Peut-on se livrer sans se délivrer ? Un exercice pénible, voire malaisé qu'a réussi avec excellence l'écrivain marocain Edmond Amran El Maleh dans son dernier livre intitulé « Lettres à moi-même » publié chez Le Fennec. «Tout le dedans était dedans mais jamais le dedans n'était dehors». Ce petit extrait résume en tout et pour tout la pensée de l'écrivain. Ce poignant journal, quoique l'auteur refuse cette dénomination, résume l'un des parcours les plus singuliers de l'un des écrivains qui a et continue à marquer son temps. L'auteur préfère le jeu de facettes entre lui et soi. En dix lettres, il nous invite dans les dédales de son être mais sans se dépouiller entièrement laissant ses lecteurs en haleine. Omran El Maleh refuse l'exhibition. Au moment où il se sent trop dévoilé, il se recroqueville. « Un jeu de voilement et de dévoilement qui conduit à l'esquisse du portrait d'un personnage qui ne serait finalement ni l'un ni l'autre ou bien qui serait peut être l'un et l'autre», souligne le critique littéraire Abdellah Baida. Pourquoi ce témoignage ? l'écrivain l'explique dans son avant propos. Ce qui prime pour lui, c'est la qualité littéraire du texte, cette nouvelle forme d'interpellation de soi qui oscille entre l'autobiographique dans le sens où l'auteur est le sujet de l'écriture et le journal dans la mesure où il est question d'un récit d'une chronologie d'évènement. La réponse de Edmond Amran El Maleh ne peut être plus claire. Il s'agit avant et après tout d'une œuvre littéraire. Edmond nous livre ses réflexions sur des thématiques diverses qui ont marqué l'histoire de l'humanité : les années de plomb, les évènements de Mars 65, Mai 68 en France, les évènements de Montparnasse, l'exil, etc. Il est question aussi dans ce livre de son passé politique dans le parti communiste marocain qu'il évoque sommairement sans plus. Il parle de son retour de Genève en 1959 après la réunion du bureau politique qui sera suivie de sa convalescence politique. L'écrivain en profite aussi pour formuler ses pensées sur des sujets qui le préoccupent comme la francophonie, sa relation avec la langue française. Le livre revêt aussi une importance majeure. Il amorce sans doute une relecture de l'ensemble de l'œuvre de Edmond Amran El Maleh. A lire ce livre, l'on aura l'occasion de mieux apprécier et assimiler la littérature telle que la perçoit Edmond Amran El Maleh. Un jeu de miroir très impressionnant qui vaut le coût pendant ce mois de carême.