L'UE a mis en garde mercredi contre toute attaque ciblant ses infrastructures énergétiques, après les fuites sur les gazoducs Nord Stream sous la mer Baltique qualifiées par les Européens de « sabotage », Moscou jugeant « stupide » de soupçonner la Russie. « Toute perturbation délibérée des infrastructures énergétiques européennes est totalement inacceptable et fera l'objet d'une réponse vigoureuse et unie », a affirmé le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell. Les informations disponibles à ce stade indiquent que les fuites provoquées par des explosions sur ces installations sous-marines reliant la Russie à l'Allemagne résultent d'un « acte délibéré », a ajouté le responsable européen dans une déclaration au nom des 27 Etats membres de l'UE. Moscou a de son côté récusé les soupçons « assez prévisibles » émis à son encontre par certaines capitales, estimant que cela était « stupide et absurde ». Les fuites touchant Nord Stream 1 et 2 sont « problématiques » pour Moscou, car le gaz russe qui s'en échappe « coûte très cher », a fait valoir le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov. Mardi, la Russie s'était dite « extrêmement préoccupée », estimant qu'il ne fallait exclure « aucune » hypothèse, dont le sabotage. L'inspection des deux gazoducs endommagés par des explosions sous-marines au large d'une île danoise dans la Baltique ne pourra se faire avant une à deux semaines en raison des remous, a indiqué le ministre danois de la Défense Morten Bødskov, en marge d'une rencontre avec le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg à Bruxelles. Les fuites qui ont suivi les explosions, identifiées depuis lundi au large de l'île danoise de Bornholm, entre le sud de la Suède et la Pologne, sont visibles à la surface avec de vastes remous. Le gazoduc Nord Stream 2 avait subi une forte chute de pression lundi, suivi quelques heures plus tard de Nord Stream 1, dont il suit le tracé sous la Baltique. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avait déjà évoqué mardi soir « un acte de sabotage » après s'être entretenue avec la Première ministre danoise Mette Frederiksen. Mme Frederiksen a elle aussi assuré mardi qu'il s'agissait « d'actes libérés » et pas d'un « accident ». Il s'agit « probablement de sabotage », avait renchéri la Première ministre suédoise démissionnaire Magdalena Andersson. Comme le Danemark, la Suède n'y voit pas un acte d'agression contre elle, les incidents ayant eu lieu en dehors des eaux territoriales, dans les zones économiques exclusives. Objets de bras de fer géopolitiques ces derniers mois, les deux pipelines exploités par un consortium dépendant du géant russe Gazprom ne sont pas opérationnels à cause des conséquences de la guerre en Ukraine. Mais tous les deux étaient encore remplis de gaz. A Kiev, le conseiller de la présidence ukrainienne, Mykhaïlo Podoliak, a dénoncé « une attaque terroriste planifiée » par Moscou, sans avancer de preuves. Le Premier ministre polonais a également suggéré une implication russe. « Nous voyons clairement que c'est un acte de sabotage, qui marque probablement la prochaine étape de l'escalade de la situation en Ukraine », a déclaré Mateusz Morawiecki, qui inaugurait justement mardi un gazoduc reliant la Norvège à la Pologne. « Nous n'excluons aucun scénario, mais nous n'allons pas spéculer sur les mobiles ni les acteurs » pouvant être impliqués, a expliqué la ministre suédoise des Affaires étrangères Ann Linde. « Il n'y a pas encore d'information nous disant quelque chose sur les responsables », a pour sa part affirmé Mme Frederiksen. Le Danemark a dépêché sur place mardi deux navires militaires accompagnés d'hélicoptères et a placé en état d'alerte orange ses infrastructures énergétiques, le deuxième niveau de vigilance le plus élevé. La Norvège, désormais principal fournisseur de gaz de l'Europe, a annoncé le renforcement de la sécurité autour de ses installations pétrolières. Nord Stream 2, achevé en 2021, était destiné à doubler la capacité d'importation de gaz russe en Allemagne. Sa mise en service a été suspendue en représailles à l'invasion de l'Ukraine. Ces fuites éloignent la perspective d'une reprise prochaine des livraisons de gaz à l'Europe via Nord Stream 1. Gazprom a progressivement réduit les volumes de gaz livrés jusqu'à la fermeture complète du gazoduc fin août, accusant les sanctions occidentales d'avoir retardé les réparations nécessaires de l'installation. Les Européens, très dépendants du gaz russe pour se chauffer cet hiver, accusent de leur côté Moscou d'utiliser les livraisons comme un moyen de pression. La navigation a été interdite dans un rayon de cinq milles nautiques (environ neuf kilomètres) autour des trois fuites, ainsi que leur survol dans un rayon d'un kilomètre. Selon les autorités danoises, les incidents sont sans conséquences pour la sécurité ou la santé des riverains. L'impact environnemental direct devrait lui aussi être limité, même si le gaz naturel non brûlé a un puissant effet de serre.