Beaucoup de Marocains vivent le mois sacré de ramadan de cette année avec crainte et incertitude Et pour cause, cette année, mois du jeûne, période estivale, rentrée scolaire, et Aid Al Fitr, se suivent à grands pas. Cette situation fait que le Marocain modeste ne sait plus à quel saint se vouer vu les dépenses colossales qu'engendrent la succession de toutes ces occasions. Les avis divergent pour ce qui est des mesures à prendre pour faire face à cette situation. Les uns estiment que de telles charges n'ont rien de gênant, d'autres voix s'élèvent contre la cherté et estiment que l'unique issue pour faire face à ces dépenses, reste les sociétés de crédits ou se prêter de l'argent entre amis et collègues. Pour Hassan, père de famille, il n'y à aucun problème ou interférence entre la période estivale et le mois sacré du ramadan. Hassan ajoute, à cet égard, qu'il arrive à concilier entre devoirs religieux et profiter de ses vacances d'été « Je profite de l'été. Ce n'est pas pour autant que je ne vais pas à la mer sous prétexte que c'est ramadan. Je suis en famille, nous profitons tous ensemble des bonnes choses tout en préservant notre spiritualité. Bien entendu, ma femme ne se baigne pas vu ces circonstances spéciales (...) Pour ce qui est de la rentrée scolaire, j'ai réussi à prendre mes dispositions dès le milieu de l'année. Pour moi, je n'ai aucun problème vu que je gère très bien ma vie en concertation bien sûr avec ma femme ». Abdelkrim, la cinquantaine, estime que le mois de ramadan est le mois où il ne faut pas prendre de vacances « les vacances ne me laissent pas me concentrer sur les activités religieuses que je dois accomplir durant ce mois sacré. Je ne peux pas prendre de vacances en jeûnant, c'est anti religion à mon avis. Pour ce qui est du côté financier, ça sera très difficile de concilier la rentrée scolaire et Aid Al Fitr juste après les dépenses faramineuses causées par le mois sacré. Ahmed affirme pour sa part qu'il profite pleinement de la période estivale que ça soit en période de jeûne ou en dehors du mois sacré. Pour lui, profiter des bons moments qu'offre l'été n'a rien à avoir avec ramadan. Pour ce qui est d'interrompre la période de vacances, Ahmed est catégorique « je n'interromprai pour rien au monde mes vacances. Je les attend avec impatience ». Pour ce qui est de la rentrée scolaire, notre ami Ahmed déclare avec fierté « Je ne compte pas. Je fais profiter mes enfants, demain c'est un autre jour (...) quand je compte je ne profite pas, il faut prendre les choses avec simplicité ». Karima, mère de famille, estime que la période estivale au cas où elle coïncide avec le mois sacré, doit être interrompue. Pour elle, le ramadan ne va pas du tout avec le mot estivage et bains d'eau ou de soleil aux abords des plages. Karima persiste et signe « Pour moi ramadan c'est une chose et l'été ç'en est une autre (...) durant le mois sacré, je dois et je suis dans l'obligation de veiller au ben être de ma famille, de mes enfants et de mon mari. C'est pour cela que depuis longtemps, dès l'avènement de ce mois sacré, je prend un congé si je travaille et je coupe mes vacances si je suis en mer par exemple ». Dans un tout autre registre et concernant les charges financières qui vont être supporté par les familles à cause de la succession et de l'Aid Al Fitr et de la rentrée scolaire, la dame n'y va pas par quatre chemins et affirme qu'elle est capable de subvenir aux besoins de sa famille du fait qu'elle et son mari travaillent. « je suis une femme active et je gagne bien ma vie. De plus, je suis prête à tout pour faire vivre mes enfants. Parfois et dans des cas d'extrême urgence, nous recourons aux crédits ‘rapides » pour des sommes qui ne dépassent pas les 10.000 DH pour palier à l'urgence seulement. Mais ça reste la dernière des solutions que nous adoptons ». Karim, jeune marié qui n'a pas encore d'enfants estime que durant le mois sacré, il est préférable de se tenir à carreau et profiter de l'ambiance de spiritualité qui souffle sur l'ensemble du pays. Pour lui, ramadan doit être une occasion de couper avec les pratiques contraires à la religion musulmane, aussi minimes et sans importances paraissent-elles « durant ce mois sacré j'essaie de renouer les liens avec le bon Dieu mon créateur. De ce fait, j'essaie de restreindre mes périodes de vacances, voir, les annuler carrément comme ce que j'ai fais cette année ». Pour ce qui est de la rentrée scolaire, ses frais et les trous budgétaires qui accompagnent généralement les débuts du mois de septembre, et malgré qu'il n'a pas encore gouté au bonheur d'être père, Karim et de part son expérience avec ses parents, déclare « Pour les parents c'est très difficile de joindre les deux bouts surtout si ramadan, été, rentrée scolaire et Al Aid se succèdent comme c'est le cas cette année. Néanmoins, on arrive toujours par dépasser ces circonstances exceptionnels ». Concernant le recours de certaines familles aux organismes de crédits, Karim affirme que chaque famille trouve la solution qui lui va. En d'autres termes, certaines familles préfèrent les crédits à la consommation de la part d'organismes spécialisés, alors que d'autres ménages se prêtent de l'argent entre elles en toutes discrétion. Pour Mounir le fait d'être en pleine période de chaleur et d'estivage ne cause aucune interférence avec le mois sacré ou la pratique du jeûne. Pour Mounir, il ne faut pas rester en vacances ou résider dans les villes touristiques durant ce mois sacré. Pour lui, ni l'ambiance ni les circonstances ne permettent de rester en vacances «Ramadan rime inéluctablement avec rupture des vacances et retour au bercail (…) Pour moi jeûner se fête parmi les miens et non pas à des kilomètres de distance, au bord de la plage». Concernant le cauchemar qui hante en ce moment les Marocains, relatif aux dépenses de la rentrée scolaire et de l'aïd qui coïncident cette année, Mounir reste confiant quant à l'avenir et préconise le fait de bien gérer son budget sans pour autant se priver des bonnes choses qu'offre la vie «Evidement, il faut gérer son porte - feuille, néanmoins, je ne me prive pas de belles choses ni ne prive les membres de ma petite famille ou cette grande. D'ici la rentrée, on se débrouillera. Au pire, j'arriverai à avoir un prêt de mon travail, vu que je travaille dans un club sportif et nos supérieurs sont assez décontractés». Youness 34 ans « Bien entendu, le fait que cette année Ramadan coïncide avec la période estivale a perturbé les congés annuels. Personnellement, j'ai été obligé de reporter le congé ultérieurement. N'empêche que j'essaie de profiter de mon temps après la rupture du jeûne en participant à des soirées ramadanesques. Je profite également de l'animation dans les cafés et d'une randonnée dans les plages le soir. C'est vrai que le plus dur suivra avec la rentrée scolaire, Aïd Al fitr, et les grandes factures qui tombent d'un seul coup. Heureusement que les crédits existent. C'est ma bouée de sauvetage chaque début d'année. Rahal 54 ans « L'arrivée de Ramadan en période estivale n'a pas réellement troublé mes habitudes. Certes, j'ai été obligé de raccourcir mon congé. Mais j'arrive quand même à concilier les deux : période estivale et carême. Le soir, je fais un tour dans les plages avec ma famille. De telle manière, mes proches en profitent aussi. Aussi, à la fin de la semaine, je les accompagne pour vadrouiller dans les souks et les grandes surfaces. La période, après le ramadan, sera sûrement difficile surtout que cela coïncidera avec la rentrée scolaire et la fête d' Aïd Al Fitr. D'habitude, je fais recours à un crédit sinon je n'arrive pas m'en sortir. » Zoubeir 65 ans « Le ramadan, cette année, est plus difficile par rapport aux autres années. Le jeûne en pleine canicule est très dur. J'ai été contraint aussi de faire abstraction du congé. Comme vous le savez, le Ramadan, à lui seul, exige de dépenses exorbitantes. Il fallait donc choisir entre congé ou Ramadan. J'estime que le rituel de ramadan est sacré et primordial. C'est une aubaine qui nous permet de rapprocher encore plus de notre créateur. C'est un mois de piété et du repos de l'âme. C'est vrai que le ramadan accompagné des vacances, de la rentrée scolaire et de Aïd al Fitr vident la poche, néanmoins je ne recours pas aux crédits sauf si les circonstances m'y obligent. » Ilham 36 ans « J'ai avancé mon congé pour faire profiter mes enfants des vacances surtout que la rentrée scolaire s'approche. D'autant plus que je ne peux pas jeûner et voyager. C'est dur matériellement et physiquement. Aussi, l'ambiance de Ramadan, c'est de la vivreen compagnie de la famille sinon elle perd son charme. C'est plus convivial d'être en ce mois de carême avec ses proches. Quoique, les dépenses cette année soient excessives. Je serai obligé de prendre un crédit pour faire face aux exigences de l'Aïd Kébir et la rentrée scolaire ». « Cette année, pour que je puisse me permettre de passer des vacances, j'ai dû contracter un crédit de 20.000 DH auprès de ma banque », indique Mustapha, un fonctionnaire dans un établissement public. Les propos de Mustapha ne sont guère différents de Samir, employé dans une entreprise de distribution de l'eau et l'électricité. « Je ne vois pas comment peut-on faire face aux contraintes de la vie, sans ayant recours à un crédit de consommation». Et d'ajouter, «la période d'été coïncide toujours avec la période de congés, étant donné que je vis dans une ville côtière et je me trouve dans l'obligation de recevoir des invités chaque année, et cela impacte lourdement ma petite bourse», affirme-t-il. En fait, le sort de plusieurs ménages ressemble ou presque à celui de Mustapha ou Samir. Les Marocains sont devenus les champions de la consommation. La coïncidence cette année de plusieurs événements aura certainement des pressions financières sur les ménages… le Ramadan, les vacances, la fête d'El ‘aïd, et la rentrée scolaire… Un véritable challenge indique Hussein, un smigard dans une société de nettoyage avec un sourire sarcastique. Mais, cela ne veut pas dire que les solutions manquent. Pour satisfaire leurs besoins, les ménages marocains ne manquent pas de créativités, certains d'entre eux ont plus d'un tour dans leurs sacs. Dans la ville de Mohammedia, plusieurs familles ont dû changer leur mode de vie durant l'été. Dans les quartiers populaires, des familles ont dû louer leurs maisons à des estivants et partir s'installer durant cette période chez leurs proches. Les prix varient selon la demande des clients, entre 400 et 700 pour une nuitée. D'autres, pour se permettre une quinzaine de vacances ont du travailler acharnement durant toute l'année. Comme c'est le cas d'Issam, professeur d'économie dans un lycée. «grâce à des cours que j'ai donnés dans des écoles et centres de formations, j'ai pu économiser à la fin une somme assez bonne s'élevant à 9000 DH, sinon, je ne conçois pas comment aurais-je pu faire » , d'autres professeurs ont dû s'adonner à d'autres activités, comme l'achat et la vente de voitures, ou ouvrir des laiteries». Quand à Imad, cadre financier, il explique que les ménages marocains assument largement la responsabilité. «faute d'une politique de gestion rationnelle, ils doublent le budget de consommation durant le mois de ramadan, ce qui aura des conséquences négatives sur le budget » indique-t-il. Peu importe.