La première mouture du projet de Constitution aurait été remise aux partis politiques, aux syndicats et aux associations de la société civile qui ont accepté d'y contribuer. C'est l'information qui se dégage, si l'on croit certaines sources, après les dernières consultations au sein de la commission dite « Mécanisme politique ». Et si l'on s'attend à un agenda politique très serré, à cause de l'éventualité d'élections législatives anticipées, la classe politique insiste sur la nécessité de ne pas céder à la précipitation afin de préparer des textes de lois électoraux en phase avec la nouvelle volonté de réformes annoncées par SM le Roi. Le point avec trois dirigeants politiques. Abdelouahad Souhail, membre du BP du PPS : « Faire de bons choix pour ne pas gâcher les efforts de réformes» Pour Abdelouahad Souhail, membre du Bureau politique du Parti du progrès et du socialisme, il estime que le «travail de synthèse du projet de document a été fait, après une très large consultation. Pour la première fois dans l'histoire du Maroc, les partis politiques, les syndicats et les ONG ont été consultés sur la base du cahier de charge du discours royal du 9 mars». Il s'agit d' «une volonté politique de mettre en avant un texte avancé et en rupture avec le passé». S'agissant de l'agenda électoral, en cours de discussion », la date proposée (début octobre) « présente différents types de problèmes ». La tâche de l'heure étant la nouvelle Constitution et les réformes devant l'accompagner, « il faudra élire une nouvelle instance législative qui répond aux nouvelles attributions qui seront notifiées dans la Constitution ». Les délais proposés pour la tenue d'élections législatives sont jugés « courts » par la classe politique. «En plus de la période estivale et le Ramadan, outre l'organisation du référendum, le projet de Budget 2012, qui sera une copie des précédentes sont des craintes avancées ». Or, « s'agissant d'une période de transition, les élections doivent se faire sur de bons choix pour ne pas gâcher les efforts entrepris en matière de réformes et de révision des lois électorales ». Aussi, estiment de nombreux politiques, si l'ambiance politique s'apaise et s'améliore, « le délai initial de 2012, permettrait de ne pas travailler dans la précipitation ». Car il faudra passer « à une étape qualitative, en matière de lois électorales, notamment en ce qui concerne la liste nationale ». C'est ce qui a poussé le PPS à « proposer que 50 % des sièges soient réservés à la liste nationale, qui devra être paritaire (moitié femmes et moitié hommes). Pour faire représenter les élites et les compétences nationales. L'autre moitié des sièges devra être consacrée à la proximité », poursuit Abdelouahad Souhail.. Les partis politiques semblent peu préparés pour affronter ces échéances à cause des délais. Il faudra également « renforcer le rôle des formations politiques, leur donner des moyens en mesure d'assurer l'encadrement souhaité, avec une volonté d'inclusion du maximum de partis politiques, afin de mieux gérer le champ politique et faire aboutir les grandes réformes». Signalons enfin que, en ce qui concerne les circonscriptions électorales, d'aucuns proposent qu'elles « épousent les préfectures et arrondissements » existantes. De l'avis général, il revient à la commission « Mécanisme politique », mise en place par le Souverain le 10 mars dernier, de trancher sur la question de l'agenda politique. Trois options sont sur la table des négociations : Octobre, décembre ou encore février. M.K. Lahcen Haddad, membre du BP du MP : «Il faut que les partis politiques fassent leur autocritique» Lahcen Haddad, membre du Bureau politique du Mouvement Populaire est sans concession concernant la manière de préparer les échéances cruciales à venir. Il estime qu'il est du devoir de tous (société politique, gouvernement et société civile) de veiller à une préparation adéquate des prochaines échéances démocratiques du pays. Le maître-mot est la transparence et la clarté des discours. Il faudra, selon ce responsable haraki baliser le terrain et mettre des garde-fous pour aller vers des élections libres, transparentes et veiller à l'éradication du népotisme et du règne de l'argent sale. C'est un dessein véritablement à portée de main, affirme Haddad, pour peu que la volonté politique soit disponible. Il faut, selon lui, couper définitivement avec les pratiques du passé, comme celles observées durant les élections de 2007 : des bulletins qui entrent et sortent des bureaux de vote ou des cartes de votants qui s'échangent au plus offrant etc. Il faudra en finir avec tout cela. Mais il faut reconnaître que cette démarche de correction d'itinéraire demande du temps matériel pour la préparer. Il faudra prendre de nouvelles mesures et tout un arsenal juridique adéquat afin de pouvoir arriver à avoir des candidats qui sont véritablement représentatifs de la volonté populaire. Sur un autre registre, Lahcen Haddad lance un appel générique à tous les partis politiques qui doivent se mobiliser, chacun selon son contexte, pour en finir définitivement avec ces «êtres» électoraux si l'on veut vraiment construire un parlement digne de ses citoyens. Pour ce membre du BP du MP, tous les partis politiques ont là une opportunité de briller et de se positionner positivement dans la perception des citoyens ; sinon, ils seront condamnés à pourrir dans les poubelles de l'histoire. Ils doivent donc saisir cette belle occasion qui s'offre à eux.Haddad s'interroge comment peut-on vouloir ériger un parlement nouveau avec de nouvelles prérogatives en matière de contrôle du gouvernement, alors que la composition sociologique de l'actuel parlement est ce qu'elle est. Une composition qui montre la prédominance d'une faune électorale rodée aux mécaniques du népotisme et au service de lobbies connus. Faire face à cette situation inextricable nécessite, pour le militant haraki, la grande mobilisation des partis politiques et de la société civile pour se dresser contre ces pourvoyeurs de dépravation des opérations électorales. C'est également un projet à portée de main. Le Maroc regorge d'un potentiel humain de haute facture, des personnes qui ont fait leur preuve en matière de management de gouvernance de grands projets au Maroc et à l'étranger. Or, la réalité des partis politiques marocains est marquée par la prééminence de la philosophie de la réalpolitik. On préfère se rabattre sur ces « notables » qui ont pignon sur rue et qui ont surtout les moyens financiers de garantir des postes aux partis qui les accréditent. Aucun effort de recherche de la probité n'est fait, martèle Haddad. Pour lui, les partis politiques, s'ils veulent reconquérir la confiance des citoyens électeurs, il leur faudra abandonner ces programmes électoraux pompeux qui font plus dans la surenchère que dans le réalisme et le pragmatisme. Il leur faudra monter des programmes chiffrés et mesurables à partir des lois de finances et du niveau du déficit budgétaire et non lancer en l'air des idées farfelues juste pour faire différent. 13 ans de gouvernements d'alternance nécessitent, du point de vue de Haddad, que les partis politiques qui y ont participé fassent le bilan de cette expérience. Il faudra souligner les réussites et les échecs et en tirer les leçons de manière transparente devant les citoyens. Les partis politiques doivent impérativement faire leur autocritique, car c'est la seule manière de regagner la confiance des citoyens et pouvoir aller de l'avant, affirme Haddad. Aujourd'hui, les partis politiques sont confrontés à une équation délicate : ils sont pour leur grande majorité managés par du personnel politique qui a fait son temps et ils sont obligés de traiter avec une population en majorité jeune. La question qui se pose, selon Lahcen Haddad, est de savoir comment communiquer avec cette jeunesse, comment l'encadrer, comment lui donner goût à s'impliquer dans la gestion des affaires publiques. L'issue passe par un renouvellement des discours et des méthodes de travail. Il faudra faire montre de plus de proximité avec les jeunes et investir leurs moyens de communication et avoir à leur égard une grande capacité d'écoute. Plus que cela, le militant Haraki, demande à ce que toute la politique gouvernementale soit orientée vers les jeunes. Il y a va de l'avenir du pays. Haddad reconnaît qu'un débat profond est en cours au sein du mouvement populaire afin de faire cette mue salutaire pour le parti et pour le pays. Il avance que son parti fera une proposition d'élaboration d'une charte éthique et déontologique aux autres partis politiques de la place. Le but est de couper définitivement avec les pratiques du passé. Il faudra que les partis politiques puissent être en mesure de proposer un personnel politique qui se distingue par sa probité et son sens de l'engagement pour servir les intérêts suprêmes du pays avec détachement et abnégation. Pour le prochain gouvernement, Haddad demande à ce que l'on mette en place une batterie de critères afin de réussir la gestion des départements ministériels et c'est le parti lui-même et ses ministres qui seront comptable devant le peuple de cette gestion. Lahcen Haddad reste, cependant, optimiste quand au positionnement de son parti lors des prochaines élections législatives « nous pourrons occuper au moins la deuxième place, si l'on sait notre démarche et si l'on sait occuper le terrain de manière intelligente et utile ». M.K.