Les dirigeants des pays alliés des Etats-Unis se sont pressés mardi de promettre leur coopération au futur président Joe Biden, critiqués par le secrétaire d'Etat Mike Pompeo qui a évoqué, envers et contre tout, la perspective d'un «second» mandat pour Donald Trump. Interrogé à Washington sur les mesures prises par le département d'Etat, un ministère-clé en matière de sécurité nationale, pour favoriser la transition avec les équipes du président élu, le chef de la diplomatie américaine a refusé de reconnaître la défaite du sortant républicain. «Il y aura une transition en douceur vers une seconde administration Trump», a lâché d'un ton neutre le plus fidèle des ministres trumpistes, avant d'esquisser un sourire. Un peu plus tard sur la chaîne Fox News, il n'a pas invoqué l'ironie ou le second degré, mais a semblé atténuer un peu la portée de son propos. «Nous verrons ce que les gens ont décidé» quand toutes les voix auront été comptées, a-t-il expliqué. «Dans un autre contexte, dans un autre monde, à un autre moment», ces propos «auraient pu être drôles», a réagi l'ex-diplomate Richard Haass. «Mais pas dans ce contexte, dans ce monde, en ce moment. Les enjeux sont trop gros pour notre démocratie et notre rang». Le milliardaire républicain affirme avoir gagné l'élection présidentielle et a promis de batailler en justice pour obtenir un renversement des résultats, sans apporter la moindre preuve des «fraudes» qu'il dénonce. Le grand écart diplomatique de la première puissance mondiale devrait être encore plus manifeste lorsque Mike Pompeo s'envolera, vendredi, pour la France, puis la Turquie, Israël ou encore l'Arabie saoudite, autant de proches alliés des Etats-Unis dont les dirigeants ont félicité Joe Biden. Ce qui devrait être la tournée d'adieu d'un secrétaire d'Etat «canard boiteux», comme on désigne un responsable dont on sait déjà qu'il sera bientôt balayé par l'alternance, risque de se transformer en voyage lunaire aux côtés d'homologues qui ont déjà tourné la page des tumultueuses années Trump. D'autant que sur Fox News, Mike Pompeo a semblé critiquer les appels des dirigeants étrangers à Joe Biden. «Si c'est juste pour dire bonjour, j'imagine que c'est pas trop problématique. Mais que l'on ne s'y trompe pas, il n'y a qu'un président à la fois», a-t-il mis en garde. «Nous rappelons à chacun» de ces chefs d'Etat et de gouvernement «que toutes les voix n'ont pas été comptées». Wilmington, Delaware. Autre ville, autre conférence de presse. Et une autre diplomatie américaine en gestation. Joe Biden, qui se prépare à prendre ses fonctions le 20 janvier en faisant mine de ne pas se soucier des résistances de Donald Trump, a annoncé s'être entretenu avec plusieurs futurs homologues. «Je leur ai dit que l'Amérique était de retour», «ce n'est plus l'Amérique seule», a-t-il lancé, brocardant l'unilatéralisme de son rival, chantre de «l'Amérique d'abord». Leur réponse a été «enthousiaste», «j'ai confiance, nous allons réussir à restaurer le respect dont l'Amérique jouissait auparavant», a-t-il ajouté. A 77 ans, l'ancien vice-président de Barack Obama promet de restaurer le leadership américain et de réaffirmer l'attachement des Etats-Unis au multilatéralisme et à leurs alliés, pris d'assaut pendant quatre ans. Côté européen, la rupture est particulièrement attendue sur l'accord de Paris sur le climat, dont le président républicain est sorti et auquel Joe Biden veut ré-adhérer au premier jour de son mandat, mais aussi sur la lutte contre la pandémie. Les premiers échanges téléphoniques, depuis lundi, ont abondé en ce sens. A Emmanuel Macron, Joe Biden a promis de «redynamiser» les relations avec l'Otan et l'Union européenne, malmenées par Donald Trump. Le président français l'a «assuré de sa volonté de travailler ensemble» sur le climat, la santé et la lutte antiterroriste. Le Premier ministre britannique Boris Johnson, pourtant plus proche du républicain, s'est dit «impatient» de travailler avec le démocrate sur ces mêmes sujets, tandis que la chancelière allemande Angela Merkel, particulièrement bousculée par le président sortant, a émis «le voeu d'une collaboration étroite et basée sur la confiance». Même les dirigeants qui s'étaient montrés plus prudents commencent à se joindre au choeur international. Le Turc Recep Tayyip Erdogan a ainsi adressé mardi au président élu un message pour l'appeler à un «renforcement» des relations bilatérales — tout en remerciant Donald Trump de sa «chaleureuse amitié».