Deux mois après avoir remporté, d'une courte tête, le scrutin présidentiel face à Jair Bolsonaro, Luis Inacio Lula da Silva qui avait présidé aux destinées du Brésil de 2003 à 2010 a entamé, le dimanche 1er Janvier, son troisième mandat. Son prédécesseur ayant boudé la cérémonie d'investiture, c'est une délégation composée de plusieurs travailleurs parmi lesquels un éboueur et une enseignante mais, également, l'emblématique défenseur de la forêt amazonienne Raoni Metuktire, qui avait remis au nouveau chef de l'Etat l'écharpe présidentielle. Aussi, était-ce en étant très éprouvé par un trop long cérémonial que Lula avait prononcé un discours d'investiture entrecoupé de sanglots causés du fait de l'émotion qu'il avait ressentie face à la marée humaine drapée de rouge – la couleur du Parti des Travailleurs – qui avait investi les principales artères de Brasilia, la capitale du pays, pour célébrer l'intronisation de son nouvel ancien chef de l'Etat. Exposant, dans son discours, le bilan « désastreux » de son prédécesseur, qu'il a accusé d'avoir «détruit en très peu de temps» et à l'aide «d'un gouvernement de destruction nationale dont l'histoire ne pardonnera jamais l'héritage» ce que lui-même avait mis 13 années à construire, Lula a promis de « reconstruire le pays», de réunir les brésiliens désormais profondément divisés, de protéger les plus fragiles mais, surtout, de «gouverner pour les 215 millions de brésiliens» et non pas seulement pour ceux qui ont voté pour lui. Il n'en fallait pas plus pour faire sortir de leurs gonds les partisans de l'ancien président brésilien d'extrême-droite à telle enseigne que cinq jours plus tard et deux années, presque jour pour jour, après l'assaut du Capitole de Washington, par les partisans de l'ancien président américain, Donald Trump, des centaines de partisans de Jair Bolsonaro ont pris d'assaut ces lieux-clés du pouvoir brésilien que sont les bâtiments du Congrès, de la Cour Suprême et du palais présidentiel de Brasilia et donné, ainsi, une parfaite illustration de la prétention des populistes brésiliens à s'arroger le droit exclusif de parler au nom du peuple et de leur incapacité à respecter les règles démocratiques et à se plier au verdict des urnes. En condamnant fermement ce mouvement de protestation, le président Lula a décrété la reprise fédérale des forces de l'ordre qui sont parvenues à faire évacuer les lieux, à arrêter un grand nombre de manifestants et à instaurer un retour au calme, un peu plus de trois heures après cette tentative de coup d'Etat les faits. Mais bien que l'ancien président populiste qui se trouve aux Etats-Unis ait reconnu, du bout des lèvres, sur Twitter, que « les déprédations et invasions de bâtiments publics (...) sont contraires à la règle» régissant «les manifestations pacifiques», il ne s'est pas empêché, toutefois, de «rejeter les accusations sans preuves» du président Lula lorsqu'il s'était permis de déclarer que c'est le «discours» de son prédécesseur qui a «encouragé (les) vandales fascistes» qui ont pris d'assaut les lieux du pouvoir. Il s'agit donc, bel et bien, d'une tentative de coup d'Etat contre le nouveau président très inquiétante pour la démocratie brésilienne née il y a trente-huit ans sur les décombres de la dictature militaire mais fort prévisible compte-tenu de l'incapacité des populistes à respecter les règles qui garantissent le bon fonctionnement de la démocratie dont, notamment, le transfert pacifique du pouvoir dans le cadre d'une alternance. A l'étranger, cette prise d'assaut des lieux du pouvoir a été unanimement condamné car si le chancelier allemand, Olaf Scholz a dénoncé une attaque «intolérable» contre la démocratie, le président américain Joe Biden a jugé « scandaleuses » les violences des bolsonaristes au Brésil et la Chine, qui «soutient les mesures prises par le gouvernement brésilien pour calmer la situation, rétablir l'ordre social et préserver la stabilité nationale», s'est opposée «fermement à l'attaque violente» contre les lieux du pouvoir. En considérant, enfin, que les prochains jours vont mettre à nu les menaces que l'assaut perpétré contre les symboles du pouvoir risque de faire peser sur le début du nouveau mandat présidentiel de Lula et sur la vie politique brésilienne, attendons pour voir...