Chez Gian Piero Gasperini, le jeu passe avant les joueurs: l'entraîneur de l'Atalanta a préféré évincer sa star « Papu » Gomez plutôt que de renoncer aux idées qui l'ont emmené jusqu'au Real Madrid, attendu à Bergame en huitièmes de Ligue des champions. Real ou pas, « on ne va pas se dénaturer », a promis le doyen des techniciens encore en lice en C1 (63 ans), qui a commencé son métier d'entraîneur (avec les jeunes de la Juventus) l'année où Zinedine Zidane endossait pour la première fois le maillot de l'équipe de France, en 1994. Après l'Ajax et ses quatre C1 puis Liverpool et ses six titres en phase de poules, c'est au tour du grand Real de Zidane, avec ses stars et ses treize Ligue des champions au palmarès, de débarquer à Bergame. Ces adversaires de plus en plus prestigieux épousent la croissance d'une équipe italienne de « province » devenue l'une des meilleures d'Italie (trois fois dans le Top 4 de Serie A ces quatre dernières saisons). L'Europe a aussi appris à connaître et apprécier la « Dea » qui, pour sa première participation à la C1, s'est hissée l'an dernier en quarts de finale contre le Paris SG (1-2) après avoir balayé Valence (4-1, 4-3) en huitièmes. Ce n'est donc pas vraiment une surprise de retrouver les outsiders lombards dans le Top 16, grâce notamment à deux belles victoires à l'extérieur en phases de poules à Liverpool (2-0) puis à Amsterdam (1-0). L'Atalanta aborde ce huitième sans espoirs démesurés contre les favoris madrilènes mais sans partir battue non plus contre un Real qui a montré des faiblesses en phase de poules, avec ses deux revers contre le Shakhtar Donetsk (2-3, 0-2). « Ça va se jouer sur deux matches, on aimerait arriver à Madrid au retour avec une chance à jouer », plaide Gasperini qui, sur le banc depuis 2016, est celui qui a fait grandir l'équipe bergamasque. Sans stars, mais avec des joueurs entièrement tournés vers le jeu de passes rapides, les courses et surtout le but adverse. L'entraîneur à la crinière blanche et au caractère bien trempé, régulièrement rappelé à l'ordre par les arbitres de Serie A pour contestation (dimanche, il a même été exclu contre Naples), est ainsi devenu au fil des saison l'homme fort de l'Atalanta. Alejandro « Papu » Gomez, lui-même emblème du club, l'a appris à ses dépens en décembre. Pour s'être opposé aux choix tactiques de son entraîneur, l'Argentin a été écarté puis prié de se trouver un autre club, ce qu'il a fait en janvier en rejoignant Séville. « Gomez a été pour nous le joueur le plus important des cinq dernières années, mais je dois penser à ce qui est le mieux pour l'équipe », avait décrété Gasperini, qui a depuis confié les clés du jeu au jeune Italien Matteo Pessina, 23 ans. « Je dois me sentir libre de faire mes choix, avec les joueurs, en fonction des matches. C'est un principe qui ne peut être ignoré », avait aussi rappelé le « Gasp » pendant cette période troublée, où sa démission avait même été évoquée par la presse. Sorti conforter de cette première crise publique dans la tranquille Atalanta, il doit maintenant montrer que ses choix ont été les bons. Beaucoup de supporteurs bergamasques rêvent d'abord d'un titre, pour couronner cette période faste. Ce sera la grande affaire du mois de mai avec la finale de Coupe d'Italie contre la Juventus. Quant à la Ligue des champions? « On ne peut pas la gagner, mais passer un tour contre le Real, ce serait vraiment incroyable », a reconnu, gourmand, Gasperini. Lequel, en septembre, avait terminé cinquième du classement des meilleurs entraîneurs de l'année de l'UEFA, en devançant un certain Zinedine Zidane (8e).