Fratricide à Youssoufia. Parce qu'il voulait vendre sa part d'héritage et aller immigrer sous d'autres cieux, Abdelkader s'est disputé avec Abdelkhalek, son frère. Le premier n'a pas hésité à larder le second de vingt-huit coups de couteau. Au douar Lefouaraâ, commune de Sbiâte, à sept kilomètres au sud de Youssoufia, dans la province de Safi, deux frères ont vu le jour au sein d'une famille d'agriculteurs. Abdelkhalek, né en 1975 et Abdelkader, son cadet de deux ans, étaient deux garçons bien élevés et bien éduqués, comme en témoignaient leurs voisins. Ils ont passé quelques années seulement à l'école avant de se retrouver à côté de leur père pour labourer la terre. Au fil des années, leurs parents sont morts et les deux frères sont restés à veiller sur leur terre. Ils se sont mis d'accord pour se consacrer à la terre de leurs parents en hommage à leur mémoire. De plus, ils n'ont rien à faire ailleurs pour servir autrui contre des sommes d'argent alors qu'ils disposent de leurs biens. Les mois et les années passent et les idées changent d'un jour à l'autre. Abdelkader n'arrive plus à honorer sa promesse de veiller sur la terre de ses parents. Il commence à rêver à d'autres horizons, à un autre avenir loin de son douar et de sa terre, de ses voisins et de sa famille. Au fil des jours, il s'est mis à abhorrer son douar et son entourage, au point qu'il a décidé enfin de s'en éloigner. Certes, pas loin de son douar, parce qu'il ne dispose pas de l'argent nécessaire pour voyager à Casablanca ou vers d'autres villes plus lointaines. Il s'est contenté de s'éloigner de son douar de sept kilomètres seulement plus au Sud. Autrement dit, il a regagné Youssoufia. Il a commencé à se débrouiller pour gagner sa vie, pour vivre sous le même toit avec d'autres jeunes qui viennent eux également pour gagner leur vie, loin de la misère de la campagne. Abdelkader a commencé, depuis, une autre vie, ayant d'autres fréquentations et d'autres relations qui l'avaient certainement influencé au point que ses rêves commencent eux aussi à changer. Du jour au lendemain, son rêve d'aller à Casablanca pour gagner sa vie a cédé la place à celui d'immigrer au-delà de la Méditerranée. Ce rêve lui a hanté l'esprit depuis qu'il a fait la connaissance de jeunes qui en rêvent également. Il leur a appris qu'il pourrait immigrer clandestinement vers l'Europe. Là, où il y a de l'argent et un avenir rose, bref le paradis. Mais il devait se procurer l'argent nécessaire pour payer les rabatteurs et autres intermédiaires. Il devait avoir au moins vingt ou trente mille dirhams. Il ne pouvait en aucun cas épargner cette somme par ses travaux journaliers qui suffisaient à peine à la nourriture et à sa cotisation du loyer. A force de cogiter, il a fini par trouver une solution. Ils doivent partager, lui et son frère, l'héritage qui leur a laissé leur père. C'est la seule solution qui peut résoudre son problème, qui peut l'aider à avoir l'argent nécessaire pour immigrer. Effectivement, il a rendu visite à son frère, lui a expliqué qu'il pensait immigrer et que pour cela, il avait besoin d'argent. Son frère lui répondu qu'il n'en dispose pas. “je veux ma part d'héritage“, lui lance-t-il. Abdelkhalek qui n'en a pas cru ses oreilles, a écarquillé les yeux. Il ne rêvait que d'une seule chose : garder la terre à vie, sans partage. Il s'est révolté contre son frère, l'a accusé d'avoir l'intention d'éparpiller l'héritage et de le gaspiller en vaines dépenses, lui a expliqué qu'il n'oserait jamais partager l'héritage. Abdelkader est retourné à Youssoufia. Qui l'aidera pour avoir de l'argent ? Personne. “Mais je dispose de ma part dans l'héritage, je dois le vendre pour en avoir“, a-t-il pensé. Le jeudi 3 juin, il est retourné au douar, a rencontré son frère, lui a demandé de lui céder sa part d'héritage. Mais en vain. Abdelkhalek a tranché catégoriquement sur la question. Il ne voulait plus entendre parler de cette histoire. Abdelkhalek a commencé à crier, a réclamé sa part au point qu'il a perdu tout contrôle sur ses nerfs. Tout à coup, il a brandi un couteau et s'est avancé vers son frère qui tentait de s'enfuir. Mais en vain. Abdelkader est arrivé à lui asséner un premier coup, puis un deuxième et ainsi de suite jusqu'à le larder de vingt-huit coups de couteau. Abdelkhalek s'est effondré et Abdelkader est resté près de son cadavre jusqu'à l'arrivée des gendarmes.