Les images que plusieurs chaînes de télévision américaines n'ont eu de cesse de passer en boucle sont non seulement choquantes mais, également révélatrices, du climat racial délétère qui règne encore aux Etats-Unis trois mois après le raz-de-marée «Black Lives matter» provoqué par la mort par asphyxie, le 25 mai dernier, de George Floyd à Minneapolis dans le Minnesota et cinquante sept ans, presque jour pour jour, après l'emblématique «I have a dream» prononcé le 28 Août 1963 par le leader de la lutte pour les droits civiques le pasteur Martin Luther King. Les images diffusées en boucle montrent la violence effarante avec laquelle deux policiers ont interpellé, dimanche 23 Août à Kenosha dans le Wisconsin, un jeune homme noir de 29 ans répondant au nom de Jacob Blake auquel ils ont logé sept balles au moment même où il leur tournait le dos et s'apprêtait à monter dans la voiture à bord de laquelle se trouvaient ses enfants. Il n'en fallait pas plus, bien entendu, pour que plusieurs dizaines de milliers d'anti-racistes se retrouvent ce vendredi, au cœur de Washington, autour du mot d'ordre « Enlevez votre genou de nos cous » – en référence à la mort de George Floyd – pour réclamer qu'il soit mis fin aux violences policières contre la minorité noire et aux bavures qui, en visant les Afro-américains ont rouvert les plaies raciales de l'Amérique. Parmi les manifestants, on pouvait voir le fils et la petite-fille du pasteur Martin Luther King ainsi que des membres des familles de George Floyd et de Jacob Blake. Prenant la parole, Yolanda King, 12 ans, la petite-fille du pasteur, qui s'est présentée comme faisant partie de «la génération» qui va « démanteler le racisme systématique une bonne fois pour toutes » a réclamé «l'égalité réelle». Laissant exploser sa colère et sa frustration, un quinquagénaire noir s'écriera, de son côté : «Cela fait 300 ans qu'on attend l'égalité. Techniquement, nous avons construit ce pays et nous sommes toujours traités de manière injuste». Non loin de là, à proximité du mémorial érigé en l'honneur du président Abraham Lincoln qui avait aboli l'esclavage le 1er Janvier 1865, le révérend Al Sharpton, «fatigué des promesses non tenues» rappellera, pour sa part, que «les vies noires comptent» et que ces manifestations ne s'arrêteront pas « avant qu'elles ne comptent pour tout le monde». Présent également à cette manifestation, le père de Jacob Blake, le jeune homme de 29 ans qui a perdu l'usage de ses jambes et qui était resté menotté à son lit d'hôpital jusqu'à vendredi, déplorera le fait qu'«il y a deux systèmes judiciaires aux Etats-Unis ; un pour les Blancs, un pour les Noirs ! » et s'écriera, à ce titre, « pas de justice, pas de paix !». Mais la manifestation de ce vendredi n'est pas la première après l'interpellation «musclée» de Jacob Blake puisque la ville de Kenosha a connu trois nuits d'émeutes au cours desquelles deux personnes auraient été abattues par un jeune homme de 17 ans appartenant à des milices chargées de défendre les commerces locaux après que ce dernier ait tiré, à bout portant, en leur direction, à l'aide d'un fusil d'assaut. Même le monde du sport a sifflé la fin de la partie et dénoncé les «bavures policières» visant la communauté noire quand les basketteurs du Milwaukee Bucks ont boycotté un match de la NBA et poussé cette dernière à reporter les rencontres qui devaient se dérouler mercredi et jeudi. Est-ce à dire qu'aux Etats-Unis, plus d'un demi-siècle après le fameux « rêve » du pasteur Martin Luther King et plus d'un siècle et demi après l'abolition officielle de l'esclavage par Abraham Lincoln, la ségrégation et les violences raciales seront toujours de mise ? Attendons, pour voir...