas trois mois à compter de la date de notification précitée». Le Parti de la justice et du développement (PJD), chef de file de la majorité parlementaire, a mené la bataille contre ces dispositions. Selon le président du groupe du PJD à la première Chambre, Abdellah Bouano, l'introduction d'un tel article dans le projet de budget peut être remise en cause pour différentes raisons légales et constitutionnelles. «Le PLF concerne essentiellement les dépenses et les recettes de l'Etat selon les lois et règlements en vigueur. Le Conseil constitutionnel avait déjà énuméré dans l'un de ses verdicts les dispositions qui doivent figurer dans le PLF et l'exécution des décisions judiciaires ne figure pas dans la liste arrêtée par le Conseil», a expliqué Bouano. Et de poursuivre : «La saisie des biens et équipement de l'Etat peut être considérée comme étant anticonstitutionnelle parce qu'elle est de nature à perturber les intérêts à la fois de l'Etat et des citoyens». Pour les députés, la place naturelle des dispositions concernant l'exécution des jugements prononcés à l'encontre de l'Etat se trouve dans le code de la procédure civile et non pas dans le projet de loi de Finances. Mais si les parlementaires, notamment ceux de la majorité, ont décrété la guerre contre cet article c'est qu'il y a également d'autres raisons. En effet, le PJD a qualifié l'article 8 de «cadeau» pour «une certaine catégorie minoritaire de magistrats et d'avocats qui s'est spécialisée dans le marchandage des affaires relatives aux saisies des biens de l'Etat». La majorité signe donc une nouvelle victoire avec le soutien de l'opposition en supprimant cet article sachant qu'il reste quelques jours avant le vote final du PLF. D'ailleurs, les députés vont travailler ces samedi et dimanche pour adopter tous les budgets sectoriels dans les délais règlementaires avant le transfert du PLF à la Chambre des conseillers.