Ahmed Lahlimi Alami, Haut-commissaire au Plan, comme on devait s'y attendre vient de faire une sortie en bonne et due forme,en réagissant à la récente publication de l'indice “Oxford Poverty and Human Development Initiative (OPHI)”. Un rapport dont le contenu a été fortement médiatisé et a suscité au Maroc et des réactions assez diverses. Le Haut Commissaire au plan a expliqué, lors d'une conférence sous le thème “Indices de pauvreté multidimensionnelle : portée et limites”, tenue mercredi dans la soirée à Casablanca, que l'indice de pauvreté multidimensionnelle (MPI) de l'organisation “Oxford Poverty and Human Development Initiative (OPHI)”, est moins pertinent que l'indice de niveau de vie adopté par le Haut-commissariat au plan (HCP). Les fragilités constatées par les experts du HCP dans la composition du (MPI) sont légion. L'approche de la notion de pauvreté, l'insuffisance des variables et des données sur lesquelles se fonde le MPI, constituent a eux seuls de grandes carrances qui fragilisent cet indice. Lahilmi estime que ces mêmes déficits conceptuels montrent l'incapacité de cette démarche à se substituer aux approches objectives des organismes internationaux. Cela dit le (MPIest largement en deçà de la pertinence de l'indice confectionné par le Haut Commissariat au Plan. 17 indicateurs au lieu de 10 Contrairement à l'approche multidimensionnelle du HCP qui se fonde sur 17 indicateurs, le calcul du MPI se limite à 10 indicateurs se rapportant à la santé, à l'éducation et au niveau de vie. Lahlimi a rappelé que l'indice de niveau de vie (INV) confectionné par le HCP couvre, quant à lui, l'accès à l'éducation, la santé, l'alimentation saine et équilibrée et les conditions d'habitat. L'INV couvre également l'insertion professionnelle représentée par l'activité économique des membres des ménages et les opportunités d'emploi des jeunes, l'équité sociale et l'égalité entre les sexes, respectivement mesurées par la position dans l'échelle sociale du niveau de vie et la parité hommes/femmes en termes d'éducation-formation et de soins de santé, et l'accès aux moyens de communication et de transport. L'indice MPI, mis au point par l'organisation OPHI et publié dans un rapport intitulé “Acute Multidimensional Poverty : A new index for developing countries”, retient dans son calcul des dimensions ne couvrant pas toutes les priorités socio-économiques dont celles qui développent la capacité des individus à s'auto protéger eux-mêmes de la pauvreté. Une approche exclusive et tronquée Cet indice exclut, à ce titre, l'ensemble des indicateurs d'apport qui mesurent la capacité des populations à se prendre en charge. C'est le cas des facteurs de revenu tels que l'emploi, la couverture sociale ou encore l'accès au réseau routier et aux moyens de financement. Il s'agit à l'évidence d'une approche exclusive et tronquée L'approche scientifique élaborée par l'OPHI se base également sur des données datant de périodes différentes allant de 2000 à 2008. Cette différence de temps ne permet en aucun cas de classer les pays selon le niveau de l'indice MPI. A titre d'illustration, le classement établi dans le rapport de l'OPHI compare le Maroc de 2004 à l'Egypte de 2008 et à la Jordanie de 2007, a fait observer le Haut-commissaire au Plan. Le Haut Commissaire au Plan fait remarquer que tout l'effort fourni par le Maroc, entre 2004 et 2008, en matière de développement humain, économique et social, et aussi en matière de production de statistiques récentes, est ainsi omis pour la simple raison que la dernière enquête sur la démographie et la santé (DHS), réalisée au Maroc, date de 2004. Le nécessaire débat sur la méthdologie Pour le HCP, l'approche de la pauvreté adoptée par l'OPHI ne peut servir, en aucun cas, au classement des pays en développement avant qu'elle ne se fonde sur la même période de référence et fasse l'objet d'un débat, au sein de la Commission de Statistique relevant de l'ECOSOC (Conseil Economique et Social de l'ONU), seul organe des Nations unies habilité à se prononcer en matière de données et de méthodologie statistique, conformément aux recommandations du groupe d'experts des Nations unies sur l'indicateur de développement humain. Mesuré à partir des enquêtes sur la démographie et la santé, destinées à l'analyse de l'état de santé et non pas à la mesure de la pauvreté, l'indice de l'OPHI est contraint, selon ses propres auteurs, par la portée limitée des données, et se heurte, selon les spécialistes de la Banque mondiale, eux-mêmes, à des limites empiriques et analytiques. Selon le HCP, l'application même de l'approche de pauvreté multidimensionnelle de l'OPHI aux données marocaines donne des résultats qui vont dans le même sens que ceux calculés par l'approche du HCP. Ainsi, l'approche de l'OPHI appliquée aux données des enquêtes marocaines montre que la pauvreté a diminué de 28,5 pc en 2004 à 11,1 pc en 2007. L'application de l'approche multidimensionnelle du HCP montre, quant à elle, que la pauvreté a baissé de 23,9 pc en 2001 à 12,1 pc en 2007. C'est dire que la baisse de la pauvreté est confirmée par les deux approches et que l'usage, par l'OPHI, des données de 2004 au lieu de celles de 2007 ne reflète pas le niveau actuel de la pauvreté au Maroc. Le Haut Commissariat au plan avait adressé une lettre à la directrice de l'OPHI, auteur de l'étude, Mme Sabina Alkire, dans laquelle il lui notifie nombre d'observations concernant les insuffisances qui entachent son travail scientifique, exprimant sa disposition à fournir tous les données et statistiques nécessaires pour la production d'indices actualisés. Le HCP a développé en 2008 une approche multidimensionnelle d'inertie de la pauvreté, tout en restant convaincu de l'arbitraire qui entache ce type d'approches.