Un dispositif « essentiel pour l'avenir de la création française » mais pas un « big bang »: l'Assemblée nationale a donné mercredi son feu vert en première lecture à un texte renforçant la lutte contre le piratage audiovisuel et fusionnant le CSA et la Hadopi. Le projet de loi sur « la régulation et la protection de l'accès aux oeuvres culturelles et numériques », a recueilli 59 voix contre quatre. Déjà passé en revue par le Sénat, dont plusieurs amendements ont été retoqués par les députés, il doit maintenant revenir devant la chambre haute. La ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, a jugé ce texte « vital pour les secteurs de l'audiovisuel et du cinéma », dans un contexte bouleversé par les évolutions du numérique. « Face parfois à des menaces et de nouvelles opportunités, nous devons adapter notre régulation », a renchéri la corapporteure Aurore Bergé (LREM). Le projet de loi reprend plusieurs points d'une réforme plus large, mise sous le boisseau en raison de la crise sanitaire du Covid-19. A défaut, le nouveau texte « sera bien la loi audiovisuelle du quinquennat », a promis Mme Bachelot, même si elle reconnaît que « le temps d'un big bang législatif n'est pas encore venu ». La lutte contre le piratage, en hausse exponentielle grâce à la lecture en « streaming », en particulier pour le sport, figure au coeur du texte. En 2020, 12 millions d'internautes ont « consommé illégalement des contenus culturels et sportifs » sur Internet, un « fléau » à l'origine d'un manque à gagner estimé annuellement à un milliard d'euros, selon des chiffres cités par la corapporteure Sophie Mette (MoDem). Les députés ont retoqué un ajout des sénateurs instaurant un dispositif de « transaction pénale » pour les internautes contrevenants avec, à la clé, une amende de 350 euros, préférant concentrer les nouvelles mesures la lutte contre les sites illicites et d'autres dispositifs. Le projet de loi prévoit la création d'un super régulateur, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), fruit de la fusion entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), l'agence publique de lutte contre le piratage. Cette nouvelle entité sera « compétente sur l'ensemble du champ de la régulation des contenus audiovisuels et numériques, qu'il s'agisse de lutter contre le piratage, de protéger les mineurs ou de défendre les publics contre la désinformation et la haine en ligne », selon Mme Bachelot. Son pouvoir de contrôle et d'enquête sera étendu, et l'autorité sera chargée d'élaborer une liste noire « des sites portant atteinte de manière grave et répétée au droit d'auteur et aux droits voisins ». L'Arcom pourra également demander, y compris aux moteurs de recherche, le blocage ou le déréférencement de sites miroirs qui reprennent les contenus d'un site jugé illicite. Le texte prévoit également un dispositif de référé pour les détenteurs de droits de diffusion d'événements sportifs: ils pourront obtenir le blocage ou le déréférencement de sites leur portant une « atteinte grave et répétée ». Enfin, il impose une déclaration préalable auprès du ministère de la Culture six mois avant la cession d'un catalogue d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles. Mme Mette a cité l'acquisition récente de la Metro Goldwyn Mayer et de son énorme catalogue de films et séries par Amazon pour instaurer un contrôle permettant d'éviter toute « perte d'accès du public français aux oeuvres phares de son patrimoine » lors d'opérations de ce genre. Les députés ont par ailleurs assoupli les règles anti-concentration pour les télévisions locales, en fixant à 17 millions -contre 12 actuellement- le plafond du nombre d'habitants desservis par l'ensemble des chaînes locales détenues par une même personne. Même si le texte a fait l'objet d'un accueil plutôt consensuel, le socialiste Alain David a relevé que ce projet resserré était « bien éloigné » de la refondation de l'audiovisuel public promise par le candidat Macron. Bertrand Pancher (Libertés et Territoires) a déclaré voter ce texte, bien qu'il ne soit « pas la grande loi sur l'audiovisuel que nous appelons de nos voeux ». Paula Forteza (non inscrite, ex-LREM), a déploré que ce texte « accouche d'une souris » face aux « mastodontes du numérique ».