Tayeb Laabi, chargé du projet Académie Politique initié par TIZI Propos recueillis par Mohamed Nait Youssef Un projet ambitieux. L'Académie Politique est un programme organisé, du 16 septembre au 31 octobre, par Tariq Ibnou Ziyad Initiative (TIZI) en collaboration avec la fondation allemande Heinrich Böll Stiftung (HBS). Ce programme repose sur quatre phases phares, à savoir : un séminaire politique, une visite du parlement, une simulation d'une commission parlementaire et la présentation des amendements aux groupes parlementaires. Pour Tayeb Laabi, Vice-Président chargé du Pôle Etudes de TIZI et chargé du projet Académie Politique, le rôle de TIZI ''n'est point de se substituer aux partis politiques mais d'intervenir en amont en contribuant au développement la culture politique des jeunes et à leur connaissance des institutions du pays.'' Au Maroc, a-t-il révélé, ''nous avons irrémédiablement besoin de femmes et d'hommes, ayant la culture du leadership, pour relever les immenses défis qui se présentent à nous.'' Les propos. Al Bayane : de prime abord, parlez-nous un peu du projet de l'Académie Politique. Comment a-t-il été conçu et imaginé ? Quels en sont ses objectifs ? Tayeb Laabi : l'Académie Politique est un programme que nous organisons en collaboration avec la fondation allemande Heinrich Böll Stiftung (HBS). L'objectif de ce programme, qui allie théorie et pratique, est d'initier un groupe de jeunes à la politique marocaine en vue de développer et d'améliorer leurs connaissances et leurs compréhensions des institutions du pays et notamment l'appareil législatif. Ce programme se compose de quatre étapes : 1. Un séminaire politique qui est composé de 5 ateliers de formation sur les rudiments de la politique marocaine ainsi que 3 after meetings avec des anciens députés, 2. Une visite du parlement dont l'objectif est d'expliquer aux bénéficiaires le fonctionnement de l'appareil législatif à travers une immersion dans les locaux du parlement, 3. Une simulation d'une commission parlementaire dont l'objectif était d'amender la loi 09.08 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel. 4. Et la présentation de cette proposition d'amendement, issue de la simulation parlementaire, aux groupes parlementaires ainsi qu'à l'institution concernée, à savoir la Commission Nationale de Contrôle de la Protection des Données à Caractère Personnel (CNDP). Pour rappel, nous avons reçu 950 candidatures. Cette édition connaît la participation de 20 jeunes âgés de 18 à 22 ans et paritairement répartis, à savoir 10 hommes et 10 femmes. Nous avons l'ambition de développer ce programme en élargissant l'assiette des participants en passant de 20 à 100 personnes dans les prochaines éditions afin de participer à la création d'une nouvelle génération des jeunes politiciens du Maroc. D'où vous est venu cet intérêt pour les jeunes et surtout pour la chose publique ? Tariq Ibnou Ziyad Initiative, plus communément connu par TIZI, a été créé en 2011, dans le contexte du printemps arabe avec pour objectif d'institutionnaliser l'action politique des jeunes et de faire réinvestir le politique par les jeunes, qui constituent la relève de demain. Nous nous définissons comme une force de proposition et d'action, avec pour vocation d'œuvrer pour une meilleure gouvernance au Maroc. Dans le contexte précédemment cité, nous avons rédigé le "Manifeste de la Jeunesse Marocaine", document fondateur de TIZI daté du 20 août 2011, nous avons fait le constat de l'absence des jeunes dans les formes conventionnelles de la participation politique dans notre pays. Ce constat a été confirmé dans "L'Enquête Nationale sur les Jeunes" réalisée, en juin 2012, par le Haut Commissariat au Plan (HCP). L'enquête a conclu que seulement 1% des jeunes âgés entre 18 et 45 ans, tranche retenue par le HCP, adhèrent à un parti politique. Ceci traduit une véritable crise de confiance entre les jeunes et les institutions politiques. Devant ce constat, et pour ne pas être dans l'inaction, il était de notre responsabilité d'agir envers notre patrie pour réenchanter le monde politique pour ceux qui l'ont déserté, pour participer à la création d'une nouvelle génération de leaders et dans une moindre mesure fournir espace neutre d'apprentissage politique. A titre de rappel, nous nous positionnons comme un partenaire de toutes les initiatives déjà lancées au Maroc et non comme une alternative politique. Notre rôle n'est point de se substituer aux partis politiques mais d'intervenir en amont en contribuant au développement la culture politique des jeunes et à leur connaissance des institutions du pays. Une société civile forte ne peut être que bénéfique aux acteurs politiques du pays. Vous dites dans votre présentation que l'un des objectifs de l'Académie Politique est d'œuvrer pour le développement d'un ''style de leadership propre à la démocratie participative au Maroc''. Pouvez-vous en dire plus sur votre démarche ? La définition du leadership dépend fortement de la perspective et de l'objet d'analyse. Si l'on s'en tient aux définitions linguistiques proposées par exemple par l'Oxford English Dictionary, le leadership implique la fixation d'objectifs et la motivation comme notions essentielles. Dans le monde de l'entreprise, le Leadership est la capacité, chez un individu, de susciter l'adhésion de ses collaborateurs. Dans un contexte politique, il s'agit de la manière dont les acteurs politiques, par le biais d'interactions avec le public et les institutions, fonctionnent et suscitent l'adhésion dans le but d'accomplir leurs objectifs. Dans notre conception, le Leadership est toujours lié au politique : Le Leadership Politique. A ce titre, l'action de TIZI s'articule autour de deux piliers : – Le Pôle Politique où nous travaillons à développer la culture politique des jeunes et être une force de proposition, – Le Pôle Leadership où nous travaillons sur le renforcement des capacités des jeunes en matière de leadership au service du politique. Au Maroc, nous avons irrémédiablement besoin de femmes et d'hommes, ayant la culture du leadership, pour relever les immenses défis qui se présentent à nous. Et c'est de ces besoins de leadership qu'est née l'idée de la création de notre initiative. Et étant donné que nous sommes des fervents défenseurs de la démocratie participative, et qu'au sein de l'Académie Politique nous travaillons sur une loi sujette à la démocratie participative, nous voulons développer auprès des bénéficiaires du projet un style de Leadership (politique) propre à la démocratie participative au Maroc. Où en sommes-nous des plateformes et des espaces réservés aux jeunes pour s'exprimer sur les différentes questions ? Faut-il chercher d'autres alternatives dans les actions citoyennes, entre autres...? Partant du constat que les citoyens, et notamment les jeunes, ont besoin d'espaces pour s'exprimer, et étant donné que ces espaces se raréfient, les jeunes se rabattent alors sur les réseaux sociaux qui ne permettent ni un débat organisé et constructif ni la possibilité de s'approprier les outils rationnels du débat. Nous sommes convaincus, à TIZI, de la nécessité d'avoir des plateformes de contributions citoyennes en vue de créer les conditions d'un débat rationnel et constructif. Ces dernières années ont montré que lorsqu'il y a des plateformes citoyennes, les jeunes répondent présents à l'appel. Cela était le cas lors du débat national sur le Nouveau Modèle de Développement (NMD) lancé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI que Dieu l'assiste. Les contributions des jeunes sur la plateforme de cette commission étaient nombreuses. De même pour la plateforme "Ouchariko", lancée par le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE). Dernièrement, le ministère de l'Aménagement du territoire, de l'urbanisme a lancé un Dialogue national de l'urbanisme et de l'habitat sur une plateforme dédiée pour collecter les contributions des citoyens. Ceci démontre que les acteurs politiques commencent à considérer sérieusement l'utilisation des plateformes de contributions citoyennes. Quel regard portez-vous sur l'intégration des jeunes dans l'action politique et surtout dans la prise de décisions ? Mis à part les quelques plateformes de contributions citoyennes, dont les résultantes ne sont pas forcément prises en considération, nous déplorons l'absence des jeunes dans les prises de décisions. Malgré la suppression de la liste des jeunes, ces derniers étaient nombreux à se porter candidat aux élections générales de 2021. Néanmoins, une autre frange des jeunes se tournent vers la vie associative, beaucoup plus dynamique. Ce sont ces jeunes que nous nous efforçons de leur présenter l'offre politique et la politique en général de manière structurée et réaliste pour les amener à s'intéresser à la politique marocaine. Dans une société comme la société marocaine, où les jeunes représentent l'écrasante majorité de la population et sa principale richesse, nous devons valoriser le potentiel de nos jeunes et les pousser à rester au Maroc en contribuant ainsi au développement de leurs pays. Quel bilan faites-vous des politiques publiques destinées aux jeunes ? Pensez- vous qu'il est temps de mettre les jeunes au cœur du développement ? Aujourd'hui, nous témoignons d'une grande dynamique au sein des institutions de notre pays et d'une forte mobilisation sur les questions relatives aux jeunes. Par exemple, le Forum de la Chambre des Conseillers sur la Jeunesse ou encore la Commission Parlementaire chargée de l'Evaluation des Politiques Publiques destinées aux jeunes. Cependant, il reste beaucoup à faire. Il y a la nouvelle politique nationale intégrée en matière des jeunes que nous attendons toujours. La Mauritanie et le Soudan sont venus après nous et l'ont fait. Il y a également le Conseil Consultatif de la Jeunesse et de l'Action Associative qui tarde à voir le jour. La loi N°89.15 relative au Conseil consultatif de la jeunesse et de l'action associative a été adoptée en 2017 mais dont la création se fait toujours attendre.
