Devant une gauche plus divisée que jamais Christiane Taubira est sortie vainqueur dimanche de la primaire populaire et a aussitôt appelé à l'union. Mais ce succès attendu risque surtout d'aboutir à une candidature de plus à gauche puisque ses concurrents refusent de reconnaître toute légitimité à cette consultation populaire. Favorite de cette primaire qu'elle était la seule à soutenir, l'ex-ministre de la Justice, lancée dans la campagne seulement depuis deux semaines, est devant un défi impossible pour rassembler un camp plus divisé que jamais. «Nous devons trouver un chemin de façon à rassembler les gauches et leurs sensibilités», a-t-elle dit, appelant dans «un esprit de concorde», les militants, dirigeants et «élus de terrain» socialistes, écologistes, insoumis et communistes, à se rassembler avec elle. Pour cela, elle compte appeler Yannick Jadot (arrivé 2e), Jean-Luc Mélenchon (3e) et Anne Hidalgo (seulement 5e), mais aussi le communiste Fabien Roussel, non-sélectionné pour la Primaire populaire. «Je sais leurs réticences, mais aussi leur intelligence et leur sens de l'intérêt général», a-t-elle souligné. «Cette union, nous la construisons ensemble», a-t-elle ajouté, devant des militants survoltés qui scandaient «union, union». Les premières réactions ont été beaucoup moins enthousiastes. «Elle a enfilé la chaussure qui a été préparée pour elle, je ne suis pas concerné, c'est leur affaire», a réagi le candidat LFI Jean-Luc Mélenchon sur France 5, ajoutant en avoir «un peu marre des appels téléphoniques où on me prend pour une bille», référence à un récent coup de fil de l'ex-candidat Arnaud Montebourg qui était également en quête d'union avant de jeter l'éponge. Interrogé par TF1 sur ce qu'il avait à dire à la gagnante, Yannick Jadot a lui répondu: «Rien». «C'est une candidature de plus, exactement l'inverse de ce que souhaitait la primaire populaire», a estimé le candidat écologiste, en costume-cravate. Quant à Anne Hidalgo, «non», elle ne se sent pas non plus engagée par ce résultat. «Ca aurait pu être un moment de rassemblement de toute la gauche, c'est une candidature de plus», a-t-elle abondé. Manuel Bompard, directeur de campagne de Jean-Luc Mélenchon, a carrément dénoncé un «spectacle pathétique». «On est à 70 jours de l'élection la plus importante de la 5e ou 6e puissance économique du monde (…) et, contrairement à ce qu'elle avait dit en décembre, Mme Taubira sera donc une candidate de plus à gauche», a-t-il grincé sur BFMTV. «Je propose que (François) Hollande se déclare maintenant», a ironisé l'écologiste Sandrine Rousseau. Bref, l'union s'annonce pour le moins compliquée, alors que les quelque 392.738 participants (sur 467.000 inscrits), qui ont voté en ligne de jeudi à dimanche, ont placé l'ex-garde des Sceaux en tête de la Primaire populaire, départagée au «jugement majoritaire». Elle a obtenu la mention «bien plus», devançant Yannick Jadot (assez bien plus), Jean-Luc Mélenchon (assez bien moins), l'eurodéputé Pierre Larrouturou (passable plus) et Anne Hidalgo (passable plus). Pour bénéficier du soutien de la Primaire populaire, le vainqueur devait signer un «contrat de rassemblement» et «inclure l'esprit du socle commun programmatique dans son programme». Ce que Christiane Taubira a fait dès dimanche soir. «Je respecte les dispositions du contrat», a-t-elle déclaré devant les organisateurs de la primaire. Selon ses proches, Mme Taubira doit donner à ses concurrents un ultimatum à la mi-février pour se rassembler avec elle. Même si elle est pour l'instant donnée autour de 5% des intentions de vote, son entourage espère que les prochains sondages, «entre le 5 et le 10 février», montreront qu'«elle bénéficie d'un fort capital d'adhésion et d'enthousiasme dans le pays». «Si le résultat est franc et massif, ça va ébranler des certitudes», analyse son entourage, persuadé que les défections vont s'accumuler dans les prochains jours dans le camp Hidalgo, en difficulté autour de 3% des intentions de vote, et le camp Jadot, lui aussi coincé entre 5 et 7%. A l'heure actuelle, la gauche se situe à un score historiquement bas dans les sondages, avec seulement un quart des intentions de vote, loin derrière le président et quasi candidat Emmanuel Macron, favori avec environ 25%, suivi au coude-à-coudes de Marine Le Pen (RN) et Valérie Pécresse (LR).