DNES à Tinmel : Mohamed Nait Youssef Reportage photos Redouane Moussa Après plus d'une semaine sur le séisme, le visiteur des villes et régions d'Al Haouz telles que Marrakech, Taroudant, Tinmel, Talat N'Yaaqoub...pourrait constater à l'œil nu l'ampleur des dommages et dégâts, à des degrés divers, des édifices et des sites historiques profondément touchés. Incontestablement, la terre a voilement tremblé en fragilisant des minarets de mosquées, des remparts, des musées, des kasbahs, des palais et des monuments patrimoniaux de grande valeur civilisationnelle, culturelle, architecturale et historique. Les images sont tristes. La douleur est immense; telles les fissures profondes déchirant les entrailles de la terre solide et grave d'al-Haouz. Et soudainement, cette beauté des visages et des paysages s'est transformée en désastre. Pour faire le point, nous nous sommes déplacés le week-end dernier à Marrakech, à Tinmel en passant par Talat N'Yaaqoub. À vrai dire, la nature a dévoilé l'une de ses énigmes que certainement l'homme ignore. Reportage. Fikri Benabdallah : «Aujourd'hui, il faut un grand sursaut national...» * Pour Fikri Benabdallah, Architecte et président de l'association. Rabat-Salé mémoire, il s'agit de considérer que nous connaissons, au niveau du pays, une palette d'architecture régionale de très grande qualité et d'une très grande diversité. D'après lui, elle correspond à des situations physiques, géographiques, humaines, culturelles... et à une adaptation des espaces aux grandes particularités des régions. Cela concerne, a-t-il révélé, aussi bien les bâtiments à forte valeur symbolique: les grandes mosquées, les zaouias, les grandes maisons de notabilité régionale... sans oublier bien entendu le substrat cognitif à savoir ; les maisons de valeur économique moindres ou modestes, mais qui font les unes et les autres cet héritage emblématique qui constitue aujourd'hui les trames paysagères millénaires que recèle le pays à travers l'ensemble de ses régions. «Il se trouve que parmi ces grands ensembles il y a des bâtiments qui ont nécessairement sur le plan symbolique et sur le plan architectural et de la représentation culturelle ; les valeurs les plus grandes : ce sont les bâtiments emblématiques et patrimoniaux qui constituent ce legs fantastique que recèle le pays. », a-t-il affirmé le grand architecte ayant restauré le musée Nejjarine du bois et la mosquée Al Quaraouiyine. Selon Fikri Benabdallah , il s'agit de considérer que chacune de ces composantes essentielles doit être visitée par les services administratifs, techniques pour faire un état précis des degrés de dégâts et dommages qui affectent chacun de ces bâtiments. «Aujourd'hui, on s'interroge sur Tinmel, construite et restaurée dans les règles de l'art, mais il se trouve qu'il ne faut pas systématiquement considérer qu'un bâtiment s'est écroulé et un autre bâtiment voisin qui n'est pas s'est écroulé, car il se trouve simplement que le substragiologique est très hystérogène d'un endroit à un autre. Pour Tinmel, c'est le cas.», a-t-il fait savoir. En effet, poursuit-il, une intervention des architectes, des ingénieurs, des sociologues, des entreprises, des bureaux d'études est nécessaire. «Aujourd'hui, il faut un grand sursaut national et qui ne touche pas seulement la région d'Al Haouz, mais il doit toucher une mise à plat de l'ensemble des bâtiments patrimoniaux parce que s' ils perdent à jamais leur présence, leurs rôles sur l'ensemble de registres de la mémoire matérielle et immatérielle, je pense que les pertes seraient encore aggravées par rapport à la situation que connaît la région d'Al Haouz et qui peuvent affecter les autres régions. Il faut se préparer à la préservation des bâtiments emblématiques nationaux.», conclut-il.