Par Jamal Eddine FELHI Le président du groupe parlementaire du progrès et du socialisme, Rachid Hamouni, a tenu à recadrer le secrétaire général du Parti Justice et Développement (PJD), Abdelilah Benkirane, à la suite des propos calomnieux tenus par ce dernier lors d'un rassemblement de son parti à Casablanca. Rassemblement durant lequel, à court d'arguments pour défendre ses idées rétrogrades au sujet de la révision du Code de la famille, il a appelé à agir, y compris à travers « une marche d'un million de manifestants », contre les propositions modernistes que défendent les partis démocratiques et progressistes, les organisations de défense des droits des femmes et les organisations et instances des droits de l'homme au Maroc. Les propos de Benkirane concernant le Code de la famille, tenus dimanche dernier, « ne sont pas les premières du genre, mais les plus dangereuses pour notre société marocaine et notre expérience démocratique émergente », a écrit, à ce sujet, dans un post sur Facebook le parlementaire du PPS, qui estime qu'il s'agit, ni plus ni moins, de « déclarations offensantes qui violent de manière flagrante le devoir de déférence dû entre dirigeants et partis politiques ». Les déclarations du dirigeant du PJD, dont le passage, un jour, à la tête de l'exécutif était supposé en faire un homme d'Etat, constituent « une incitation à la sédition et à la division de la société » ainsi qu'une « menace explicite de révolte contre toute réforme moderniste du Code de la famille », relève-t-il. Pour Hamouni, si Benkirane a le droit d'exprimer librement, comme le lui garantit la Constitution, des positions rétrogrades sur la question de l'égalité ou sur toute autre question de société, il n'a pas le droit, cependant, « ni de calomnier ni de déformer » les positions de partis politiques nationaux qui agissent dans le cadre constitutionnel et des constantes de la nation, depuis des décennies, ou de brandir des menaces à leur encontre et à l'encontre d'une institution constitutionnelle comme le Conseil National des Droits de l'Homme, tient à rappeler d'emblée le parlementaire du PPS. A cet égard, il estime que le secrétaire général du PJD a débité des « accusations mensongères et absurdes » allant « jusqu'à exclure de la religion musulmane tous ceux qui ont une référence moderniste, diviser le monde en pays de l'Islam et pays des mécréants et classer les Marocains sur la base d'une interprétation personnelle de la foi, en faisant croire aux gens que celui qui est contre le conservatisme était contre l'Islam et le Saint Coran !! ». Et de s'interroger si les propos de Benkirane ne constituent-ils pas une accusation claire d'hérésie, un appel à l'extrémisme et une atteinte à l'un des piliers de notre société marocaine, à savoir le pluralisme intellectuel et politique que le Maroc a choisi depuis son indépendance ? ». Ses propos ont encore dépassé toutes les limites lorsqu'il a osé qualifier de « meurtriers » ceux qui défendent l'interruption médicalisée de la grossesse quand celle-ci présente une menace à la vie ou à la santé de la mère ou en cas de grossesse résultant de viol ou d'inceste, ainsi qu'en cas de malformations congénitales et de maladies graves pouvant toucher le fœtus, tout en maintenant la criminalisation de l'avortement illégal, écrit Hamouni avant de rappeler que « cette position était une conclusion objective et sage résultant, en 2015, de consultations très approfondies, et qui a été soumise à l'appréciation de SM le Roi par El Mostafa Ramid, alors ministre de la justice et des libertés, Ahmed Taoufiq, ministre des habous et des affaires islamiques, et Driss El Yazami, alors président du CNDH ». Selon le parlementaire du PPS, Benkirane n'a certainement pas pris le temps de lire les memoranda et les propositions des organisations et instances démocratiques concernant la révision du Code de la famille, ou s'est contenté, au mieux, de n'en retenir que les titres tout en les jugeant à l'aune de ses préjugés, sinon il n'aurait pas proféré des accusations gratuites et débiter des mensonges comme « la destruction de la famille », « le mariage entre personnes du même sexe » et « le mariage sans acte notarial », et toutes les autres suppositions qui n'existent que dans son seul esprit. Le plus étrange est que le secrétaire général du PJD a une perception singulière de certaines questions et situations de plus en plus répandues dans notre société et qui exigent un effort de jurisprudence (Ijtihad), une jurisprudence éclairée, en ce sens que notre religion musulmane modérée est capable de répondre de manière réaliste aux mutations des sociétés musulmanes à chaque étape de l'histoire. Par ailleurs, Hamouni estime complétement insensé que Benkirane réduise, à travers ses propos provoquants, le lien du mariage aux relations sexuelles, au plaisir de l'homme et à la chosification de la femme en la considérant comme un objet de jouissance pour l'homme, alors que Dieu Tout-Puissant l'a honorée !! De même qu'il n'est ni raisonnable ni logique, mais plutôt aberrant, de suggérer que la solution au phénomène d'abandon scolaire des jeunes filles est de les marier avant l'âge de 18 ans !! Il est également insensé, souligne le parlementaire, de faire croire que quiconque appelle à criminaliser le mariage forcé des petites filles est contre l'Islam et le Saint Coran !! Comme il est aussi insensé que Benkirane présente le testament comme étant proscrit par la religion, de prétendre aussi que l'égalité conduit au crime et à la violence contre les femmes ainsi qu'au divorce, sachant que ces phénomènes sont plus répandus dans les sociétés fermées à la jurisprudence et à la liberté et que les taux élevés de divorce sont principalement dus à de multiples facteurs, notamment économiques et sociaux. « C'est faire preuve d'ignorance de la réalité que de propager l'idée de limiter aux hommes la responsabilité de pourvoir aux besoins de la famille, à l'heure où la femme marocaine, au vu des profondes mutations survenues dans la société, occupe des positions importantes dans la plupart des professions et responsabilités, et donc aussi au sein de la famille marocaine à la cohésion de laquelle et à l'édification de laquelle sur des bases solides nous œuvrons », souligne le président du groupe parlementaire du PPS. Et de s'adresser à Benkirane en ces termes : « si vous voulez vous différencier, que vos positions soient figées et que votre perception de la société soit conservatrice, la constitution vous y autorise, le pluralisme politique vous le permet, et le choix démocratique vous en donne la possibilité. Mais vous n'avez aucun droit d'accuser d'hérésie quiconque ne partageant pas votre point de vue, ni de justifier des positions politiques selon votre interprétation personnelle de la religion de l'Etat et de la société, ni d'essayer de donner un caractère sacré à vos opinions qui pourraient être erronées ou justes. Vous n'avez pas le droit de déformer les positions d'autrui ». Pour Hamouni, on est censé, à juste titre, avoir un débat entre partis politiques, « un débat qui tolère les différences dans les approches et les perceptions », et non pas un autre débat qui relève d'un autre domaine lequel a ses propres spécialistes et institutions. Et de conclure : « la Constitution est le texte auquel nous recourons tous, la révision du Code de la famille est un chantier lancé par Sa Majesté le Roi avec un encadrement clair, et l'engagement envers les droits de l'homme tels qu'universellement reconnus est un principe constitutionnel ».