Syrie : le Maroc ouvre officiellement son ambassade à Damas    Chantiers hydriques : Le gouvernement accélère la cadence    Golf : Rabat abrite le premier Championnat du Monde de Golf Scolaire    CDMC 25: le PSG écrase le Real et file en finale face à Chelsea    CAN (f) Maroc 2024 / Groupe A : La Zambie se relance, le Sénégal cale    Usage de drogues : Au Maroc, notre jeunesse mord au « hook » !    Après les nombreux revers, le Polisario limoge son représentant à Genève    L'ambassadeure de l'UE rend hommage à 23 boursiers marocains du programme Erasmus+    Maroc : Arrestation d'un Français d'origine algérienne visé par un mandat d'arrêt international    Jazzablanca 2025 : Maalem Bekkas and Waaju bridge Morocco and the UK through Gnaoua-Jazz    Maroc : Le chercheur Mimoun Aziza compile ses écrits sur le Rif et l'Espagne    Talbi Alami s'entretient à Paris avec la présidente de l'Assemblée nationale française    Ligue des Champions : L'UEFA change une nouvelle fois les règles    Coupe du monde des clubs : Donald Trump confirme sa présence à la finale    Linda Yaccarino quitte son poste de PDG de X d'Elon Musk    ANME : Le projet de loi relatif au Conseil National de la Presse, une étape essentielle pour combler le vide institutionnel    La président Donald Trump impose un droit de douane de 30 % sur les importations algériennes, une riposte du régime d'Alger est peu probable    Forum de l'alternance: le Maroc et la France affûtent leur coopération dans l'enseignement supérieur    Bancarisation: les nouvelles révélations de Bank Al-Maghrib    Bientôt des « Visites Mystères » pour renforcer la qualité des hébergements touristiques au Maroc    Mehdi Bensaïd plaide pour une refonte du droit de la presse à l'aune des mutations du métier    Sahara marocain: Un consensus international irréversible autour de la marocanité du Sahara et un appui soutenu à l'Initiative marocaine d'autonomie comme seule solution politique à ce différend régional    Le Maroc et le Brésil déterminés à inscrire leur partenariat dans la durée au service d'un avenir plus intégré et plus prospère (M. Zidane)    Etats-Unis – Afrique : Donald Trump reçoit cinq chefs d'Etat africains à Washington    Infirmerie : quatre Lions de l'Atlas de retour, cap sur la reprise    Gaza: une vingtaine de morts dans des attaques israéliennes    Espagne: Pedro Sánchez annonce « un plan national de lutte contre la corruption »    Texas: le bilan des inondations dépasse les 100 morts    Info en images. Voie express Fès-Taounate : Lancement des travaux de la 3e tranche    Prévisions météorologiques pour le jeudi 10 juillet 2025    Fortes averses orageuses avec grêle locale et rafales de vent mercredi dans plusieurs provinces (bulletin d'alerte)    M-Automotiv renforce son réseau à Casablanca avec Panadis Auto    La Chambre des conseillers adopte en deuxième lecture le projet de loi relatif à la procédure civile    Défense : Le Maroc avance vers la souveraineté industrielle avec le véhicule blindé WhAP 8×8    CCM : La fiction locale devient la vraie star des salles obscures    La Dance World Cup 2025 accueille pour la première fois le Maroc et consacre la danse orientale comme art folklorique    Belgique : Le Collectif contre l'islamophobie dans le viseur des renseignements    CAN 2025 - CAN Féminine 2024 : Danone alimentera 10 000 volontaires et 5 000 journalistes    Spain supports Morocco's customs closure in Melilla citing bilateral agreement    Etats-Unis : Selon les médias algériens, le Congress aurait rejeté à 98% le classement du Polisario comme mouvement terroriste [Désintox]    BLS lève 500 millions de dirhams pour soutenir son développement logistique au Maroc    Feuille de route pour l'emploi: Le gouvernement enchaîne les réunions, le chômage en ligne de mire    Découverte scientifique : Le lien révélé entre nos ancêtres et les pharaons [INTEGRAL]    Patrimoine ivoirien Le Tambour parleur Ebrié retourne au pays    Renaissance Pharaonique : Le Grand Egyptian Museum fait peau neuve    Ventes de ciment : un premier semestre d'excellente facture !    Summer Grill by George, la nouvelle escale culinaire de Mazagan Beach & Golf Resort    CAN féminine (Maroc-RD Congo): Les Lionnes de l'Atlas visent la pole position    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



«Atiq Rahimi: la voix des Afghans opprimés et terrorisés!»
Publié dans Albayane le 12 - 06 - 2020

Entretien avec Outhman Boutisane, chercheur en littérature afghane contemporaine
Ppar Moustapha Younes
Une œuvre littéraire est le produit du contexte historique et culturel de son émergence et dépend inextricablement de l'espace où elle baigne. La littérature afghane ne déroge pas à cette règle dans la mesure où selon les mots de Outhman Boutisane «elle se fait l'écho de l'histoire tourmentée de l'Afghanistan». De plus en plus prisée, cette littérature commence à susciter un intérêt grandissant et ce grâce aux travaux de chercheurs universitaires dont Boutisane est l'un des représentants. Dans ce bref entretien, il nous apporte un éclairage sur les différents aspects de l'écriture de Atiq Rahimi, auquel il a consacré cet essai, et nous fait découvrir, du même coup, cette florissante littérature qu'est la littérature afghane.
D'abord pourquoi cet intérêt pour la littérature afghane?
On dit souvent que le hasard fait des belles rencontres. J'ai découvert pour la première fois la littérature afghane en 2013, en lisant le roman d'Atiq Rahimi intitulé «Les Mille maisons du rêve et de la terreur». C'est un livre qui m'a beaucoup marqué et je ne savais pas que l'auteur est un romancier afghan. Donc c'était mon premier contact avec cette littérature méconnue, notamment dans le monde arabe et même en Europe. Par curiosité, j'ai effectué des recherches documentaires pour connaître plus ce paysage littéraire, mais malheureusement j'ai constaté qu'il y a une rareté de références et qu'il n'existe presque rien sur ce sujet au niveau académique et universitaire. Cela m'a poussé à lire les autres romans du même auteur en lui consacrant mon mémoire de master. Ma thèse n'est qu'un prolongement de mes recherches. Si l'Afghanistan était un paradis pour les anthropologues, sa littérature constitue pour moi un autre paradis. Donc, mon objectif en tant que chercheur, c'est de faire connaître les écrivains afghans, de promouvoir cette littérature inédite qui reflète la mosaïque afghane.
Atik Rahimi auquel vous avez consacré et votre thèse et cet essai est sans doute l'une des figures majeures de la littérature afghane d'expression française. Or, il nous demeure malheureusement étranger. Pourriez-vous le présenter en quelques mots à nos lecteurs?
Oui certainement. Il ne s'agit pas d'un simple auteur qui écrit des romans. Atiq Rahimi est avant tout un homme à plusieurs casquettes, un artiste. D'abord, il est poète, écrivain, photographe, calligraphe et cinéaste franco-afghan exilé de sa terre natale depuis 1984. Après avoir fait un doctorat de communication audiovisuelle à la Sorbonne, il a commencé à réaliser des films documentaires en adaptant en 2004 son roman «Terre et cendres», qui a obtenu le prix «Regard sur l'avenir» au festival de Cannes. Il a reçu le prix Goncourt en 2008 pour son roman «Synguésabour : pierre de patience», qu'il adaptera ensuite au cinéma. A mon avis, c'est grâce aux œuvres d'Atiq Rahimi que les français ont commencé à s'intéresser aujourd'hui à la littérature afghane en traduisant et en publiant les écrits des Afghans refugiés en France ou ailleurs.
A la lecture de votre essai on découvre une réalité socio-culturelle propre à l'Afghanistan. Comment A. Rahimi réussit-il à rendre compte de cette réalité?
Atiq Rahimi est très attaché à son pays. Il situe toujours ses romans au cœur de l'Afghanistan. Il puise son inspiration dans la mémoire collective. Force est de reconnaître qu'il n'écrit pas dans un cadre restreint ; son œuvre se nourrit de l'héritage ethnoculturel, religieux et linguistique de son pays et de sa propre expérience. Son écriture est donc le reflet d'une crise identitaire, de l'exil et de la pluralité culturelle. Pas seulement chez Atiq Rahimi, toute la littérature afghane se construit sur une réalité socio-culturelle en abordant des questions interculturelles fondamentales, telles que le bilinguisme, la double identité, le dialogue des cultures, l'altérité, les conflits culturels, la guerre, la situation des femmes, l'obscurantisme…etc.
L'écrivain engagé sait que la parole est action : il sait que dévoiler c'est changer et qu'on ne peut dévoiler qu'en projetant de changer », affirme J-P Sartre .A.Rahimi répond-il à cette exigence ? Et dans quelles proportions?
Oui effectivement. Atiq Rahimi est un écrivain engagé qui a consacré son écriture pour faire entendre la voix des Afghans opprimés et terrorisés. Face à l'obscurantisme et à la négation du passé que le régime taliban impose au peuple afghan, l'auteur invite ses lecteurs à découvrir la réalité dégradée de son pays. Il défend la cause féminine, critique acerbement l'injustice, se moque des croyances religieuses aveugles, dévoile avec un style osé la souffrance des corps interdits, forcés d'enfanter, torturés, blessés ou même tués. La littérature afghane est un foyer de résistance selon Latif Pedram, l'un des grands intellectuels et critiques afghans. Elle est le seul espoir pour entrevoir des jours meilleurs en ces temps de désarroi complet. Comme le dit Flaubert aussi : « La littérature est tout ou rien ». Je pense que Rahimi produit une littérature rebelle parce que c'est un écrivain qui croit au pouvoir de la parole. La littérature afghane c'est un tout, elle est ancrée dans la réalité amère d'un pays qui porte toujours la cicatrice de la guerre. Rahimi nous fait revivre l'expérience d'un peuple condamné à la guerre, à l'errance (l'exil) et à l'injustice. Son expérience d'exilé est l'image obscure d'un passé et d'un présent sanglants.
Vous avez intitulé votre essai de l'autobiographie à l'autofiction, terme introduit dans la critique par Serge Doubrovsky. Comment s'effectue ce glissement? Et quel est son intérêt dans l'économie générale de l'œuvre Rahimienne?
Ce n'est pas facile de répondre à ces deux questions en quelques lignes. Mais je peux dire que l'œuvre de Rahimi se caractérise par l'emploi de la première personne (je) qui renvoie à la fois à l'autobiographie et l'autofiction. L'auteur use intentionnellement des diverses formes énonciatives et typographiques relatives à cette forme d'écriture. La plupart de ses textes sont écrits à la première et deuxième personne (Je/tu), alors qu'il y a un certain recours à l'autoportrait photographique et calligraphique dans certains récits comme La Ballade du calame et Le Retour imaginaire. Il s'agit d'un jeu d'écriture où il y a interpénétration entre plusieurs identités, entre rêve et réalité, entre passé et présent…etc. Rahimi passe de l'autobiographie à l'autoportrait pour élargir le champ de sa réflexion sur l'identité et l'exil. Il se cherche dans toutes formes d'écriture afin de rendre palpable sa blessure existentielle. De ce fait, il écrit pour restituer son identité déchirée, pour se libérer de la cicatrice. L'écriture pour lui est une délivrance, un espace de réconciliation.
Vos travaux sur la littérature afghane témoignent d'une connaissance approfondie de cette littérature. Selon vous qu'est ce qui fédère les différents auteurs afghans au point de vue des thèmes et des procédés d'écriture et qu'est ce qui les distingue les uns des autres?
La littérature afghane est ouverte, symbolique et mythique. Elle est riche en références interculturelles et intertextuelles. Les auteurs afghans attachent beaucoup d'importance à la langue d'écriture, à la construction des personnages et même aux procédés de la narration. Ils abordent presque tous les mêmes sujets qui occupent leurs esprits comme les souvenirs d'enfance, la guerre, l'injustice, les tabous sociaux et religieux, l'exil, le déracinement, la nostalgie des origines…etc. Ce qui les distingue, c'est leurs façons de voir les choses, leurs sources d'inspiration, la recherche d'une langue puissante, singulière et libre. Certains s'inspirent de la mythologie persane, d'autres méditent sur l'actualité afghane. L'Afghanistan constitue donc un véritable foyer de littérature depuis longtemps.
Avez-vous d'autres projets en cours sur la littérature afghane?
J'écris actuellement un livre sur la poésie afghane contemporaine. C'est un projet que j'ai commencé depuis janvier. L'une des richesses de la littérature afghane, c'est sa poésie. C'est le genre littéraire le plus exercé en Afghanistan. Donc, ce projet a pour objectif de faire connaître et promouvoir la poésie afghane.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.