Sultan al-Jaber, patron d'un géant pétrolier du Golfe, a appelé samedi à « se focaliser » sur la réduction des émissions de CO2 sans s'en prendre au « progrès », c'est-à-dire l'industrie des énergies, deux jours après des critiques suscitées par sa désignation comme président de la COP28. PDG d'ADNOC (Abu Dhabi National Oil Company), la compagnie pétrolière nationale des Emirats arabes unis, Sultan al-Jaber a été désigné jeudi président de la conférence de l'ONU sur le climat prévue cette année dans le riche Etat du Golfe. « Nous sommes à un tournant historique. Une croissance avec de moindre émission de CO2 est l'avenir », a déclaré Sultan al-Jaber, également ministre de l'Industrie de son pays. « Nous travaillons avec l'industrie énergétique pour accélérer la décarbonisation en réduisant le méthane et en développant l'hydrogène », a-t-il ajouté lors d'un forum sur l'énergie à Abou Dhabi, la capitale des Emirats. « Continuons à nous concentrer sur le fait de freiner les émissions, pas le progrès ». Avec une augmentation prévue de la population mondiale, et la demande accrue en énergie qu'elle implique, « tant que le monde utilisera des hydrocarbures, nous devrons veiller à ce qu'ils aient la plus faible intensité en carbone possible », a dit le responsable émirati. Poids lourd des émissions de CO2, les pétroliers mettent parfois en avant la possibilité de réduire leur empreinte carbone sans pour autant mettre à mal la production d'or noir. Mais, à l'instar de nombreux défenseurs de l'environnement, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a estimé qu' »il n'y a aucun moyen d'éviter une catastrophe climatique sans mettre fin » à la dépendance aux combustibles fossiles. Envoyé spécial de son pays pour le changement climatique, Sultan al-Jaber a par ailleurs cherché à se montrer rassurant face aux scepticisme suscité par sa désignation comme président de la COP28, qui se tiendra en novembre et décembre à Dubaï, le plus influent émirat du pays. « Les Emirats arabes unis envisagent cette tâche avec humilité, un sens aigu des responsabilités et un grand sentiment d'urgence », a-t-il assuré, qualifiant la lutte contre le changement climatique de « centrale » pour son pays, risquant d'être particulièrement affecté, comme toute la région très chaude du Golfe, riche en hydrocarbures. Sultan al-Jaber est aussi à la tête de Masdar, l'entreprise émiratie d'énergies renouvelables. Les Emirats ont envoyé le plus grand contingent de lobbyistes de l'industrie à la COP27 organisée en novembre en Egypte. Cette édition a permis l'adoption d'une résolution sur l'indemnisation des pays les plus pauvres pour les dégâts causés par le changement climatique. Mais elle n'a pas réussi à faire progresser la réduction des émissions de gaz à effet de serre, pour maintenir l'objectif de limiter le réchauffement de la planète. Et la question d'une moindre utilisation des énergies fossiles a été à peine mentionnée dans les textes. S'exprimant lors du même forum, le ministre qatari de l'Energie, Saad Sherida Al-Kaabi a lui aussi défendu le secteur des hydrocarbures, estimant que les défenseurs des énergies vertes manquaient de « réalisme ». Selon lui, ils « vivaient dans un rêve » qu'ils n'ont pas pu « réaliser ». Face au changement climatique, « nous devons être réalistes quant à ce que nous pouvons réaliser », a-t-il estimé, alors que le Qatar a été largement convoité ces derniers mois par les pays européens cherchant à se passer du gaz russe. Selon le ministre qatari, également patron de QatarEnergy, la compagnie nationale du riche émirat gazier du Golfe, le gaz russe pourrait d'ailleurs « revenir en Europe » même si « les Européens disent aujourd'hui qu'il n'en est pas question ». Les pays européens ont largement restreint leur approvisionnement en gaz russe après l'invasion de l'Ukraine par Moscou en février 2022. Les exportations de gaz de Gazprom vers l'Union européenne et la Suisse ont chuté de 55% l'année dernière, selon ce géant russe de l'énergie, l'Europe étant auparavant son principal marché.