Ouardirhi Abdelaziz La santé bucco-dentaire est essentielle pour la qualité de vie et le bien-être, elle fait partie intégrante de l'état de santé générale de chaque individu. Une mauvaise santé bucco-dentaire peut accroître les risques sur l'état de santé générale et être la cause de maladies cardiovasculaires, de pathologies respiratoires et affections inflammatoires. D'après le Rapport de situation de l'OMS sur la santé bucco-dentaire dans le monde (2022, en anglais), ces affections touchent près de 3,5 milliards de personnes dans le monde, dont trois sur quatre vivent dans des pays à revenu intermédiaire. C'est un réel fléau, un problème de santé publique. Une bonne hygiène dentaire ne permet pas seulement d'afficher un sourire éclatant et d'éviter les caries. Elle permet aussi de tenir éloignées de nombreuses maladies. Qu'en est-il au Maroc ? Soulever aujourd'hui le problème des affections bucco-dentaires, peut paraître à certains comme dépassé, un sujet qui n'intéresse guère beaucoup de monde. Mais dans la réalité, dans le vécu de chacun de nous au quotidien, il en va autrement. La preuve, il vous suffit de faire un examen de votre propre dentition, de celle de vos enfants pour vous rendre compte sur le champ de toute l'étendue des dégâts. Le problème des affections bucco-dentaire est tellement courant, que ces affections touchent toutes les couches de notre population, les riches comme les pauvres sont concernés avec cependant une différence de taille. Les riches peuvent se permettre de se faire soigner dans des centres dentaires huppés où des cliniques dentaires spécialisées, par des chirurgiens-dentistes, de se faire poser des bridges, des couronnes en céramiques, des implants ou des prothèses esthétiques amovibles. Les pauvres et ceux qui ont très peu de moyens, se contentent des extractions, que se soit au niveau des structures de santé, chez le mécanicien ou les charlatans qui pullulent au niveau des souks. C'est pourquoi nous constatons que ces pauvres gens, ces citoyens démunis sont souvent édentés, c'est une réalité qui fait mal, mais qui nécessite d'être étalée sur ces colonnes. Caries dentaires Les caries dentaires apparaissent lorsque la plaque dentaire qui se forme à la surface des dents transforme les sucres libres (tous les sucres rajoutés aux produits alimentaires par les fabricants, en cuisine ou par le consommateur, mais aussi ceux que contiennent naturellement le miel, les sirops et les jus de fruits) présents dans les aliments et les boissons en acides qui, au fil du temps, détruisent la dent. Un apport constamment élevé en sucres libres et une exposition inadéquate au fluorure sans élimination régulière de la plaque dentaire par le brossage des dents peuvent entraîner des caries, des douleurs, voire la chute de dents et une infection. Maladie parodontale Les maladies parodontales touchent les tissus qui entourent et soutiennent les dents. Elles se manifestent par un saignement ou un gonflement des gencives (gingivite), des douleurs et parfois par une mauvaise haleine. Dans les formes les plus graves, la destruction de l'attache qui relie la gencive à la dent et de l'os qui soutient la dent crée des poches qui provoquent une mobilité des dents et parfois leur chute. Les principaux facteurs de risque sont une mauvaise hygiène bucco-dentaire et le tabagisme. Etat des lieux Les pathologies bucco-dentaires représentent un réel problème de santé publique du fait des conséquences parfois graves qu'elles peuvent induire dans leur sillage. Si on se rapporte aux résultats de la dernière enquête épidémiologique réalisée au Maroc en 2012, celle-ci avait révélé que la prévalence de l'atteinte carieuse est élevée au Maroc. Les caries touchent 92% des adultes de 35-44 ans, 87% des adolescents de 15 ans et 81% des enfants de 12 ans. Selon cette enquête nationale sur la santé bucco-dentaire, un nombre important de Marocains n'a jamais consulté un médecin dentiste, et 27% des adultes de 35-44 ans n'ont jamais bénéficié de dépistage dentaire. Une situation inacceptable Au regard de tous ces chiffres qui ont connu certainement depuis plus de dix ans des augmentations conséquentes, nocives pour la santé des citoyens, on ne peut s'empêcher de poser quelques questions de bon sens. Comment se fait-il que la prévalence des affections bucco-dentaires connait sans cesse une courbe exponentielle ? Elémentaire diront certains. Cette situation est due au mauvais régime alimentaire, à un manque et l'absence d'hygiène dentaire, ou encore le peu d'intérêt de nombreux citoyens pour la santé bucco-dentaire et l'insuffisance d'information et d'éducation en matière de santé bucco-dentaire. La difficulté d'accès aux soins bucco-dentaires ... Il est certes vrai que tous ces arguments sont réels, véridiques. Mais il n'en demeure pas moins vrai qu'on ne peut tout accepter, et tourner la page. Notre pays a mis en place un programme national de santé bucco-dentaire depuis 1990, c'est-à-dire depuis déjà 33 ans. Et donc toutes ces années n'ont pas servi à grand-chose au regard des résultats obtenus. Plus de 10 ministres de la santé se sont succédés à la tête du département de la santé, la question de la santé bucco-dentaire reste aujourd'hui posée. Peut -on en toute honnêteté dire ou prétendre que notre population est suffisamment soignée, à un accès facile , aux soins bucco – dentaires ? Que signifie cette situation ? Que veulent dire ces résultats ? Quels sont les obstacles sur lesquels ce programme est axé ? Des questions et tant d'autres qui méritent des réponses objectives, claires et responsables. Nous savons tous que la santé buccodentaire est un parent pauvre de la santé au Maroc, que le nombre de chirurgiens dentistes reste en deçà des besoins. A ce sujet, la nouvelle carte sanitaire 2022 montre que le système de santé fait toujours face à une grande pénurie de professionnels de santé. Concernant les chirurgiens dentistes, le Maroc compte au total 5300 chirurgiens dentistes entre public et privé, avec près de 4.460 cabinets privés. Mais il y a une répartition inégale des professionnels de la santé bucco-dentaire entre milieu urbain et rural. Certaines régions et zones du pays n'ont pas accès aux services de santé bucco-dentaire. Et combien même avec une assurance maladie type AMO, très souvent les frais de santé bucco-dentaire à la charge des patients peuvent constituer un obstacle majeur à l'accès aux soins. Il faut espérer que le nouveau plan stratégique national de développement du secteur de la santé buccodentaire pour la période 2018-2025 élaboré par le ministère de la Santé et de la protection sociale, pourra améliorer l'offre de soins buccodentaires au Maroc. Mieux vaut prévenir que guérir Il est possible de réduire la charge des affections bucco-dentaires et des autres maladies non transmissibles par des interventions de santé publique dirigées contre leurs facteurs de risque communs. Ces interventions sont les suivantes : Promouvoir une alimentation équilibrée pauvre en sucres libres et riche en fruits et légumes, avec l'eau comme boisson principale, stopper la consommation de tabac sous toutes ses formes, réduire la consommation d'alcool, le brossage des dents deux fois par jour avec un dentifrice contenant du fluorure. Consulter au moins une fois par an le chirurgien dentiste. Enfin, une information accrue, sur les risques mais aussi le caractère non inéluctable des déchaussements et pertes dentaires en cas de parodonpathies, contribuera à une meilleure santé de la population Marocaine. Le rôle que joue la presse écrite et audio-visuelle à travers des articles , des reportages pour bien informer, éduquer et sensibiliser les citoyens à l'importance de l'hygiène bucco-dentaire est très important et doit se maintenir tout au long de l'année.