Ahmed Ouachi est un ancien haut cadre de la Sûreté nationale. Il connaît de l'intérieur un corps de métier auquel il rend hommage, tout en saluant les mesures engagées pour sa réorganisation et en appelant à la création d'unités spéciales, pour faire face aux nouvelles formes de criminalité. Aujourd'hui Le Maroc : En quoi ce 48ème anniversaire de la création de la DGSN diffère-t-il des autres ? Ahmed Ouachi : Parce qu'il coïncide avec l'anniversaire des attentats du 16 mai qui ont bouleversé l'organisation et les modes d'intervention de la Sûreté nationale. Il existe un avant et un après 16 mai 2003 pour la Sûreté nationale. Depuis cette date, la police est confrontée aux terroristes qui ont frappé des citoyens avec des moyens étrangers à notre culture. Les pouvoirs publics ont mis à la disposition de la Sûreté nationale des moyens supplémentaires, que ce soit au niveau des véhicules ou des télécommunications, pour faire face à ce nouveau phénomène. Pouvez-vous détailler ces mesures de réorganisation ? Depuis la nomination du général Hamidou Laânigri à la tête de la DGSN, il y a eu une réorganisation au sein de la direction générale et des préfectures de police. Outre les moyens supplémentaires dont a été doté le corps de la police, la formation des agents a été revue. Des stages spécifiques sont organisés à l'Institut royal de la police. Il y a eu de nouvelles recrues. Cela dit, ces mesures demeurent insuffisantes. Pourquoi ? Parce que la police est confrontée aujourd'hui à de nouvelles formes de criminalité. Outre le terrorisme, il y a le grand banditisme, la fausse monnaie et d'autres méthodes hors la loi inédites qui risquent d'apparaître. Il faut qualifier notre police et la préparer à y faire face, en la dotant de nouveaux services scientifiques et en pensant à la création d'unités d'interventions spécialisées. Des unités d'élite au sein de la police sont nécessaires. Chacune d'elles interviendrait pour neutraliser la forme de criminalité à laquelle elle a été préparée. Les policiers font aujourd'hui usage des armes à feu plus que dans le passé… Il est normal qu'ils se servent de leurs armes en cas de légitime défense. Que peut-on attendre d'un policier quand il a en face de lui une personne qui le charge avec un sabre ? Mais l'extraordinaire, aujourd'hui, c'est la synergie entre les forces de l'ordre et les citoyens. Cela s'est vu à Berrechid, quand l'un des terroristes a été arrêté grâce à l'aide de la population. Ce facteur est très important à souligner. Auparavant, les agents de sécurité n'ont pas toujours été très appréciés par la population. Pensez-vous que cela a changé ? Non, seulement je le pense, mais j'en suis convaincu. Aujourd'hui, les citoyens ont compris que la police veille sur leur sécurité. Ils ont compris qu'elle est mobilisée contre les criminels, les bandits et les terroristes. Ils voient que la vocation de la Sûreté nationale consiste à garantir coûte que coûte la sécurité des citoyens. Dans cet exercice, les agents s'engagent en prenant des risques qui font au demeurant partie de leur métier. Mais cette prise de risque réelle devrait reposer sur des assurances, ne serait-ce qu'au niveau de la sécurité financière. A cet égard, nos policiers sont mal payés et un effort devrait être fait pour les rémunérer correctement. Mais cela ne devrait pas altérer la commémoration de leur journée. Justement, quel sens revêt pour vous l'anniversaire de la Sûreté nationale ? Celui d'une fête qui n'est plus confidentielle, dans la mesure où les citoyens apprécient les efforts et la mobilisation des policiers. Il faut rendre hommage à ces soldats. Il faut aussi comprendre qu'ils ne sont pas là pour le décor ou les enquiquinements. Ils assurent notre sécurité et y arrivent dans des conditions qui ne sont pas toujours appropriées.