En Avril dernier, une procédure de « conditionnalité », mise en place à l'effet de protéger le budget européen des atteintes à l'Etat de droit et visant la suspension des fonds européens, avait été lancée contre la Hongrie après la découverte d'« irrégularités systématiques dans les passations des marchés publics » et de « défaillances » en matière de « poursuites judiciaires et de lutte contre la corruption ». Cette mesure de suspension concernerait, essentiellement, les programmes reposant sur les marchés publics qui sont les plus vulnérables à la corruption. Mais si, sous la pression du Parlement, la Commission européenne a proposé une suspension des 7,5 milliards d'euros de fonds de cohésion constituant 20% des fonds européens qui devaient être versés à ce pays dans le cadre du budget 2021/2027 et invité les Etats-membre à se prononcer au plus tard le 19 décembre, il y a lieu de signaler que, bien que pour éviter de se voir privée de ces fonds, la Hongrie, ait essayé de répondre aux inquiétudes de Bruxelles en engageant 17 mesures parmi lesquelles la mise en place d'une « autorité indépendante » chargée de contrôler l'utilisation des fonds européens que l'UE soupçonne d'être détournés, par Viktor Orban, au bénéfice de ses proches, la Commission européenne a estimé que ces réformes n'ont pas été menées de manière satisfaisante. Les mesures énoncées par la Commission européenne au titre de l'indépendance de la justice, du renforcement du rôle du conseil judiciaire national et de l'accès à une justice indépendante, libre de toute influence politique et garantissant « des progrès durables pour l'Etat de droit » en Hongrie, ont trait notamment à la non prorogation du mandat « unique » du président de la Cour Suprême et à la non-contestation, par les autorités publiques, des décisions des tribunaux ordinaires. Considérant que ces mesures sont, par ailleurs, « contraignantes et soumises à des délais », le commissaire à la Justice, Didier Reynders, a affirmé que la Commission européenne sera « très vigilante sur l'avancement de leur application ». Aussi est-ce pour inciter le gouvernement de Budapest à entreprendre les réformes requises que cette dernière a recommandé d'approuver, officiellement, le plan de relance hongrois ; étant entendu que si celui-ci n'avait pas été approuvé avant la fin de l'année, la Hongrie aurait perdu tout droit d'accès aux fonds européens nonobstant les réformes entreprises. Or, si pour Johannes Hahn, le commissaire au Budget, « la Hongrie n'a malheureusement pas mis en œuvre les mesures nécessaires », la décision finale sur la recommandation de la Commission sera transmise aux ministres de l'UE qui devront trancher, à la majorité qualifiée, avant le 19 décembre. Mais, si les pays scandinaves et le Benelux sont traditionnellement très pointilleux sur les questions d'Etat de droit et de la lutte contre la corruption, ce n'est point le cas de nombreux pays de l'est et du sud de l'Europe qui, lors de la réunion des ministres de l'Economie et des Finances prévue ce mardi, pourraient être très réticents quant à un gel des fonds. Etant en proie à une inflation galopante alors que sa monnaie nationale, le florint, est en chute libre, la Hongrie pourrait, donc, se trouver contrainte d'user de tous les recours possibles pour contrecarrer cette mesure et ce, soit en s'adressant à la Cour de justice européenne, soit en demandant que la question soit tranchée lors du sommet des dirigeants européens qui aura lieu les 15 et 16 décembre. Autant de raisons pour lesquelles, pour faire pression sur l'UE afin qu'elle procède au déblocage des fonds, le gouvernement de Budapest a « retardé » d'autres dossiers européens en dépit de leur importance, en opposant son véto aussi bien aux 18 milliards d'euros destinés à l'assistance macrofinancière de l'Ukraine qu'à la directive relative à l'impôt minimum mondial sur les sociétés. En agissant ainsi, la Hongrie parviendra-t-elle à bénéficier des fonds européens ? Attendons pour voir...