Lahcen Daoudi, membre péjidiste à la Chambre des représentants, estime que l'avènement de Zapatero et la conclusion de l'accord de libre-échange avec les Etats-Unis sont deux évènements qui ont réveillé, respectivement, l'intérêt et les craintes européens pour le Maroc. ALM : Que pensez-vous de la nouvelle politique de voisinage prônée par l'union européenne et le souhait du Maroc d'avoir un statut spécial au sein de l'UE? Lahcen Daoudi : A priori, le Maroc devient un enjeu pour bon nombre de pays. Nous l'avons remarqué avec les accords de libre-échange conclus avec les Etats-Unis et la Turquie. Ce qui est sûr, c'est que le Maroc a bien fait de diversifier ses partenaires. L'Europe a tardé à réagir. Elle a longtemps traité le Maroc comme un pays "X" et non pas comme un voisin et un partenaire privilégié, ne serait-ce que du fait de la proximité géographique. Pourtant, le Maroc a toujours été arrimé à cette Europe. Pourquoi, à votre avis, l'Europe a accusé un tel retard? Elle était tournée vers elle-même. L'accent a été particulièrement mis sur les pays de l'Est européen. D'ailleurs, cette nouvelle politique de voisinage fait suite à l'élargissement de l'UE vers l'Est. Aussi les pays du Sud de la Méditerranée n'ont pas réussi à attirer vers eux les faveurs de l'Europe. Pour ce qui est du cas marocain, à mon avis, l'Espagne d'Aznar a joué un rôle important dans le manque d'intérêt européen à l'égard de notre pays. Aujourd'hui, l'Europe va vouloir accélérer la cadence et se débarrasser des grains de sable qui bloquent la machine de la coopération entre elle et le Maroc. Et pour cause, Jose Luis Zapatero, fraîchement investit à la tête de l'exécutif espagnol, et la conclusion de l'accord de libre-échange avec les Etats-Unis sont deux évènements qui ont réveillé, respectivement, l'intérêt et les craintes européens pour le Maroc. Il vaut mieux tard que jamais. Que gagnera le Maroc à adhérer à cette nouvelle politique de voisinage proposée par l'UE ou en y bénéficiant d'un statut spécial? Sur le plan commercial, les exportations marocaines ne devraient pas déranger des pays comme l'Espagne, surtout qu'après l'élargissement vers l'Est, l'Europe des 25 comptera 455 millions de citoyens. Sur le plan financier, l'Europe devra certainement mettre la main dans la poche afin d'aider l'économie marocaine à se mettre à niveau. Les Européens vont-ils accepter d'aider un pays arabo-musulman au même titre qu'ils l'ont fait pour le Portugal ou l'Espagne? C'est dans l'intérêt de l'Europe. Un Maroc développé renforcerait les frontières européennes. Ce serait un espace de repli pour juguler le problème de l'immigration illégale et le trafic de drogue. Aussi, il ne faut pas oublier qu'en 2050, 75% des citoyens européens seront d'origine étrangère. Les Européens prennent cette donne au sérieux. Ce qui n'est pas notre cas. En tout cas, hormis ces aspects purement sécuritaires, le Maroc est capable de devenir une plate-forme commerciale et économique pour les entreprises européennes qui souhaitent investir les marchés africains. Vous n'avez pas parlé de l'initiative d'Agadir et de l'éventuelle création d'une zone de libre-échange dans le monde arabe. Personnellement, je ne crois pas tellement en la création d'une zone de libre-échange dans le monde arabe. Les expériences dans ce genre ont systématiquement échoué à cause du manque de sérieux. Généralement, les déclarations des officiels ne sont que des vœux pieux, rarement suivis par des actes. A mon avis, il va falloir attendre pour voir ce que les Etats arabes signataires de l'accord d'Agadir vont faire. Quel sort lui sera réservé ? Dans quelle mesure, le Parlement intervient-il dans les négociations du genre qui lient aujourd'hui le Maroc à l'Union européenne? Malheureusement, le Parlement ne joue pas le rôle escompté. Quand on le compare à d'autres institutions législatives dans le monde, ce rôle apparaît comme inexistant. Certes, nous sommes en droit de nous demander si nos deux Chambres sont aujourd'hui capables de débattre et de faire des propositions sur un sujet aussi technique que celui-là. Personnellement, je sais que certains députés ignorent complètement l'existence d'un conseil d'association entre le Maroc et l'UE.