«J'ai pris la décision de mettre en œuvre un ensemble de mesures pour passer au paiement en roubles de notre gaz livré aux pays hostiles et de renoncer dans tous les règlements aux devises qui ont été compromises» a déclaré Poutine lors de la réunion gouvernementale qui s'est tenue mercredi dernier ; une «décision historique (et) un pas vers la dédollarisation» de l'économie russe qui ont été vivement salués par Viatcheslav Volodine, le président de la Douma, la chambre basse du Parlement. Cette mesure qui pourrait, également, s'appliquer, à d'autres exportations russes, succède à l'annonce par laquelle le président russe avait déjà essayé, le 7 mars, de renverser à son avantage les sanctions imposées à son pays en déclarant que les entreprises russes seraient autorisées à rembourser en roubles leurs créances à l'égard de ces pays « hostiles » que sont les Etats-Unis, le Royaume-Uni et tous les membres de l'Union Européenne. Coup de bluff pour les uns, stratégie pour mettre les européens dos au mur pour les autres, ce qui reste certain, en revanche, c'est qu'en ripostant, de cette manière, à la tentative par laquelle l'UE a voulu étrangler économiquement la Russie en lui appliquant toute une batterie de sanctions dont le gel de ses actifs en Occident à cause de son offensive en Ukraine, Vladimir Poutine n'a pas eu d'autre alternative que celle de hausser le ton pour dire à la communauté internationale qu'il n'est pas homme à se laisser faire. Refusant, désormais, tout paiement en dollars ou en euros pour les livraisons de gaz aux pays européens, le président Poutine a donné une semaine à la banque centrale et au gouvernement de Moscou pour élaborer un nouveau système en roubles «clair et transparent» qui permettrait «l'acquisition de roubles sur le marché» russe des changes. Sachant qu'il sera très difficile aux pays européens de se passer du gaz russe, Poutine semble donc leur avoir tendu un « piège » qui, en les mettant au-devant de l'obligation de trouver des banques capables de leur fournir des roubles contre des dollars pourrait les amener, à leur corps défendant, à soutenir le rouble et, par la même occasion, à annuler, ne serait-ce que partiellement, les sanctions imposées à la Russie en faisant revenir les banques russes dans le système monétaire international. Mais même s'il reste certain qu'après s'être effondré, dès le déclenchement de l'offensive russe contre l'Ukraine, la monnaie russe a repris du poil de la bête alors que le cours de l'euro et du dollar a légèrement chuté, plusieurs spécialistes ont, dès le lendemain, relativisé l'impact de cette disposition qui, à leurs yeux, ne serait pas aussi contraignante qu'on pourrait le croire dans la mesure où les règles commerciales entre la Russie et ses partenaires européens sont clairement énoncées dans des contrats. Or, il est clair que l'annonce faite par le président Poutine a eu un effet immédiat sur la monnaie russe puisque cette dernière s'est renforcée face au dollar et à l'euro après s'être « écroulée » dès l'entrée des forces russes en Ukraine ; ce qui est loin de satisfaire l'Ukraine qui s'est empressée de dénoncer la « guerre économique » menée par Moscou pour «renforcer le rouble». Aussi, en considérant qu'en agissant, ainsi, la Russie entendrait se lancer dans une importante bataille économique «que l'Occident doit gagner collectivement», le chef du cabinet du président ukrainien a immédiatement appelé à un « embargo pétrolier européen qui ferait plonger l'économie russe». Mais, pour Timothy Ash, analyste de Blue Bay Asset, Poutine essaierait surtout «d'amener les pays occidentaux qui ont sanctionné la Banque centrale de Russie à traiter avec elle». Sommes-nous face à une réelle bataille stratégique menée, par Moscou, contre le monde occidental ou devant une simple partie de poker menteur lancée par Poutine pour déstabiliser certains pays de l'UE ? Attendons pour voir...