Les agriculteurs de la région de Béni Mellal-Khénifra ont le moral au beau fixe. Les inquiétudes qui commençaient à les envahir après deux années de vaches maigres ont cédé la place, avec l'arrivée de la pluie, à l'optimisme et à l'espoir. Ils sont aujourd'hui pour le moins ravis de renouer avec les précipitations de janvier, tournant ainsi la page de deux années successives de sécheresse durant lesquelles la pluie avait cruellement fait défaut. Pour ces agriculteurs du Centre du Maroc où la culture de la terre reste la principale activité économique et source de revenus pour les populations rurales, les dernières pluies qui se sont abattues sur les 959.000 hectares de terres arables que compte la région sont porteuses de bonheur, de vie et de prospérité. Ces précipitations, qui interviennent à un moment propice, constituent une belle invitation au bon et dur labeur pour nombre d'agriculteurs qui fondent beaucoup d'espoir sur cette saison agricole, après les récoltes moroses de ces deux dernières années de disettes d'eau. "Les pluies bienfaitrices qui se déversent depuis plusieurs jours sur la région redonnent de l'espérance aux agriculteurs et aux éleveurs", a indiqué Hassan, un jeune paysan qui possède une petite exploitation agricole non loin de la commune rurale de Sidi Jaber, à une vingtaine de kilomètres de Béni Mellal. "Nous sommes à présent confiants pour cette campagne agricole qui s'annonce sous de bons auspices à la faveur d'un ciel généreux", a-t-il déclaré à la MAP, notant que l'activité agricole dans la région de Béni Mellal-Khénifra dépend fortement de la pluviométrie alors que l'on dispose d'une quinzaine de barrages d'une capacité totale de plus de 4,9 milliards de mètres cubes ainsi que d'importants gisements hydriques. En effet, en dépit de l'importance des ressources hydriques, superficielles et souterraines, que recèle la région de Béni Mellal-Khénifra, la zone irriguée stagne depuis quelques années et peine à franchir le seuil des 220.000 hectares en raison de la surexploitation des ressources hydrologiques, les changements climatiques et la sécheresse. De plus, le niveau actuel des retenues des neuf principaux barrages que compte la région ne permettrait nullement l'expansion des surfaces irriguées. Au 10 janvier 2021, elles affichent 803,3 millions de mètres cubes à peine, soit un taux de remplissage de 16,24%, d'après la situation journalière des principaux barrages établie par la Direction générale de l'eau. Autre frein à l'irrigation, la pollution des cours d'eau et de la nappe phréatique qui impacte fortement la qualité des ressources en eau. En fait, les rejets domestiques et industriels affectent directement les ressources hydriques de la région. Et l'agriculture elle-même contribue à la détérioration de la qualité de l'eau des nappes en raison de l'utilisation parfois irrationnelle des engrais et des pesticides. Le problème de l'évacuation anarchique des margines, hautement pollueuses, se pose également avec acuité dans cette région avec l'essor que connaît l'oléiculture et l'activité des huileries qui carburent, en ces temps, à plein régime. Même son de cloche pour Aziz, un cultivateur de la localité de Oulad Gnaou (14 km de Béni Mellal) qui assure que les agriculteurs attendaient avec impatience l'arrivée des premières pluies de janvier. "Ils avaient tous en ce début d'année, les yeux rivés sur le ciel à l'affût des nuages qui viendraient abreuver les semences d'automne. Certains se faisaient même un sang d'encre par rapport au retard des précipitations car les pluies de janvier sont déterminantes pour la culture des céréales", a-t-il dit. Celle-ci représente, d'ailleurs, environ 70% de la production totale de cette région à vocation essentiellement agricole et dont le rendement dépend largement de la clémence du ciel. Eu égard à l'importance de cette filière, 150.000 quintaux de semences sélectionnées ont été réservés à la région de Béni Mellal-Khénifra et une quarantaine de points de vente de semences et d'engrais y ont été ouverts au début de la saison agricole. Sous l'effet de cette pluviométrie favorable, les agriculteurs de la région commencent à voir grand. Ils misent beaucoup sur cette campagne agricole et tablent sur de meilleurs rendements. Ainsi, l'on s'attend à ce que la production d'agrumes augmente de 30% pour atteindre les 500.000 tonnes et celle des olives de 25% à 250.000 tonnes. Au niveau de la province de Khénifra, 40% de la superficie céréalière totale a été cultivée à la date du 2 décembre dernier, soit 124.000 hectares. Les surfaces réservées à la production d'orge avoisinent les 25.000 hectares, celles dédiées au blé dur gravitent autour de 35.000 hectares, contre 63.500 hectares pour le blé tendre et 1.500 hectares pour les légumineuses. L'activité agricole dans la région de Béni Mellal-Khénifra génère un chiffre d'affaires de 12 milliards de dirhams, une valeur ajoutée agricole de 9 milliards de dirhams et quelque 32 millions de journées de travail à la population locale. Cette région, qui compte quelque 255.920 agriculteurs, nourrit de grandes ambitions pour l'agriculture. Elle souhaite en 2021 développer une agriculture performante et créatrice de valeur pour renforcer son rôle de levier économique moteur. Dans le détail, elle envisage de porter la valeur de la production agricole à 15 milliards de dirhams, la valeur ajoutée agricole à 16 milliards de dirhams et la surface irriguée à 462.000 hectares. Pour ce faire, la région entend renforcer l'accompagnement des projets d'agriculture solidaire, soutenir davantage les projets d'agrégation et de valorisation de la production agricole, développer encore plus la production des filiales d'élevage et enfin promouvoir l'encadrement et la formation des organisations professionnelles.