Un webinaire à l'initiative du journal français «Opinion internationale» La souveraineté numérique est un enjeu géostratégique et de société et un défi majeur qui ne se pose pas uniquement à la France ou à l'Europe mais concerne également d'autres pays, ont souligné, mardi soir, les participants à une conférence en ligne sur la souveraineté numérique à l'ère de la 4ème révolution industrielle. D'actualité depuis plusieurs années, la question de la souveraineté numérique est devenue un sujet qui mobilise depuis la crise du Covid-19, lorsque le numérique a montré son extrême importance permettant aux gens de communiquer, de disposer de services publics plus optimisés… et aux activités économiques de se poursuivre pour limiter l'impact de la crise. S'en est suivi alors une prise de conscience citoyenne et politique qui interroge l'opportunité de confier l'intégralité des données considérées comme stratégiques à des opérateurs étrangers notamment américains ou chinois, ont relevé les participants à cette conférence en ligne organisée sous le thème «Numérique : notre souveraineté, c'est maintenant !». Organisé à l'initiative du journal français Opinion internationale, ce webinaire inaugure une série de rencontres en ligne organisées par le média français dans le cadre d'un débat d'idées sur les enjeux de la souveraineté de la France dans nombre de domaines à l'approche d'échéances décisives que connaîtra le pays en 2022, notamment les élections présidentielles. Quelles sont les premières leçons de la crise du Covid ? La France, l'Europe ont-elles encore les moyens de leur souveraineté numérique ? Faut-il démanteler les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Microsoft) et les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi)? La question de la souveraineté numérique se pose-t-elle hors Europe ?, autant de questions qui ont alimenté les débats lors de ce séminaire auquel ont pris part des députés français et des représentants d'entreprises et PME actives dans le domaine du numérique. Le webinaire a été marqué notamment par la participation, en tant qu'invité international, d'Omar Seghrouchni, président de la Commission Nationale de contrôle de la protection des Données à caractère Personnel et de la Commission du Droit d' Accès à l'information du Maroc, venu exposer son point de vue sur la question de la souveraineté numérique. La souveraineté numérique ne peut être considérée comme une problématique « localisée». Ses enjeux se posent à l'ensemble des pays comme ils se posent au Maroc et en Afrique, a indiqué M. Seghrouchni, qui a souligné la nécessité de regarder le sujet sous le prisme d'un projet de société, alors que l'opinion publique se fabrique, à l'heure actuelle, sur les plateformes numériques. Dans son intervention, le président de la Commission Nationale de contrôle de la protection des Données à caractère Personnel et de la Commission du Droit d'Accès à l'information du Royaume du Maroc a défendu une idée africaine et universelle de la gestion des données : « pour vivre digital, il faut bâtir une confiance numérique et respirer protection des données à caractère personnel». Mais «imaginer une logique souveraine ne veut pas dire isolationnisme», a-t-il estimé, soulignant la nécessité pour les pays de s'entourer de règles dans le domaine du numérique et de développer leur propre arsenal juridique. Pour Philippe Latombe, député français rapporteur de la mission parlementaire «Bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne», qui doit livrer prochainement ses conclusions, la crise du Covid a certes facilité la conversion des Français au tout numérique, les préparant au monde d'après, mais elle n'a pas gommé pour autant les fractures numériques territoriales, soulignant la nécessité pour la France de définir une stratégie réfléchie en matière de numérique y compris en matière de sécurité numérique. Selon le député français, la question de la souveraineté qu'elle soit économique, numérique ou autres a été dévoilée au grand jour par le contexte de crise sanitaire actuel. Elle sera l'un des enjeux des prochaines échéances que connaitra la France en 2022, a-t-il affirmé. Tout en soulignant que « souveraineté n'est pas repli «, il a estimé que cette question domine et dominera les débats politiques dans l'hexagone. Pour Eric Cohen, fondateur et PDG du Groupe Keyrus, une société de conseil technologique spécialisée dans les domaines du Cloud Computing, des mégadonnées et de l'informatique décisionnelle, la souveraineté numérique est un sujet «stratégique» qui nécessite une vision et une stratégie claire au sein de l'Etat. «Dans le domaine du numérique, les mastodontes américains et chinois sont difficiles à dépasser. Il faut composer avec. Mais la réglementation peut aider à préserver les droits», a-t-il estimé, affirmant que la souveraineté numérique passera par la création de licornes nationales. «Plutôt que de courir après les Américains et les Chinois, ne vaudrait-il pas mieux miser sur la conquête de nouveaux marchés d'avenir comme dans l'intelligence artificielle, la cybersécurité, les villes intelligentes ou la santé connectée, où des Licornes européennes voient le jour ?», s'est-il demandé.