Entretien avec Kacem Hariri, directeur général de l'agence de voyage Atlantis Propos recueillis par Karim Ben Amar Depuis la fermeture des frontières pour cause de pandémie mondiale liée au nouveau coronavirus Covid-19, les touristes ne peuvent plus visiter le Maroc. A cet effet, ce secteur qui revêt une grande importance pour notre pays, traverse une crise sans précédent. Pour en savoir plus sur le sujet et la crise que traverse les acteurs de ce secteur, l'équipe d'Al Bayane a contacté le directeur général de l'agence de voyage Atlantis, Kacem Hariri. Impact de la Covid-19 sur le secteur, aides éventuelles de l'Etat, reprise de l'activité, avenir du secteur et alternative en attendant l'ouverture des frontières, il se livre sans détour. Entretien. Al Bayane : Qu'elle est l'impact de la Covid-19 sur le secteur du tourisme, et quelles sont les raisons de cette chute vertigineuse puisque le Maroc perd 2 millions de touristes? Kacem Hariri : Le secteur du tourisme traverse une crise sans précédent. Il est cependant judicieux de rappeler que les agences de voyages sont en grande difficulté avant même le mois de mars, surtout pour les agences spécialisées dans le marché asiatique. Les annulations ont commencé à accourir dès la fin de décembre pour les pays tels que la Chine, Taïwan, la Malaisie et l'Indonésie. Le chiffre d'affaires de l'agence de voyages Atlantis est passé de 7 millions de Dhs à zéro dirham et cela depuis 6 mois, puisque nous n'avons pas reçu de touristes depuis fin janvier. Les agences de voyages, impactées de plein fouet par la crise sanitaire, ont-elles reçu des aides éventuelles de l'Etat? Malheureusement, les agences de voyages n'ont bénéficié d'aucun soutien où de subvention de la part de l'Etat où du ministère de la tutelle mise à part le versement de 2000 Dhs à certains salariés jusqu'au mois de décembre. De plus, l'allocation est réceptionnée en retard puisque les bénéficiaires reçoivent l'aide que trois mois après le mois en cours. À titre d'exemple, les aides comptant pour les mois de juin, juillet et août ne sont perçues qu'en septembre. Les bénéficiaires de ces aides sont donc en grande précarité. Les agences de voyages n'ont bénéficié d'aucun allégement du côté des impôts et des taxes puisque nous n'avons pas été exonérés du troisième trimestre. En d'autres termes, nous n'avons bénéficié ni d'allégement ni de subvention. Pouvons-nous espérer une reprise rapide de l'activité et un retour à la norme? L'année à venir sera celle de la disette au même titre que celle de l'année en cours, du moins pour l'agence Atlantis vu que nous travaillons essentiellement avec le marché asiatique. Il se trouve que le marché en question pâtit d'une baisse vertigineuse. Les réservations ponctuelles venant de ce continent sont en chute libre si l'on compare à l'an passé. L'activité ne devra pas reprendre avant le mois d'avril ou mai 2021, et cela au meilleur des cas. Mais il faut bien se le dire, il est fort probable que l'année 2021 ressemble fortement à l'année en cours. Nous ne sommes pas prêts de voir le bout du tunnel. Nous recevons des annulations quasiment tous les jours. La dernière nous vient du Japon, tout cela pour vous dire que la visibilité n'est toujours pas au rendez-vous. Cette crise a démontré les limites de plusieurs domaines d'activités. Quels sont les nouveaux créneaux liés au tourisme, l'avenir du secteur? Le Maroc, de Tanger à Lagouira a un immense potentiel. Beaucoup de créneaux peuvent être exploités : le tourisme écologique, les séminaires, les congrès etc. Durant cette période de crise sanitaire, nous avons beaucoup réfléchi à une diversification du produit. Mais à l'heure qu'il est, nous attendons la relance de l'activité. Une fois cette relance entamée, nous nous pencherons vers l'avenir du secteur. En attendant l'ouverture des frontières, quelles alternatives s'offrent au secteur du tourisme? Le tourisme national est une bonne alternative en attendant la reprise de l'activité. Il se trouve cependant que les structures ne sont pas toutes ouvertes. Il y a une forte demande pour Marrakech et Taghazout entre autres. La région du Sahara est devenue très en vogue depuis quelques temps. C'est une destination très à la mode. Il y a aussi le tourisme de montagne qui a beaucoup de succès. Mais il est dommage de constater que les hôteliers et la Royal Air Maroc (RAM) n'ont pas fait d'efforts en baissant les tarifs et encourager de ce fait les familles à visiter le pays. Pour aller à Dakhla par exemple, il faut compter 2000 dhs pour un vol aller-retour. Ajouter à cette somme 3000 dhs pour deux ou trois nuits d'hôtels, cela devient conséquent, surtout pour une courte durée. Une famille composée de 4 membres doit donc débourser la bagatelle de 16.000 dhs pour un week-end, ce qui est extrêmement onéreux, surtout en ces temps de crise. Les hôtels sont vides et malgré cela, ils ne font aucun tarif promotionnel, aucun effort tarifaire. De plus, la classe moyenne est durement impactée par la crise puisque les salaires ont baissé de 20 à 30%. Pourtant, il est évident qu'en période de crise, le premier poste budgétaire impacté est celui des loisirs. L'économie du superflu prend donc un coup. Le pouvoir d'achat des classes moyennes est en souffrance depuis le début de l'état d'urgence sanitaire en vigueur au Maroc depuis le vendredi 20 mars. Un effort de la part des hôteliers n'aurait pas été malvenu. Les classes moyennes auraient pu penser à d'autres choses qu'à leurs besoins essentiels.