Depuis toujours, le caftan est la référence de base de la garde-robe d'apparat de la Marocaine, toutes classes confondues. Le goût du faste qui, parallèlement à une sobriété et une simplicité quasi légendaires, caractérise la société marocaine et s'exprime dans un certain nombre de spécialités artisanales en rapport avec les matières textiles comme il s'exprime dans l'architecture des palais. A Fès, spécialement, qui a été pendant des siècles la capitale incontestée des lettres et des arts, fleurit l'art du tissage des brocarts de soie dont la tradition se perpétue jusqu'aujourd'hui même si, pour des raisons économiques, des fibres synthétiques remplacent souvent la soie dans la confection des étoffes brochées et moirées. Au Maroc, la garde-robe traditionnelle de la femme est faite sur-mesure. La réalisation de chaque vêtement est un rituel. Cela commence par le choix des couleurs et des tissus, étape importante qui annonce le devenir de l'habit. Puis arrive le choix du tailleur, celui, qui comme par enchantement, unira pour le pire et le meilleur les étoffes choisies. L'habit en tête, c'est avec grand art que les doigts habiles parcourent le tissu. Ils dessinent, découpent et assemblent avec des techniques de coupes ornementales raffinées. A l'origine, le caftan est un ensemble ample et brodé. Trois pièces distinctes le composent : le «Qmiss», une tunique aérienne qui se glisse sous la pièce maîtresse, le caftan. La «Dfina», enveloppe transparente, recouvre l'ensemble. Dentelles, soieries, taffetas, mousselines... Tant de matières et de tissus auxquels le caftan rend hommage. Le caftan est avant tout une création à laquelle prennent part le tailleur, le brodeur, le passementier et la femme qui va l'arborer. Cette dernière peut choisir les matières comme elle l'a déjà fait pour les tissus. Les fils d'or et d'argent peuvent laisser ainsi place aux fils de soie plus sobres, permettant la broderie perlée, les superpositions et les fantaisies de coupes et de tendances. Parler du caftan marocain ne pourrait donc avoir lieu sans évoquer l'extraordinaire art des brodeuses et des passementiers. C'est dans les villes impériales telles que Fès, Meknès ou encore Marrakech que les brodeurs au fil d'or, d'argent ou de soie et les passementiers ont toujours travaillé à embellir les étoffes d'ameublement, les mules et les vêtements des dames de la bourgeoisie, qu'ils ont orné pour les cavaliers des tribus les selles et les harnais qui donnent à la fantasia ses couleurs étincelantes. Dans toutes les villes, des styles de broderie caractéristiques ont été employés pour orner les trousseaux de mariage, tandis que chaque fête familiale a été pour la citadine l'occasion de porter un de ses beaux caftans. Ce savoir-faire a été transmis de père en fils, de mère en fille. Une image en témoigne : celle d'un jeune garçon, dans une ruelle de médina ou de vieux quartiers un peu partout au Maroc, avec une machine électrique en main et des dizaines de mètres de fils de soies, qu'il tresse, encore et encore, pour en sortir un « Barrachman » ou une « Sfifa » des plus belles. Des doigts de fées prendront le relais par la suite. Ils placeront avec finesse, presque avec sacralité, ces morceaux de soies ou d'or et d'argent sur un tissu soyeux préalablement coupé par les ciseaux de génie d'un tailleurs traditionnel. Le caftan, parure orientale, toilette de sultane fascine l'Occident depuis la nuit des temps. Mais depuis, le caftan a évolué. Ces dernières années, il est devenu un chef-d'oeuvre de haute couture. Cet habit qui a toujours paré la Marocaine s'est modernisé et se plie de plus en plus aux exigences de l'évolution sociale, tout en conservant son âme. On assiste actuellement à l'éclosion d'une pépinière d'artistes stylistes, rivalisant de créativité et de talent. Le caftan s'humanise, se pare de perles, se met au jeans, au cuir, à la laine et au shantung de soie. Les coupes prennent du volume, flirtent avec la robe du soir. En répondant aux standards de la haute couture internationale et en s'ouvrant sur le monde, le caftan entend exposer le savoir-faire de ses créateurs dont l'univers est fait de techniques traditionnelles « maâlem » comme le randa, le stifa, l'aakad, la passementerie de Fès. Les signes caractéristiques du caftan comme les manteaux amples, les manches larges, les ceintures-corsets, les capuches... ont ainsi fait le tour du monde. Tant de beauté auquel l'Occident n'est désormais plus indifférent.