Le secteur informel a le vent en poupe. Considérant le fait que c'est le secteur qui offre le plus emploi aux non-qualifiés, on lui veut grand bien et, chacun y va de sa panacée pour lui trouver champ d'action à sa taille. Sauf qu'il y a informel et informel. Il y a l'informel qui se laisse aisément mettre en forme, et il y a celui qui est réfractaire à toute tentative de restructuration. Les marchands ambulants, ceux dit des quatre-saisons, sont parmi ce dernier ensemble. Dans les quartiers dits populaires - Takaddoum, Akkari, Tabriket, Bettana… - ils sont omniprésents. Devant les mosquées, dans les ruelles les plus étroites et les plus passantes et encore plus certainement, dans ces espaces non-bâtis que le construit présente parfois aux citadin Vendeurs ambulants Les risques du métiers afin qu'ils se souviennent de temps plus agrestes. Bien souvent les Rbatis comme les Slaouis ont des perceptions partagées, sinon contraires des étals qui parsèment, quand ils ne longent leur parcours quotidien. Comme ce Slaoui de Tabriket, il y a ceux qui pensent qu'il faut vivre et laisser vivre. Qu'il n'y a pas de mal à faire profession de vente à l'étalage, et que les colporteurs des temps modernes qui s'y adonnent rendent un signalé service à tous ceux qui, pour une raison ou une autre, ne peuvent se fournir chez un commerçant patenté. «Car, dit-il, n'oublions pas qu'il y a des handicapés, des femmes enceintes ou que la garde d'enfants en bas-âge empêche de trop s'éloigner, de vieilles personnes…en fait, n'oublions pas qu'il y a de nombreuses personnes à qui les vendeurs à la sauvette rendent service». Tout autre est la perception de ce vieux Rbati qui pense que le maillage des boutiques et des grands commerces est si dense qu'on n'a pas besoin de vendeurs à la sauvette. «Je ne sais pas si vous en êtes rendu compte, mais il ne respecte pas même le centre de la ville où ils n'hésitent pas à encombrer les trottoirs des plus belles avenues pour y proposer leur camelote», dira t-il d'un ton irrité. Car pour lui qui garde en mémoire des temps plus nets, «l'avenue Mohammed V était l'avenue Mohammed V, l'avenue de Temara était l'avenue de Temara, c'est- à-dire des voies dégagées et plaisantes où il faisait bon déambuler en famille, sans être agressés par les propos orduriers que tiennent ces gens». Et des ordures, il en sera question un peu plus tard, du côté de Takaddoum. Là, le propos est clairement hostile. Cet habitant du quartier de Tiyarate ne cache pas son agacement devant le spectacle des étals des vendeurs ambulants qui bouchent totalement une rue, l'interdisant à la circulation des engins mécaniques. «Alors que pensez vous de ça, c'est normal selon vous ? Par où vais-je passer pour regagner mon logis ?» Et, quand on lui fait remarquer que tout le monde a finalement le droit de vivre, il répond : «vivre certes, mais encore faudrait-il savoir comment. Ce que vous voyez, c'est de l'occupation illégale de l'espace public. Je ne vois pas comment on peut reprocher à certains cafés de mordre sur le trottoir et permettre à d'autres d'occuper la chaussée. D'autant plus que ce n'est là qu'un moindre mal. Attendez qu'ils lèvent l'ancre et vous verrez les détritus qu'ils laissent derrière eux». Que faire alors ? De nouveaux souks ? Oui, mais quand les vendeurs ambulants ne veulent pas y aller pour cause de formalités et de patente ?