Nabil El Bousaadi Dans un discours prononcé, ce samedi, depuis l'immense Palais du Peuple, dans le cadre des commémorations du 110ème anniversaire de la Révolution de 1911 qui renversa la dernière dynastie chinoise, le président Xi Jinping a ravivé le débat sur le concept très controversé de « Chine unique » qui prône l'inéluctable « réunification » de la Chine et de Taïwan et ce, en déclarant ouvertement que «la réunification [de la Chine] peut être réalisée et le sera». Mais en intervenant dans un contexte particulièrement tendu du fait de la multiplication, ces dernières semaines, des incursions d'avions de chasse et de bombardiers chinois dans la Zone d'identification de défense aérienne (ADIZ) de Taïwan, une telle déclaration ne peut que contribuer à l'exacerbation des tensions entre les deux pays. Ce concept de « Chine unique », qui n'est pas nouveau, avait été formulé, pour la première fois, en 1979, par Deng Xiaoping, l'ancien secrétaire du Parti Communiste chinois, lorsqu'il avait lancé sa « politique de réunification pacifique » articulée autour du concept « un Etat, deux systèmes ». Pour rappel, cette « division » est apparue au moment de la guerre civile qui avait opposé les nationalises du Kuomintang aux communistes et principalement quand, après la victoire, en 1949, des communistes conduits par Mao Tsé Toung, les nationalistes, regroupés sous les ordres de Tchang Kaï-chek, s'étaient repliés sur l'île de Taïwan où ils « fondèrent » la « République de Chine » avec Taïpeh comme capitale. Mais, Pékin n'a jamais cessé, depuis lors, de considérer l'île de Taïwan comme étant une province rebelle faisant partie intégrante de la Chine continentale à laquelle elle devra, tôt ou tard, être rattachée « administrativement » et en excluant, de facto, toute intervention étrangère dans la résolution d'un conflit qui oppose « les deux parties d'un même pays ». C'est pour cette raison, d'ailleurs, que les Etats-Unis n'ont jamais entretenu de relations officielles avec Taïpeh. En outre, dès son accession au pouvoir en 2012, Xi Jinping a remis au goût du jour le concept de « Chine unique » en le reprenant à son compte dès lors qu'il représenterait, à ses yeux, une pierre angulaire de la diplomatie chinoise car après Hong Kong en 1997 puis l'ancienne colonie portugaise de Macao en 1999, le président chinois rêve d'adjoindre, à la République populaire de Chine, l'île de Taïwan, séparée du continent par le détroit de Formose. Mais, en considérant qu'après les incursions aériennes effectuées la semaine dernière par l'aviation chinoise et le discours de ce samedi la situation devient particulièrement préoccupante voire même assez grave, dans une tribune publiée mardi par la revue « Foreign Affairs, la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen a lancé un appel à la communauté internationale dans lequel elle a tenu à préciser que « si Taïwan venait à tomber, les conséquences seraient catastrophiques pour la paix dans la région et pour le système d'alliance démocratique ». Par cet appel, la présidente taïwanaise qui a assuré que « Taïwan fera tout pour se défendre » a, également, tenté de faire prendre conscience à ses concitoyens de la réalité du danger qui les guette alors qu'ils avaient, généralement, tendance à le sous-estimer et le ministre de la défense a promis, de son côté, de « renforcer rapidement » les capacités de l'île en allouant un budget additionnel spécial de 8,6 milliards de dollars sur les cinq prochaines années pour l'achat de bateaux de guerre et de missiles anti-navires du moment que le rapport de force est de plus en plus inégal entre les deux voisins. Mais, de l'avis de nombreux observateurs, nonobstant les récentes démonstrations de force de la part de la Chine populaire, le risque d'attaque n'est pas imminent et Pékin n'aurait pour seule finalité que d'adresser à l'administration de Joe Biden « un message politique de sa détermination à se battre pour ses prétentions sur Taïwan » et ce, d'autant plus que le président chinois, qui devrait être reconduit pour un troisième mandat lors du XXème Congrès du Parti Communiste, avait fait de la réunification de Taïwan à la Chine l'objectif prioritaire de sa politique étrangère. La Maison Blanche qui a réaffirmé son « engagement indéfectible » aux côtés de l'ex-Formose, le laissera-t-elle faire usage de force alors qu'une invasion réussie de la Chine constituerait un tournant qui changerait totalement la face de la planète ou l'encouragera-t-elle à emprunter les voies pacifiques de la diplomatie pour qu'un jour l'île de Taïwan soit, également, soumise au principe « un pays, deux systèmes » actuellement en vigueur à Hong Kong et à Macao ? Les voies de la politique étant, très souvent, aussi impénétrables que celles du Seigneur, attendons pour voir...