Alors que les membres du gouvernement sont occupés par leurs affaires, les conséquences socioéconomiques de la sécheresse et la flambée des prix font remuer le champ politique national. La commémoration du 20 février s'est renforcée par la conjoncture. Les femmes, gestionnaires des ménages ; les jeunes, dans la tourmente du présent et soucieux de leur avenir ; des hommes, en perdition de leur foyer ou pire de leur équilibre mental, s'expriment à travers les réseaux sociaux. Ils dénoncent la précarité dans laquelle ils s'enfoncent, l'inanité de l'action gouvernementale et le gouffre visible des inégalités sociales qui s'approfondit. Les médias officiels ne reflètent aucunement ce qui se passe dans la rue et se contentent des informations officielles et de leur étalage, répétant ce que tout le monde sait déjà, sans remporter la conviction. La confiance se perd encore plus, car le discours se transforme en monologue épuisant, au lieu du débat et des propositions concrètes pour comprendre et répondre convenablement à la situation vécue. Le mouvement social au royaume reste comme « une marmite de terre qui se met à bouillir ». Il se fait tort à lui-même suite à des comportements qui ne relèvent pas de la personnalité marocaine et dont les effets sont négatifs sur le cours méandriforme du processus démocratique. Un voleur restera toujours un voleur, devant la population et devant la loi ; et son discours sur la hausse des prix, la vie des riches et les difficultés des masses populaires à joindre les deux bouts n'aura aucun écho, ni au souk vandalisé ni, et encore moins, dans les organisations institutionnelles de la société. Ce qui s'est passé aux environs de Kénitra montre aussi la situation délabrée dans laquelle se trouvent ces « grandes surfaces » rurales que constituent les souks hebdomadaires. La coloration verte n'a pas touché ces structures du monde rural, fréquentées beaucoup plus par les paysans que par les nouvellement enrichis du Maroc Vert. On est encore loin d'une « classe moyenne rurale » ! Le mouvement social national est fort par le nombre et la nature de ses expressions. Manifestation revendicative importante, il reste toutefois affaibli car « éclaté, fragmenté, dispersé, discontinu, localisé, rarement de portée nationale et étalé sur le temps ». Sa disjonction avec les partis politiques et les syndicats, dont la responsabilité est partagée, rend son encadrement incertain. Sa médiatisation à travers le numérique lui donne une ampleur réelle, alors que son influence sur les politiques publiques est discutable. Il constitue encore « l'informel » du champ politique national et ses impacts sont similaires à ceux de « l'économie informelle » dans le champ des activités socioéconomiques. Il contribue, en l'état, beaucoup plus à l'aspect méandriforme du processus démocratique qu'à sa consolidation. Dans le cadre de l'action gouvernementale néolibérale, les perspectives du développement du mouvement social sont en relation autant avec les éléments conduisant à la mobilisation qu'avec « le degré de fermeture » de nos gouvernants et leurs incapacités à répondre positivement aux revendications légitimes et aux aspirations de notre peuple à la vie digne et à la justice sociale. Quoiqu'il en soit, son rôle reste essentiel dans l'évacuation des conflits et l'apaisement de la société dans sa recherche de l'application des droits de la personne humaine reconnus par la constitution, de son émancipation et de sa modernité. Dans l'attente de la politique sociale promise, la conjoncture impose la tenue du « dialogue social ». Le Chef de gouvernement se retrouve avec les patrons de la CGEM et les syndicats représentatifs pour discuter, dans une première réunion, de « la paix sociale, d'une manière qui garantisse la justice sociale et la dignité humaine ». Au fait, ce premier round (comme dans un pugilat) dans ce dialogue social « beldi » sera consacré à « s'échauffer et se tâter » sur l'ordre du jour (sans aucune décision sur l'augmentation des salaires ou leur indexation sur les prix ?) ; et, objectif essentiel pour le gouvernement, in fine diffuser les images de la rencontre et les déclarations d'usage. Cela montre que cette rencontre tripartite n'a pas été préparée convenablement pour aboutir ; et aussi que ce concept de « dialogue social », tel qu'il est, n'est pas utilisé actuellement à bon escient pour « assurer la solidarité (et) faire face aux transformations de la société marocaine ». Dans un avis du Conseil Economique Social et Environnemental (Auto saisine N° 50/2020), on retrouve l'historique de ce genre de réunion depuis sa genèse, les principaux résultats acquis, ses points forts et ses points de faiblesse. Le CESE conclut sur la nécessité de changer cette approche devenue obsolète, et avance 19 propositions pour institutionaliser un système intégré de dialogue social, dans une version « new » qui gère l'établissement de relations sociales nécessaires au développement durable et à l'émergence du pays. C'est à l'aune de la mise en œuvre de cette nouvelle approche que sera évalué le dialogue social convoqué pour ce jour. Notre beau pays où existe encore le bonheur, la joie et le plaisir de la vie est appelé à apaiser les relations sociales au sein de la population et entre celle-ci et l'Etat. Par cela, nos envieux seront nombreux ; ils passeront leur temps à être des contempteurs alors que le Royaume du Maroc avance vers la réalisation du développement humain, la consolidation de la démocratie et l'établissement de la justice sociale.