À six ans, Bahija est enlevée par une femme à Youssoufia. Elle est exploitée pour guider une mendiante aveugle à Azemmour, puis pour être « bonne à tout faire » à El Jadida. Sept ans plus tard, elle retrouve sa famille et sa kidnappeuse est condamnée à 20 ans de prison. La salle d'audience de la chambre criminelle près la cour d'appel d'El Jadida est archicomble. Pas la moindre petite place de libre en cet après-midi de février. Ârbia, trente-deux ans, au banc des accusés, attend son jugement. Ses yeux tournent à gauche et à droite comme si elle cherchait quelqu'un. Son visageé, totalement inexpressif. La cour entre. Les chuchotement cessent dans la salle d'audience. «Ârbia!»…, appelle le magistrat. Elle avance vers le box des accusés, regarde le magistrat qui ouvre un dossier. Elle se tourne pour regarder derrière elle. Le magistrat lève ses yeux vers elle, lui demande de ne plus regarder derrière elle et déclare : «La chambre criminelle juge Ârbia coupable et la condamne à 20 ans de réclusion criminelle…». Des mots qui arrivent aux oreilles d'Ârbia comme les balles d'une mitraillette. Une fois que le magistrat a achevé sa phrase, elle s'effondre. Deux policiers avancent vers elle, la saisissent par les épaules, la tirent vers un coin pour lui asperger le visage d'eau. Elle se réveille. Des larmes coulent de ses yeux, elle ne sait quoi faire, elle ne se serait jamais doutée que son acte qui remonte à sept ans l'enterrerait au pénitencier durant vingt ans. Elle avait dix-huit ans lorsqu'elle avait quitté Khmis Zemamra, laissant seule sa mère aveugle, qui se débrouille en mendiant dans les rues d'Azemmour. Elle fuit la misère, l'indigence et la honte qu'elle ne peut plus supporter. Elle choisit Casablanca comme destination. Elle y arrive et y trouve un emploi dans une société de confection au Maârif. Mais la vie est dure dans cette ville. Tout est cher ! Et son salaire dérisoire ne peut lui garantir le minimum vital. Il s'évapore et est absorbé en quelques secondes par les dettes qui s'accumulent depuis le deuxième jour du mois. Mais sa rencontre avec Mariame change le cours de sa vie, lui fait entrevoir un espoir dans toute cette obscurité. Elle ne veut plus rester à Casablanca. Elle rêve, depuis, de Tan-Tan. Mariam y est depuis quatre ans. Ârbia ignore son activité, mais peu lui importe. Ce qui l'intéresse c'est de revenir chez, les poches garnies d'argent. Elle demande à Mariam de l'aider. «Oui, je peux t'emmener la prochaine fois et je vais te trouver un job te permettant d'avoir beaucoup d'argent…», lui promet Mariam. Ârbia ne pose pas de questions sur la nature de ce job, mais sur la contrepartie matérielle. Effectivement, elle l'emmène avec elle. Ârbia et Mariam s'installent dans le quartier Attijara, réputé être un fief de la prostitution. Ârbia n'hésite pas beaucoup avant de plonger dans les tréfonds du plus vieux métier du monde. Ce qui lui importe c'est d'avoir les poches pleines. Seulement, le manque d'expérience la mettra dans l'embarras lors des premiers mois de «travail». Elle tombe enceinte. Les clients n'en veulent plus. Mariam ne s'intéresse plus à elle, elle la laisse livrée à son sort. Ârbia retourne à Casablanca, puis regagne Agadir. Elle tente de trouver de l'assistance, essaie d'avorter. Mais en vain. Elle retourne à Khemis Zemamra, séjourne chez l'un de ses amants, jusqu'au jour où elle accouche d'un petit garçon qu'elle confie à une famille, avant d'aller à El Youssoufia. Là, elle reprend la prostitution. Un jour, elle ne sait pas pourquoi, elle a l'idée d'enlever une fille et de l'emmener chez sa mère, aveugle. Elle arrive à détourner Bahija, six ans. Elle l'emmène chez elle, la met entre les mains de sa mère. Bahija se charge de guider la mère, dans les rues d'Azemmour pour demander l'aumône. Deux ans plus tard, la mère décède. Ârbia retourne chez elle, enterre sa mère, prend Bahija avec elle et l'emmène chez une famille à El Jadida. Bahija commence à travailler pour quatre cent dirhams, que Ârbia empoche tous les trois ou quatre mois. Quant à Bahija, elle n'empoche que la misère et le calvaire du labeur. Sept ans plus tard, Bahija a treize printemps. Elle ne connaît rien d'autre de la vie, que la misère, le travail chez la famille d'El Jadida et Ârbia qui arrive pour empocher l'argent. En apparence, Bahija semble avoir oublié sa famille… Mais ce n'est pas le cas de sa mère. Aucune mère ne saurait oublier l'un de ses enfants, même si elle en avait une centaine. Elle ne peut réprimer ses larmes à l'évocation de Bahija. Elle a passé des jours et des nuits sans dormir. Mais elle se résigne à son destin, tout en priant Dieu qu'elles se rencontrent un jour. Elle ne sait pas si sa fille l'a oubliée. Mais son sixième sens lui dit qu'elle est encore en vie et qu'elle la rencontrera un jour. Mais Ârbia à décidé de ne plus laisser Bahija chez la famille d'El Jadida. « Je ne veux plus qu'elle travaille chez vous…ou bien vous montez son salaire à mille dirhams… », dit-elle à la famille. Celle-ci refuse d'ajouter un seul sous au salaire et Ârbia emmène Bahija à Khemis Zmamra. Elle la met entre les mains de son amant. Mais la fille n'a pas pu supporter cette vie. Ârbia croit que Bahija a oublié sa famille. Mais Bahija décide de parler à Saïd, l'ami de l'amant de Ârbia. Elle lui confie qu'elle a été enlevée par Ârbia et qu'elle n'est pas sa fille. Le lendemain Saïd s'adresse au Mokadem du douar, lui relate l'histoire de Bahija. À son tour le mokadem, avise la Gendarmerie royale, qui a mis la main sur Ârbia. Bahija retrouve sa mère et Ârbia paie actuellement la facture de son acte qui a éloigné Bahija et sa mère durant sept ans.