Le Maroc a célébré, mercredi à l'instar de la communauté internationale, la journée mondiale de l'enseignant. A cette occasion, commémorée sous le signe «l'enseignant et l'enseignante sont la base de l'édification de l'école de réussite», le ministre de l'Education nationale, de l'enseignement supérieur, de la formation des cadres et de la recherche scientifique, Ahmed Akhchichine et la secrétaire d'Etat chargée de l'enseignement scolaire, Mme Latifa Labida, ont souligné la nécessité de réhabiliter l'école marocaine. Dans un message adressé aux enseignants, ils «réaffirment la nécessité de se mobiliser afin de relever le pari de la réforme du système éducatif et s'engager dans l'édification d'une école marocaine productive». Et pour concrétiser ces objectifs, précise le message, les différents intervenants doivent œuvrer de concert pour réaliser le programme d'urgence qui est axé sur la motivation des enseignants, leur formation et l'amélioration de leurs conditions de travail. Toutefois, sur le terrain, force est de constater que les conditions dans lesquelles exercent les enseignantes et les enseignants, surtout dans le monde rural et les périphéries des grandes villes, ne permettraient pas à l'éducation dispensée de remplir le rôle qui lui est assigné. Le surpeuplement des salles, le manque de moyens pédagogiques et l'état des lieux dans certains cas ne favorisent pas les conditions pour les enseignants et les enseignantes en vue de dispenser des cours de qualité, libérer le potentiel des apprenants, aider les enfants à concrétiser leurs rêves et leur offrir de nouvelles perspectives. Des spécialistes soulignent que l'élément humain, notamment les enseignants et les enseignantes dans toute la chaine, constitue les piliers de l'éducation. Celle-ci a été solennellement érigée en deuxième priorité nationale après l'intégrité territoriale depuis le lancement de la réforme du Système d'Education et de Formation (SEF). Mais le paradoxe est que la situation des enseignantes et des enseignants n'a pas été prise avec le même intérêt. Les formules du système de promotion ne motivent plus l'enseignant, les procédures d'affectation et de regroupement familial ne l'encouragent pas et les conditions de travail ne s'améliorent pas. Apparemment, c'est pourquoi, qu'entre autres, les réalisations des réformes lancées restent mitigées. Dix ans après le lancement de la réforme mise en place par la Commission spéciale d'éducation et de formation (COSEF), un plan d'urgence est déclenché. L'objectif de ce dernier est d'accélérer la mise en œuvre de la réforme durant la période 2009-2012. Une année après sa mise en œuvre, il n'est toujours pas appliqué dans des écoles du monde rural et de la périphérie des grandes villes. Voilà comment roule le train de notre enseignement. Alors que personne n'ignore que la qualité du monde de demain dépend de celle de l'enseignement dispensé aujourd'hui. Journée mondiale de l'enseignant Les syndicats montent au créneau : La crise de l'école publique est celle de la dégradation de la situation des enseignants Le Maroc fête, à l'instar des autres pays, la journée mondiale de l'enseignant. A cette occasion, les syndicats rappellent que la réhabilitation de l'école publique est tributaire de l'amélioration de la situation professionnelle et matérielle du corps enseignant. «L'école publique passe par une phase critique marquée principalement par l'absence de confiance des citoyens», indique Rharss Abdelmajid, membre du secrétariat général de la Fédération nationale de l'enseignement affiliée à l'UMT. Cela explique, selon lui, l'engouement des familles marocaines pour le secteur privé en dépit de son coût élevé. Cette situation déplorable persiste malgré la mise en place du plan d'urgence du département de l'éducation nationale qui concerne la généralisation et la gratuité de l'enseignement et rendre obligatoire le primaire. Pour le FNE/UMT, cette détérioration est dû principalement au désistement de l'Etat de sa responsabilité. «On ne peut évoquer l'amélioration de la qualité de l'enseignement sans tenir compte de la situation des enseignants et des conditions de leur exercice», souligne Rharss Abdelmajid. Cela requiert, de prime abord, de réhabiliter l'enseignant et de lui restituer sa considération, ajoute-t-il. Plusieurs revendications du corps enseignant sont toujours en attente, rappelle-t-il, notamment le volet en rapport avec la promotion optionnelle et celle des cadres hors échelle, qui figure dans le protocole d'accord signé entre les syndicats les plus représentatifs et l'ancien ministre de l'éducation nationale Habib El Malki. La surcharge des classes figure également à la tête des obstacles réels à la réforme du système scolaire marocain. «Certaines classes contiennent 50 élèves. Ce qui rend difficile la tâche de l'enseignant», explique Rharss Abdelmajid. Ce bras de fer entre les syndicats et le département de tutelle qui dure depuis des années n'est pas sans conséquence sur le bon déroulement de l'année scolaire. Car, la programmation des grèves des enseignants en général en début de la rentrée engendre la paralysie des établissements scolaires et donc la coupure à répétition du cursus scolaire. «La planification des mouvements de grève au début de l'année scolaire est, tout au contraire, un choix propice. L'objectif est d'attirer l'attention du département aux difficultés rencontrées par le corps enseignants. Il vaut mieux poser le problème dès le départ au lieu d'attendre le milieu de l'année pour protester», justifie Rharss Abdelmajid. Le syndicat national de l'enseignent affilié à la CDT partage la même orientation. Hammadi Belayachi, membre du bureau national du SNE, met l'accent sur la responsabilité de l'Etat à garantir à l'école publique son rôle dans l'éducation des générations futures et sa contribution au progrès d'une société. «Depuis que le parti de l'Istiqlal ait eu assumé la responsabilité de ce département, l'enseignement public au Maroc a vécu plusieurs expériences qui n'ont donné lieu à aucune recette réussie dans le but de promouvoir le secteur. Au contraire, le système scolaire recule une année après une autre», constate-t-il. Le SNE/CDT fait remarquer que cette année, à l'instar des années précédentes, est marquée par un ensemble de problèmes notamment le surplus des enseignants dû à la suppression de plusieurs matières dans les lycées, en l'occurrence, la philosophie, la traduction dans le tronc commun et la réduction des heures d'enseignement pour d'autres matières. Pour Hammadi Belayachi, affecter la responsabilité de la détérioration de l'école publique au corps enseignant est une échappatoire. « Le corps enseignant est le résultat d'une réalité sociale et politique précise, seule responsable de la situation de l'enseignement. Car, comment peut-on exiger des enseignants d'accroître leurs efforts et concrétiser des programmes et méthodes que l'Etat n'a pas réussi à développer en absence des conditions morales et matérielles d'exercice. Pour lui, toute réhabilitation de l'enseignement doit être réfléchie en concertation avec les professionnels. «Le département actuel a mis en place un plan d'urgence de l'éducation nationale sans l'implication des professionnels, notamment les concernés par la question de l'enseignement dont le corps enseignant et les syndicats qui les représentent», explique-t-il. Soumia Yahia