A l'issue d'une réunion de douze heures, le Conseil de sécurité de l'Onu a demandé mardi 1er juin une enquête sur l'intervention militaire israélienne lundi contre une flottille pro-palestinienne chargée d'aide humanitaire pour Gaza, ainsi que la libération immédiate des navires et des civils détenus. Le Conseil «appelle à lancer sans retard une enquête impartiale, crédible et transparente conforme aux critères internationaux», dans une déclaration lue en son nom mardi matin par son président en juin, l'ambassadeur du Mexique Claude Heller. Le Conseil «réclame la libération immédiate des navires ainsi que des civils détenus par Israël», poursuit la déclaration, qui est non contraignante mais a nécessité l'unanimité des 15 membres du Conseil pour être adoptée. Il «exhorte Israël à permettre aux pays concernés un accès consulaire afin de récupérer les corps des victimes et les blessés». Le Conseil «regrette profondément les pertes en vies humaines et les blessures ayant résulté de l'usage de la force durant l'opération militaire israélienne dans les eaux internationales contre le convoi se dirigeant vers Gaza», ajoute le texte. «Dans ce contexte, il condamne les actes qui ont résulté en la perte d'au moins dix vies humaines et fait de nombreux blessés». «La situation n'est pas tenable» Il réitère l'importance d'une pleine mise en oeuvre de ses résolutions 1850 et 1860. La 1860, du 8 janvier 2009, demandait que l'aide humanitaire «soit fournie et distribuée sans entrave dans tout Gaza». «Il souligne la nécessité d'un flux soutenu et régulier de biens et de personnes vers Gaza, et de la fourniture et distribution sans entrave d'aide humanitaire dans tout le territoire». «Le Conseil souligne que la seule solution viable du conflit israélo-palestinien réside dans un accord négocié entre les parties et réitère que seule une solution à deux Etats, avec un Etat palestinien indépendant et viable vivant en paix et en sécurité à côté d'Israël et des autres voisins, peut apporter la paix à la région». Enfin, «le Conseil exprime son soutien aux discussions de proximité (les négociations indirectes entre Israël et les Palestiniens sous l'égide des Etats-Unis, ndlr) et exprime sa préoccupation du fait que cet incident survient alors que ces discussions sont en cours». «Il exhorte les parties à faire preuve de retenue et à éviter tout acte unilatéral et de provocation». Selon des diplomates, un désaccord entre la Turquie, rédactrice du projet de texte, et les Etats-Unis, traditionnels protecteurs d'Israël à l'ONU, a empêché une adoption plus rapide de la déclaration. Le texte initial visait à obtenir une condamnation explicite d'Israël pour avoir lancé l'assaut de la flottille qui a résulté en la mort d'au moins neuf civils. Les négociations sur le texte ont fait suite à un débat public au Conseil, lors duquel Israël a été mis sur la sellette et vivement attaqué par la Turquie, pays d'où était partie la flottille et dont de nombreux ressortissants étaient à bord des navires arraisonnés. Tollé international Des commandos de marine israéliens ont lancé lundi 31 mai un assaut contre une flottille humanitaire internationale en route vers Gaza qui a fait au moins neuf morts, provoquant de vives réactions au niveau international et plongeant Israël dans une grave crise diplomatique. L'assaut donné dans les eaux internationales contre la flottille qui voulait forcer le blocus imposé depuis 2007 par Israël à Gaza, a contraint le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou à couper court à une visite au Canada et aux Etats-Unis où il devait rencontrer le président Barack Obama mardi. A Ottawa, Benjamin Netanyahou a souligné qu'il «regrettait» les pertes de vies humaines mais déclaré que les soldats israéliens avaient «dû défendre leurs vies». Lors d'une conversation téléphonique avec Benjamin Netanyahou, Barack Obama a demandé à connaître «le plus vite possible» les circonstances exactes de l'abordage sanglant et exprimé «son profond regret pour les pertes de vies humaines». Entre-temps le Conseil de sécurité de l'ONU s'est réuni en urgence pour débattre de l'intervention israélienne contre les six bateaux qui acheminaient des centaines de militants pro-palestiniens et des tonnes d'aide vers Gaza. Lors du débat public, le chef de la diplomatie turque Ahmet Davutoglu a affirmé qu'Israël, jadis allié stratégique d'Ankara, avait «perdu toute légitimité internationale», alors que le représentant d'Israël à l'ONU Daniel Carmon a accusé la flottille de n'avoir «rien d'une mission humanitaire». La Turquie, dont plusieurs ressortissants figureraient parmi les victimes, a accusé Israël de «terrorisme d'Etat» et rappelé son ambassadeur à Tel-Aviv. L'Etat hébreu a appelé ses ressortissants à ne plus se rendre en Turquie. Les autorités israéliennes, qui avaient annoncé leur intention de bloquer la «flottille de la liberté» même par la force, ont accusé les organisateurs d'avoir «déclenché les violences» à bord du ferry turc Mavi Marmara. Mais ces derniers ont affirmé que les commandos avaient ouvert le feu sans justification. Selon l'armée israélienne, neuf passagers ont été tués et au moins sept soldats blessés, dont deux sérieusement, lors des violences qui se sont limitées au bateau turc. Une ONG turque à Gaza a parlé d'au moins 15 morts, la plupart des Turcs. A Londres, le secrétaire au Foreing office William Hague à indiqué qu'un Britannique avait été blessé lors de l'assaut et l'incertitude demeurait sur le nombre de ressortissants britanniques qui se trouvaient à bord de la flottille. Un Australien a été blessé à la jambe par un tir durant l'opération, a annoncé de son côté mardi à Sydney le ministre australien des Affaires étrangères, Stephen Smith, réclamant une enquête «crédible et transparente». Le gouvernement suédois a indiqué pour sa par que l'écrivain Henning Mankell, auteur de romans policiers à succès, et huit autres Suédois ont été arrêtés en Israël après avoir été débarqués de la flottille. «Sous le couvert de l'obscurité, les commandos israéliens ont sauté d'hélicoptère sur le cargo turc et commencé à tirer au moment où leurs pieds ont touché le pont», selon un récit mis en ligne sur le site du mouvement Free Gaza, à l'initiative du convoi. «Nous avons fait tous les efforts possibles pour éviter cet incident. Les militaires avaient reçu des instructions selon lesquelles il s'agissait d'une opération de police et un maximum de retenue devait être observé», a dit le porte-parole de Benjamin Netanyahu, Mark Regev. «Malheureusement, ils ont été attaqués avec une extrême violence par les gens sur le bateau, avec des barres de fer, des couteaux et des tirs à balles réelles», a-t-il souligné. Le chef d'état-major israélien, le général Gaby Ashkenazi, a affirmé qu'il y a eu une explosion de violence extrême dès que «nos forces ont été à bord [...]. C'était prémédité, et il y avait des armes, des barres de fer, des couteaux, et à un certain moment des armes à feu, peut-être subtilisées à des soldats». Mais le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a affirmé que les bateaux avaient été «strictement contrôlés» et qu'ils ne contenaient rien d'autre que «de l'aide humanitaire» et des «volontaires civils». Quatre-vingt trois activistes ont été arrêtés pour l'instant, dont 25 ont accepté d'être expulsés, selon la police de l'immigration. «Les autres vont aller en prison», a-t-elle poursuivi, ajoutant que des «centaines d'autres» arrestations étaient attendues dans la nuit. Appel au «soulèvement» Pour parer à d'éventuels «désordres» mardi dans les villes arabes israéliennes, la police a élevé son niveau d'alerte après l'appel de la plus importante organisation de la communauté arabe israélienne (1,3 million), à une journée de grève et à des manifestations. Le mouvement islamiste Hamas au pouvoir à Gaza a de son côté appelé Arabes et musulmans à un «soulèvement» devant les ambassades d'Israël, tandis que le président palestinien Mahmoud Abbas a décrété trois jours de deuil en Cisjordanie et à Gaza, en appelant à traduire les responsables de l'assaut «barbare» devant la justice internationale en tant que «criminels de guerre». Plusieurs manifestations de protestation contre l'Etat hébreu se sont déroulées en Jordanie, au Liban, en Egypte, en Iran, à Gaza, en Irak et en Turquie, de même que dans plusieurs villes européennes. L'ONU s'est dite «choquée» par l'assaut et l'Union européenne a condamné «l'usage de la violence» et demandé une «enquête complète». Les ambassadeurs israéliens dans plusieurs pays occidentaux et arabes ont été convoqués. Mardi, une Réunion spéciale de l'Otan a été organisée à la demande d'Ankara, de même qu'une Réunion extraordinaire de la Ligue arabe.