Nabil El Bousaadi Le 15 Mars étant l'anniversaire du soulèvement des Hongrois contre les autrichiens en 1848, la Hongrie a célébré, ce mardi, sa fête nationale. Mais en intervenant à moins de trois semaines des élections législatives prévues le 3 Avril prochain et, surtout, en pleine guerre d'Ukraine, les célébrations de cet anniversaire ne pouvaient pas ne pas tenir compte de ce conflit qui, en opposant la Russie au monde occidental, a profondément divisé les hongrois. Ainsi, même s'il cultive, depuis 10 ans, une relation de proximité avec Vladimir Poutine, le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, souverainiste, a soigneusement évité, cette fois-ci, de faire usage de son habituelle rhétorique pro-russe et, en s'abstenant de blâmer Moscou pour son offensive contre l'Ukraine, il s'est même érigé en ardent défenseur de la paix lorsqu'il a appelé ses partisans à défiler au cours d'une « marche de la paix » qui en a réuni plus de 100.000 quand, dans le camp adverse, ils n'étaient que quelques milliers ; ce qui a particulièrement rassuré ses électeurs. Reprochant à l'opposition de vouloir envoyer des armes et des hommes en Ukraine pour sauver le régime de Volodymyr Zelensky, Viktor Orban a, notamment déclaré, que la Hongrie doit « rester à l'écart de ce conflit ». Aussi, dans un discours prononcé devant une foule réunie, à Budapest, en face du Parlement, Viktor Orban, qui n'a pas évoqué la moindre solidarité envers l'Ukraine ou les ukrainiens a tenu à préciser, tout de même, que « l'Europe centrale (n'étant) qu'un échiquier pour les grandes puissances », celles-ci veulent qu'elle « soit un pion » ; ce à quoi le Premier ministre hongrois s'oppose formellement en rappelant qu'il appartient aux hongrois de « représenter (leurs) propres intérêts » qui consistent à ne pas laisser la Hongrie se faire entraîner « dans la guerre des autres ». Et s'il a déclaré, par ailleurs, sous un tonnerre d'applaudissements, que la Hongrie ne va pas «envoyer d'armes et de soldats sur le champ de bataille », il faudrait signaler, néanmoins, que, depuis le déclenchement de l'offensive russe sur l'Ukraine, Budapest cultive une certaine ambigüité car, tout en soutenant les sanctions à travers lesquelles l'Union européenne cherche à étrangler Moscou, elle n'adresse aucune critique à l'endroit de Vladimir Poutine et va même, contrairement à ses alliés tchèques, slovaques et polonais du Groupe de Visegrad, jusqu'à s'opposer fermement à toute livraison d'armes à l'Ukraine. C'est à croire que, sur le plan diplomatique, Viktor Orban joue à une partie de billard à trois bandes dès lors qu'il cherche à préserver sa relation particulière avec Poutine, sans s'aliéner l'Ukraine, l'UE, ou l'Otan et sans mettre en péril la sécurité de la minorité hongroise vivant dans l'ouest de l'Ukraine même si son ministre de la Défense, Tibor Benkö, a mis à nu la « poutinophilie » du pouvoir hongrois lorsqu'il a, de manière officielle, qualifié l'offensive russe d'opération de maintien de la paix. Ainsi, à la veille des législatives, on ne peut pas dire que le gouvernement de Viktor Orban a le vent en poupe car, outre le fait qu'il craint fort que les sanctions européennes ne viennent remettre en cause les livraisons de gaz russe à un prix préférentiel ou même donner un coup d'arrêt à la construction par le russe « Rosatom » des deux nouveaux réacteurs de la centrale de Paks, les six partis de l'opposition hongroise font bloc contre lui et l'accusent même d'être complice de « l'agression russe ». Il semble donc qu'après avoir misé sur un rapprochement avec Moscou, le Premier ministre hongrois se trouve pris au piège de la nouvelle donne géopolitique. Comment parviendra-t-il à s'en sortir sans y laisser des plumes alors que les élections approchent à grands pas ? Attendons pour voir...