Ce n'est plus un secret depuis déjà plusieurs années, pourtant, l'information n'en est pas moins surprenante. La Californie, ce Golden State américain connu pour abriter la plus grosse industrie cinématographique de la planète est également l'un des producteurs de dattes Mejhoul les plus importants au monde. Cette variété, qui trouve son origine dans le sud-ouest marocain, a trouvé refuge dans les fermes d'outre-atlantique et ne cesse de gagner en superficie cultivée. Commodément rebaptiser Medjool par les fermiers américains, ces dattes font le bonheur d'un marché en continuelle expansion. «Dans le désert californien, nous cultivons une multitude de variétés de dattes d'origines différentes. Certaines viennent d'Egypte, d'autres d'Iraq ou d'Arabie Saoudite, mais la reine des dattes est sans aucun doute le Medjool», explique Bob Hull, agriculteur américain, ajoutant que «Chacun peut avoir sa variété préférée de dattes, mais le Medjool convient aux méthodes d'agriculture moderne et est très demandé sur le marché». L'histoire du Mejhoul aux Etats-Unis remonte à l'année 1927, lorsque onze ramifications de dattes ont été importées à partir de la région de Boudnib, dans la province d'Errachidia. En plus d'être triées sur le volet, ces ramifications étaient choisies d'endroits qui n'ont jamais été touchés par la fusariose (maladie du Bayoud). «Un Américain a visité tout le Maroc pour trouver les meilleures dattes du royaume. Probablement à cause de bonnes pratiques agricoles et d'une bonne lignée, ce sont celles de Boudnib qu'il a choisies. Il a donc ramené onze ramifications provenant de la même plante, du même arbre, et les a introduites en Californie et dans l'Arizona». raconte Bob Hull. En 87 ans d'existence, les palmiers dattiers de Californie n'ont jamais été touchés par le Bayoud et continuent de prospérer et d'évoluer. En plus d'être plus résistantes, et relativement de meilleure qualité, les dattes Mejhoul américaines sont également mieux markétées que leurs cousines marocaines. Une simple requête sur Google débouche sur quelques dizaines de fermes et de sites d'e-commerce américains mettant en vente le Medjool de Californie. Les dattes du nouveau continent sont essentiellement destinées au marché local, mais sont également exportées vers plusieurs pays, dont le Maroc. «Aux Etats-Unis nous vendons absolument toutes nos dattes, les prix fluctuent mais la demande est là», explique Bob Hull. L'exportation des dattes américaines au Maroc est facilitée par leur prix. Le Medjool est vendu à un prix moyen de 18 dollars américains le kilo, soit à peu près 160 Dh. Il est donc pratiquement au même prix qu'un Mejhoul marocain de bonne qualité. Pendant ce temps, la palmeraie marocaine continue de souffrir des ravages du Bayoud et du manque de pluie. Cette année, la production de dattes n'était que de 92.000 tonnes, enregistrant une baisse de 12% par rapport à l'année dernière. Globalement, la production ne couvre pas la demande du marché national et le Maroc doit annuellement importer près de 30% de ses besoins en dattes. Selon Aziz Akhannouch, ministre de l'agriculture et de la pêche maritime, cet écart entre l'offre et la demande concerne particulièrement la variété Mejhoul, très convoitée par les marocains. «Nous avons un déficit de Mejhoul, mais il sera résorbé à l'horizon 2016», a déclaré le ministre, rappelant que les agriculteurs marocains plébiscitent cette variété qui devrait constituer près de 70% des palmeraies prévues par le Plan Maroc Vert à l'horizon 2020. «Il y a beaucoup d'attentes dans ce sens de la part des investisseurs. Quelques agriculteurs ont déjà installé le goutte-à-goutte, creusé les trous et attendent la livraison de palmiers qui devrait se faire l'année prochaine», a-t-il ajouté. Très confiant, le ministre a même avancé que le déficit devrait se transformer en excédent à l'horizon 2016, n'excluant pas la possibilité d'exporter des vitro-plants de Mejhoul. Bien que 8ème producteur de dattes à l'échelle mondiale, compte tenu de son large marché national, le Maroc n'est pas un grand exportateur de ce fruit. «Sur les 92.000 tonnes de dattes produites, seulement 1.200 sont destinées à l'export», explique Bachir Saoud, président de l'Association du Salon international des dattes d'Erfoud (ASID). Le Plan Maroc Vert prévoit, cependant, un volume d'exportation de 5.000 tonnes à l'horizon 2020. Cette orientation vers l'export soulève une question essentielle: le Mejhoul marocain peut-il faire face à la concurrence internationale ? D'autant plus qu'en plus des Etats-Unis, cette variété est également de plus en plus cultivée en Israël. Pour Aziz Akhannouch, cela ne fait pas de doute. «Il n'y a absolument pas de problème de compétitivité pour le Mejhoul marocain. Ici nous cultivons près de 130.000 hectares, tandis qu'il n'y a que 2.500 hectares en Californie et 1.000 hectares en Israël», explique-t-il. En plus du volume de production beaucoup plus important au Maroc, les experts du secteur prévoient que, sur le plan mondial, l'offre ne dépassera pas la demande d'aussitôt. «Tous les palmiers dattiers de Mejhoul dans le monde ont leur place dans le marché. C'est une variété très demandée, quel que soit le volume de production, qu'il soit marocain, israélien ou américain il sera absorbé par le marché», explique Ismaïl Zine El Abidine, responsable à l'Institut régional de la recherche agronomique d'Errachidia. Selon lui, il existe plusieurs types de Mejhoul, et chacun a sa place sur le marché. «Nous ne pouvons pas dire que le Mejhoul américain est meilleur que le marocain, ils sont tout simplement différents». Dans cette même optique, Bob Hull pense que la demande continuera d'augmenter. «Grâce aux techniques d'agriculture de plus en plus avancées, de plus en plus de dattes Medjool seront plantées au Maroc, aux Etats-Unis et partout dans le monde. A mon avis, plus on en plantera et mieux ce sera. Ce sont des fruits délicieux, et il y aura bientôt une pression sur la production».