Ouardirhi Abdelaziz Notre système de santé manque d'infirmiers et d'infirmières dans les hôpitaux et les centres de santé. Ce n'est un secret pour personne, et les mieux placés pour reconnaitre et confirmer cette réalité sont les professionnels de santé, qui vivent au quotidien les lourdes conséquences de cette pénurie, qui rejaillit sur les patients. Pour bien comprendre la situation actuelle, les dessous de cette pénurie, il nous revenir un peu en arrière. Une pénurie programmée Cette pénurie n'est pas nouvelle, elle a commencé dans les années 80, avec le programme d'ajustement structurel qui a eu pour effet, la fermetures de nombreuses écoles de formation d'infirmiers brevetés , une diminution importante du nombre de futurs infirmiers et infirmières . Une situation qui a porté un coup dur à notre système de santé dans les années 80, et qui depuis s'est amplifiée. De nombreux services où étaient hospitalisés 50 à 60 malades tournaient avec 2 ou 3 infirmiers, et la nuit une seule infirmière, ce qui signifie une lourde et contraignante charge de travail. En effet , il faut reconnaitre que le manque de personnel soignant dans un service d'urgence, de réanimation , de soins intensifs, ou bloc opératoire, a des répercussions sur le personnel infirmier et les patients . Il est vrai que plusieurs ministres de la Santé avaient tenté d'apporter des solutions à cette pénurie choquante et pénalisante, et dont les premiers à pâtir sont les citoyens malades. Malheureusement, toutes les tentatives ont été vaines, sans résultat digne de ce nom, ce qui naturellement s'est traduit par des situations figées. Des conséquences lourdes Et comme si tout cela ne suffisait pas, le département de la santé allait subir un coup de grâce en 2005, avec le fameux DVD . Ces départs volontaires à la retraite avant terme ont concerné plus de 1200 infirmiers tous grades et profils concernés, des ressources humaines qui sont parties d'un seul coup. Les hôpitaux et centre de santé ont été vidés de leur véritable force, comme une hémorragie foudroyante viderait un corps de son sang. Ces départs volontaires à la retraite avant terme, avaient mis à mal un corps qui tenait à peine debout. La pénurie d'infirmier, n'a pas cessé de s'accroitre d'année en année, à telle enseigne que l'OMS situe le Maroc parmi les 57 pays du monde qui, aujourd'hui, souffrent d'une pénurie aigue en personnel. Ce que nous écrivons n'est pas une vue de l'esprit, mais bel et bien la réalité .Ce constat, tout le monde l'a fait lors de la pandémie du Covid . La pénurie d'infirmiers et infirmières, a eu pour effet immédiat, une charge de travail lourde, entraine des conséquences profondes sur la santé mentale et le bien-être des professionnels de santé, ainsi que sur les soins qui sont dispensés aux patients. Des paroles et des actes La situation est vraiment sérieuse, et ne peut souffrir de retards aux conséquences fâcheuses, car il s'agit répétons-le, de la santé de millions de Marocains. Et par rapport à cela, il est urgent d'agir maintenant. Le ministre de la Santé Ait Talab Khaled est très sensible à cette question de pénurie d'infirmiers et infirmières, en tant que professionnel de santé. Il mesure à sa juste valeur, les conséquences qui peuvent découler d'un déficit des ressources humaines ( médecins – infirmiers – techniciens ...). S'agissant des mesures que le ministre de la Santé entend mettre en place prochainement, du moins dans 3 ou 4 années , il y a lieu de citer l'augmentation du nombre de places au sein des instituts supérieurs des professions infirmières et techniques sanitaires (ISPITS ) à raison de 7.000 places par an et parallèlement augmenter le nombre d'enseignants. Il est utile de rappeler ici pour ceux qui ne le savent pas que les normes internationales en personnel infirmier prévoient dans un service de réanimation, une infirmière et une aide soignante pour 4 malades. Une infirmière et une aide soignante pour 8 malades dans un service froid de médecine. On est très loin de ces normes, mais cela nous donne une idée sur le manque de personnels de santé Tout cela est fort louable monsieur le ministre, on ne peut qu'espérer voir se concrétiser un tel projet. Mais ce qui serait plus intéressant, plus judicieux, c'est que le département de la santé puisse disposer des moyens de ses ambitions. De la responsabilité des uns et des autres En clair, il faut plus de postes budgétaires, un budget digne du département de la santé (au môns 12 % du budget général de l'Etat). Cette question est centrale, car la santé nécessite de l'argent, et ce n'est pas avec le budget actuel que le ministère de la Santé pourra correctement et dignement soigner les Marocains qui n'ont d'autre choix pour le faire que de s'adresser aux établissements sanitaires publics. Le gouvernement doit prendre toutes ses responsabilités, les représentants de la nation doivent de leur coté défendre ardemment la santé des citoyens et ne plus se contenter de voter un budget tout juste bon pour une médecine au rabais. Motiver et retenir nos compétences Concernant nos infirmières et nos infirmiers, Il faut les motiver, revoir les grilles des salaires et des indemnités, des gardes et des heures supplémentaires qui sont effectuées. Le ministère de la Santé ne doit pas se contenter de former des infirmiers et des infirmières, de dépenser des millions de DH pour les différentes formations. Au bout du compte quand ces ressources humaines sont prêtes à prendre du service, on les voit partir sous d'autres cieux, dans d'autres pays qui profitent gratuitement de ces ressources aux compétences avérées. Par ailleurs, il faut augmenter le nombre des aides soignantes, car notre pays sera confronté à une vague de personnes âgées aux besoins spécifiques. C'est bien de former des infirmiers polyvalents (Bac + 3 ans) qui leur confère une licence en soins infirmiers ou Bac +, un master en sciences infirmières. Cependant, il faut constamment savoir que pour l'heure, notre pays a plus besoin de soignants et d'aides soignants. Assurer une répartition équitable de toutes ces ressources humaines sur l'ensemble du territoire national de Tanger à Lagouira . En conclusion , et pour rester sur une note optimiste, nous dirons que malgré toutes les contraintes, les lacunes, les problèmes, les risques, qui parsèment la profession infirmière, il n'en demeure pas moins vrai que c'est un métier qui procure à celui et à celle qui l'exerce avec humanisme, amour, altruisme et dextérité, une énorme satisfaction, car quoi de plus noble que de pouvoir aider son prochain, de le soutenir quand la maladie nous rattrape.