L'entreprise taïwanaise GlobalWafers, l'un des plus importants fabricants de composants pour semi-conducteurs, a renoncé mardi à un projet controversé de rachat de son concurrent allemand Siltronic, faute d'avoir reçu le feu vert des autorités allemandes dans les délais impartis. «L'offre de reprise par GlobalWafers et les accords qui ont vu le jour ne seront pas réalisés», a indiqué dans la nuit de lundi à mardi l'entreprise taïwanaise, qui va devoir verser à Siltronic une indemnité de résiliation de 50 millions d'euros. GlobalWafers avait signé en décembre 2020 un accord avec l'entreprise allemande pour acquérir toutes ses actions en circulation, moyennant une prime de 10%, pour environ 4,5 milliards de dollars. Portant sur la technologie stratégique des semi-conducteurs, cette opération nécessitait l'approbation réglementaire de Berlin, qui n'a finalement pas été accordée avant la date limite fixée au 31 janvier. «Le délai prévu par le droit boursier a expiré» avant que « toutes les vérifications nécessaires aient pu être achevées », a confirmé mardi le ministère de l'Economie et du Climat allemand, dans un communiqué. En particulier, les autorités affirment n'avoir pas eu le temps d'examiner l'autorisation de l'administration anti-trust chinoise, transmise seulement la semaine dernière. Berlin devait notamment examiner la compatibilité entre ce rachat et l'ordre public et la sécurité de la République fédérale. La production de semi-conducteurs est devenue cruciale pour les Etats, dans un contexte de pénurie mondiale révélée par le Covid-19 et causant de fortes distorsions pour l'industrie. Les pays asiatiques dominent ce marché et l'Europe cherche les moyens de regagner en autonomie. « Si l'entreprise devait faire une nouvelle tentative d'acquisition, l'examen de l'investissement serait bien entendu renouvelé », a toutefois ajouté le ministère. Le PDG du groupe, Doris Hsu, a qualifié cette décision de décevante, assurant que GlobalWafers s'efforcerait d'analyser la non-décision de Berlin. En Allemagne, des représentants politiques de tous bords s'opposaient à cette transaction, qui suscitait la controverse. «Nous ne gagnons pas en souveraineté technologique en vendant notre joyau», a déclaré Hannes Walter, vice-président de la commission économique du Bundestag. Julia Klockner, porte-parole sur les questions économiques du groupe parlementaire CDU/CSU (centre-droit), a estimé qu'il était important de garder à l'esprit nos intérêts en matière de sécurité. Les gouvernements examinent de plus en plus attentivement les projets d'acquisition dans l'industrie technologique, au moment où le monde fait face à une pénurie de semi-conducteurs dans le sillage de la pandémie de Covid-19, faisant de ce composant un enjeu majeur de sécurité nationale. L'autorité américaine de la concurrence (FTC) s'est opposée en décembre au projet de rachat par Nvidia du spécialiste britannique des microprocesseurs Arm parce que la nouvelle entité risquait «d'étouffer toute compétition dans les technologies de nouvelle génération». La Commission européenne a ouvert il y a un mois une enquête sur cette opération à 40 milliards de dollars par peur des effets négatifs sur les prix et sur la concurrence dans ce secteur.