Une malédiction semble peser sur les grands chantiers du ministère de la Culture. Après le scandale du concours relatif à la construction du Musée Royal du patrimoine et des civilisations, deux autres projets risquent de faire du bruit. Les architectes Rachid Andaloussi et Abdelwahid Mountassir ont renoncé aux projets de la construction de deux lieux d'art prestigieux à Rabat. Deux architectes ont renoncé à deux grandes réalisations. Ils se sont désistés du projet urbanistique le plus ambitieux, en matière de lieux d'art, dans le Royaume. Quatre édifices ont été en effet réfléchis pour transformer Rabat en ville d'art. Un seul maître d'ouvrage, le ministère de la Culture, veille sur leur réalisation. Le projet de la Bibliothèque nationale, qui vient d'être lancé, de même celui du Musée Royal du patrimoine et des civilisations, bloqué, ont fait l'objet d'un concours. Tandis que le Musée national d'art contemporain et l'Institut national supérieur de musique et des arts chorégraphiques ont été confiés par le maître d'ouvrage, respectivement à Rachid Andaloussi et Abdelwahid Mountassir, sur présentation de dossier. L'un et l'autre de ces deux architectes ont adressé au mois de juin une lettre au ministre de la Culture l'informant de leur renonciation à ces deux projets. La nouvelle est sidérante, parce qu'un architecte ne peut pas abandonner, sans une raison très sérieuse, une réalisation aussi prestigieuse. Rachid Andaloussi explique son retrait par des « divergences » avec le ministère de la Culture. « Je n'ai pas su répondre aux attentes du maître d'ouvrage. Notre désaccord, du point de vue architectural, est profond. J'éprouve d'ailleurs cela comme un échec personnel», dit-il. Ces propos sont étayés par Jalila Kadiri, responsable de la cellule des grands projets au ministère de la Culture. « Le maître d'ouvrage a demandé à Rachid Andaloussi de modifier les façades en tenant compte du contexte urbain et local », précise-t-elle. En d'autres termes, l'architecte aurait reçu la recommandation de dessiner de nouvelles façades s'inscrivant dans un style arabo-mauresque ! Le désistement de Rachid Andaloussi pose un problème très sérieux à son successeur. Le Musée national d'art contemporain n'existe pas seulement sur des plans et des maquettes, mais constitue une masse de béton impressionnante. Les travaux de construction de cet édifice sont en effet bien avancés. Le sous-sol est terminé, et des piliers s'élèvent très haut. Le chantier de ce musée a été arrêté par des éléments des Forces auxiliaires, envoyés par la wilaya de Rabat, le 18 septembre 2002. Et depuis, les fondations sont un réceptacle de poussière ! Quant au béton, « il est évident que l'on va tenir compte de l'existant », explique Jalila Kadiri. Il serait donc intéressant de voir comment le prochain architecte va devoir composer avec ce qui existe tout en tenant compte des prescriptions du maître d'ouvrage. Le nom de cet architecte encore inconnu, selon Jalila Kadiri, ne saurait demeurer un mystère, puisque les travaux de construction du musée vont reprendre pendant ce mois-ci. Voilà pour l'histoire du premier grand musée au Maroc, doté d'un budget de 40 millions de DH. Il est clair que la renonciation de son ancien architecte était le prix à payer pour que les travaux de construction reprennent. Quant à l'Institut national supérieur de musique et des arts chorégraphiques, Abdelwahid Mountassir explique son désistement par une question de disponibilité. «L'institut nécessite un suivi. Je suis déjà dans d'autres projets, la bibliothèque nationale, douar El Kora et l'aménagement de la rive du Bouregreg. Je ne peux pas avoir le temps pour tout faire correctement», dit-il. Jalila Kadiri explique de son côté le problème par « une disponibilité de terrain ». Le site prévu à la construction de cet édifice, doté d'un budget de 50 MDH, se trouve à proximité du Théâtre Mohammed V – exactement dans le parking où est dressée la scène des concerts du festival Mawazine. Ce terrain appartient à la wilaya de Rabat qui tient à garder son parking. Un compromis a été trouvé, selon Jalila Kadiri, entre la wilaya et le maître d'ouvrage. D'où le nouveau programme du projet qui comprend un parking au sous-sol de l'édifice. Cette solution trouvée pour répondre aux attentes de la wilaya permettra à l'Institut national supérieur de musique et des arts chorégraphiques de voir le jour. Tout le monde attend le nom de l'architecte à qui le maître d'ouvrage va confier sa réalisation.