Mohamed Zineddine, professeur universitaire du droit constitutionnel, considère que le projet de la nouvelle Constitution contient des éléments qui relèvent plus du changement que de la continuité. Mohamed Zineddine estime aussi que le chapitre important de cette réforme est celui de la séparation équilibrée, voire bien ficelée des trois pouvoirs constitutionnels : législatif, parlementaire et judiciaire, sans omettre les renforcements des droits individuels et collectifs. Le professeur met aussi l'accent sur la rationalisation du pouvoir de l'institution royale au niveau de la Constitution : une première… Al-Bayane : Quel est l'apport du projet de la Constitution par rapport aux Constitutions précédentes ? Mohamed Zineddine : le projet de la nouvelle Constitution contient des éléments qui relèvent plus du changement que de la continuité. En fait, la présence de l'aspect de la modernité érigé en droit demeure très forte. S'agissant du volet architecturel, il est à constater un changement radical au niveau de la morphologie de la mouture constitutionnelle, avec 180 articles au lieu de 108. Quant au préambule, le projet donne une importance majeure au référentiel démocratique au détriment des éléments relevant du traditionalisme, placés au-dessous du préambule. A mon avis, il s'agit là d'une véritable acculturation politique, consacrant les fondements d'un Etat moderne et démocratique. Ce projet consacre, en outre, les droits individuels et collectifs. Quels sont selon vous, les points forts de ce projet ? Sans doute, le chapitre important de cette réforme est celui de la séparation équilibrée, voire bien ficelée des trois pouvoirs constitutionnels : législatif, parlementaire et judiciaire, sans omettre les renforcements des droits individuels et collectifs. Qui plus est, on a constaté une rationalisation du pouvoir de l'institution royale au niveau constitutionnel. Ce qui constitue une première. On se rappelle que feu Hassan II a toujours affirmé dans ses interviews qu'au Maroc on peut concevoir une séparation des pouvoirs, sauf au niveau du Roi. Sur un autre registre, le projet a également reconnu, notamment dans l'article 60, la présence de l'opposition comme force de proposition la qualifiant comme composante essentielle des deux Chambres, surtout en matière de législation et de contrôle. Il s'agit là d'un nouvel acquis démocratique. Précisons aussi pour la première fois que le projet considère la justice en tant que pouvoir au lieu d'un simple organe, comme c'était le cas dans les Constitutions précédentes. Qu'en-est-il des attributions du Premier ministre ? Sur le plan formel, le premier ministre sera désigné désormais sous le label du Chef du gouvernement. Mais, il faut mettre l'accent sur les nouvelles attributions accordées à ce dernier. Ainsi, l'article 47 stipule que le Roi nomme le Chef du gouvernement au sein du parti politique arrivé en tête des élections des membres de la Chambre des représentants, et au vu de leurs résultats. Selon l'article 90, il exerce le pouvoir réglementaire, ce qui constitue un sursaut démocratique. Il a, aussi, le droit de demander au Roi de mettre fin aux fonctions d'un ou de plusieurs membres du gouvernement. Aussi, la mise en œuvre du programme gouvernemental est désormais établie sous l'autorité du Chef du gouvernement. La constitutionnalisation du Conseil des ministres va aussi dans le sens du renforcement du rôle du Chef du gouvernement dans l'échiquier politique. Encore plus, le Conseil délibère de la politique générale de l'Etat, des politiques publiques, et des politiques sectorielles. Notons que l'article 88 stipule que le programme du gouvernement fait l'objet d'un débat devant chacune des deux Chambres. Il est suivi d'un vote à la Chambre des Représentants. Cela veut dire que le projet de la Constitution met l'accent sur le principe de la double investiture. Il s'agit là d'une revalorisation du principe de la souveraineté populaire. Peut-on affirmer que ce projet érige le parlement en un véritable organe de législation ? La réponse ne peut être qu'affirmative. Ce dernier aura le droit d'assurer pleinement ses fonctions en matière de la législation et du contrôle. Avant, le gouvernement avait le droit de légiférer par des décrets, une manière de contourner les procédures. Maintenant, l'institution parlementaire est le seul et unique organe de législation.