Alors que les prix du thé connaissent une flambée sans précédent due essentiellement à la reconversion du thé en d'autres matières premières plus rentables pour l'économie chinoise et à la mauvaise récolte de cette année et que plusieurs importateurs et distributeurs spéculent sur les raisons de cette hausse vertigineuse, l'Association «Les Enfants de Zellidja» vient d'organiser la seconde édition de son festival de thé. Une occasion pour siroter quelques verres mais surtout pour illustrer que la préparation du thé est un cérémonial original ancré dans la tradition marocaine. Le thé, de tout temps, est considéré comme la boisson préférée de nos aïeuls. Il continue à susciter les convoitises d'amateurs et de puristes qui ne jurent que de la qualité d'un verre à couleur lumineuse, dorée, pastel ou translucide alors que d'autres expriment leurs faiblesses à l'égard d'un verre sombre, opaque et trouble. C'est le cas pour les habitants du Sahara marocain. De fait, le Maroc est devenu, sous l'impulsion de la demande interne, le premier importateur du thé vert chinois. Il achète quelque 50.000 tonnes annuellement et se positionne comme l'un des plus grands consommateurs de thé vert à travers le monde. La consommation annuelle d'un Marocain avoisine les 1,3 kilogramme. C'est dire qu'il s'agit d'un marché prospère mais qui dépend en totalité de l'extérieur depuis que l'expérience de production de thé à Larache n'a pas abouti. La libéralisation du secteur de thé au Maroc, depuis 1996, et en Chine, depuis trois ans, a contribué à des hausses considérables. Le prix de revient de toutes marques confondues a grimpé de 22 DH/Kg à 35 DH/Kg en moins de deux décennies. En dépit des aléas du marché, il est impossible, pour un Marocain, de se passer des délices que procure un verre de thé même si les prix flambent. «Ceux qui en raffolent, ceux qui maîtrisent sa préparation et qui sont les plus attachés au thé en tant que nourriture et signe de convivialité sont issus de souches moyennes ou à faibles revenus. Pour les personnes aisées c'est un prestige inégalé», explique Hamadi Allali, un participant au concours de thé organisé le week-end dernier à Oujda, qui ajoute : «Depuis mon enfance, je prends du thé matin et soir, mais depuis certains temps je n'arrive plus à comprendre les hausses successives qui affectent sensiblement ma bourse». Au fait, le prix d'un kilogramme de thé est passé de 60 DH à 75DH pour le thé de moindre qualité et de 75 DH à 110 DH pour le bon. De leurs côtés, les boîtes de 250 grammes qui sont plus convoitées au niveau des campagnes marocaines sont passées de 14 à 18 DH en moins de trois semaines. D'autres augmentations pointent à l'horizon selon des détaillants d'Oujda. Il semble que le consommateur commence à être pénalisé pour des considérations qui ne le prennent pas en compte. Le prix de revient, toutes marques confondues, pour les importateurs gravite autour de 35 DH le kilogramme. Leurs charges de structure avoisinent les 45% pour des frais d'importation de l'ordre de 60%. Chose qui explique en partie leurs craintes de pouvoir satisfaire le marché local à des prix abordables. Cela explique aussi leur forcing ces derniers temps pour faire fléchir les droits de douane. C'est la loi du marché dira-t-on. Seulement, quand il s'agit de produits de grande consommation et qui touchent la quasi-totalité des citoyens, notamment les plus démunis, les services concernés par la régulation du marché et la protection du consommateur ont d'autres arguments à étayer. En échos à ces hausses tangibles des spéculations se profilent à l'horizon, rapportent plusieurs détaillants. «Les grossistes de Casablanca commencent à nous parler de quotas pour chaque région. Certains importateurs-distributeurs de thé refusent de nous approvisionner en arguant qu'on va gagner plus d'argent en cas de hausse des prix. Ils préfèrent stocker eux-mêmes le thé», notent avec indignation plusieurs commerçants. Ceci dit, cher ou pas le Marocain continuera à siroter son thé car cela fait partie de ses habitudes quotidiennes. Le mérite d'un verre dépend de l'état d'âme de la personne qui le prépare et de son savoir-faire, (le cas des habitants des campagnes), de la qualité de l'eau (par exemple l'eau de source), mais aussi du thé lui-même et de la matière première dont est fabriquée la théière. Sont-ils de bonne ou de moindre qualité ? «La qualité d'un thé se connaît à son prix, nous explique-t-on. Conviction qui n'est pas partagée par tous. Il suffit d'un thé de qualité moyenne mais qui est préparé par un connaisseur qui maîtrise le dosage et la durée d'infusion pour réaliser un thé parfait», rapporte un amateur de thé. La dégustation d'un thé est définie par plusieurs critères d'origine sensorielle, explique El Abed Benabdellah, président du jury du concours de dégustation du thé qui a eu lieu la semaine dernière à Oujda. C'est le cas de la texture qui doit être lisse et soyeuse ou au contraire astringente. Dans le Sud marocain, on préfère un thé corsé alors qu'au Nord, ils préfèrent ce qui est émollient. Quant à l'arôme, elle se rapporte à l'ensemble des sensations humées par le nez. La rondeur dépend de l'équilibre général du thé lors de sa présentation. Il y a aussi le goût et l'épaisseur du thé laissés dans la bouche qui se rapportent à la viscosité et la force du cru. Par ailleurs, et selon Sadequi Benali, président de l'Association «Les Enfants de Zellidja», initiatrice du concours de thé, «le thé au Maroc est associé à la menthe ou à d'autres plantes aromatiques. Il est la boisson traditionnelle qui symbolise notre hospitalité légendaire. Il est servi bien chaud, tout au long de la journée. On l'offre à un hôte pour lui souhaiter la bienvenue ou pour conclure un repas. Le thé auquel on prête les vertus les plus variées est traditionnellement une affaire d'hommes, à la différence de la cuisine qui est faite par les femmes». Pas le cas pour tous. Et c'est ce que nous explique Zahra Arabi de Boujdour qui précise que le thé est aussi une affaire de femmes. C'est la mère qui prépare le thé lors des soirées familiales même en cas de présence d'hommes.