Nabil EL BOUSAADI C'est à croire que Daniel Ortega, qui est à la tête du Nicaragua depuis 2007, fait tout ce qu'il faut pour faire parler de lui bien au-delà des frontières de son pays car avant même de déclarer s'il allait se porter candidat ou non pour un quatrième mandat, ce dernier s'est attelé à faire le vide autour de lui en écartant tous ceux qui oseraient formuler le souhait d'occuper le fauteuil présidentiel à l'issue des prochaines élections. C'est à ce titre, d'ailleurs, que le tribunal électoral nicaraguayen constitué de magistrats proches du Front Sandiniste de Libération Nationale (FSLN, gauche), le parti au pouvoir, a déjà écarté de la compétition électorale le Parti de la Restauration Démocratique (PRD, Evangélique) et le Parti Conservateur (PC, droite) alors même que ce dernier est l'un des plus anciens partis du Nicaragua. Si, après l'éviction des deux partis précités, la première personne à faire les frais de cette purge dès le moment où elle a, officiellement, fait part de son intention de participer au scrutin présidentiel du 7 novembre prochain, a été la journaliste Cristina Chamorro qui a « écopé » d'un mandat d'arrêt suivi d'une « assignation à résidence », le second a été Arturo Cruz, 67 ans, qui s'était déclaré, il y a deux mois déjà, candidat à la prochaine présidentielle, au nom de l'Alliance Citoyenne pour la Liberté (CXL, droite). Mal lui en prit car ce dernier a été arrêté, ce samedi 5 juin, à l'aéroport de Managua, dès sa descente d'un vol en provenance des Etats-Unis alors même que la veille, il avait signalé, sur son compte « Twitter » qu'il était en train d'étudier la possibilité de retirer sa candidature du fait d' «intimidations » orchestrées par le pouvoir. Le motif de son arrestation tel qu'invoqué par le ministère public est que l'intéressé ferait « l'objet d'une enquête de la police nationale car il y aurait de forts indices laissant croire qu'il aurait attaqué la société nicaraguayenne et les droits des peuples ». Après cette arrestation, la police nationale qui a indiqué qu'elle menait « toutes les procédures d'enquête pertinentes a tenu à préciser qu'elle remettra l'intéressé « aux autorités compétentes » pour la détermination « des responsabilités pénales » du moment que ce dernier a été arrêté en application de la loi pour la défense des droits des peuples et de la souveraineté votée en décembre dernier et punissant « les actes qui portent atteinte à l'indépendance (et) à la souveraineté » du pays. Mais, de l'avis du Centre nicaraguayen des droits de l'Homme (Cenidh), l'arrestation d'Arturo Cruz, qui fut ambassadeur du Nicaragua entre 2007 et 2009, sous un gouvernement sandiniste avant d'en démissionner et de reprendre ses activités universitaires à l'Institut Centraméricain d'Administration des Affaires (INCAE), répondrait plutôt à une « stratégie perverse » du gouvernement de Daniel Ortega et constituerait une « persécution politique » destinée à intimider tous « les ennemis » du régime. Mais le principal reproche qui a été fait, cette fois-ci, à Arturo Cruz est qu'il s'était rendu aux Etats-Unis à une date indéterminée et sans même informer les « autorités » du motif de son déplacement. Cette double-arrestation dont ont fait l'objet, en l'espace d'une semaine, la journaliste Cristina Chamorro et l'ancien diplomate Arturo Cruz a poussé Julie Chang, la responsable du Bureau des affaires de l'hémisphère occidental au département d'Etat américain, à déclarer, sur son compte « Twitter », que « sous Ortega, le Nicaragua est devenu un paria international qui s'éloigne de plus en plus de la démocratie » avant d'ajouter que « les Etats-Unis demandent la libération immédiate » d'Arturo Cruz. Le tombeur de la dynastie des Somoza va-t-il se plier aux injonctions des Etats-Unis alors même que, sous Ronald Reagan, Washington avait mis le Nicaragua sous embargo et soutenu, par l'entremise de la CIA, les « Contras » – mouvement d'opposition armé – contre le Front Sandiniste de Libération Nationale ? Pas sûr du tout mais en partant du fait que les voies de la politique sont, très souvent, plus impénétrables que celles du Seigneur, attendons pour voir...